Ahmed Bencherif
Ecrivain chercheur
Conférence à la maison de la Culture
Abdelkader Alloula Tlemcen
Samedi 27 mai 2023 à 14 heures
Thème : la grande bataille de la Macta
La société algérienne au premier quart du XIX ème siècle
Le caractère tribal de la société algérienne persiste et le domaine agricole privé très limité n’a pas permis la fondation d’une bourgeoisie nationale encore moins des propriétaires féodaux. Cet état économique laissait le pouvoir entre les mains du divan de la république militaire algérienne.
Les communautés sont Kabyles Zouaouwa, Kabyles, Arabes, Maures d’Andalousie, Coulougli, Turcs. Mais il existe une excellente cohabitation entres ces groupes ethniques, cimentée par la religion commune, l’islam.
Au niveau sociologique, il existe deux genres de tribus :
-. Les tribus Makhzen. Elles sont puissantes, guerrières, riches. Elles occupent les plaines. En période de paix, elles perçoivent l’impôt sur les autres tribus qui leur sont attachées, qu’on appelle : Raya ( sujets). Elles-mêmes ne paient pas d’impôt. En temps de guerre elles sont mobilisées contre l’ennemi extérieur ou pour réprimer une rébellion intérieure, ou encore soumettre une tribu non soumise. Elles sont les auxiliaires de la petite armée turque. En fait, elles forment le gros de l’armée. Elles sont parfaitement connues par le divan. On peut citer un exemple les Douers et les Smélas.
-. Les tribus Raya. Ce sont des sujets soumis à l’impôt. Elles sont pauvres et non armée en général, très peu nombreuses. Elles ne possèdent pas de cavaliers ni d’armes à feu. En cas de danger, elles sont protégées par le pouvoir ou les tribus Makhzen.
La puissance d’Alger réside dans sa marine de guerre redoutable, invincible. Elle possède plus de 35 vaisseaux et généralement ce chiffre baisse rarement.
L’effectif de l’armée turque est de 12.000 hommes et parfois, en temps de paix, ce chiffre descend jusqu’à 3.500 hommes. Elle est réservée aux Turcs d’origine, après qu’elle eût incorporé dans ses rangs des Maures et des Coulougli, par crainte de perdre le pouvoir.
Le pouvoir turc s’appuyait aussi sur les confréries religieuses ou les familles maraboutiques. Sans les tribus Malhzen, le Pouvoir turc n’aurait pas duré cette longue période, d’autant que les révolutions du peuple étaient courantes.
- I. Préliminaires
- A. L’expédition française contre Alger 14 juin 1830
Le corps expéditionnaire se compose :
1. l’armée de terre se chiffrait à 37.551 hommes et 4.008 chevaux. Le parc de siège est composé de 82 pièces de gros calibre, 9 mortiers.
2. La flotte de guerre se composait de 20 vaisseaux, 24 frégates et 70 bâtiments ; la flotte de transport est formée de 500 navires pour le transport des troupes et du matériel, des munitions et des vivres pour deux mois.
Le corps expéditionnaire est réparti en 3 divisions :
1. La première division sous les ordres du général Berthezène, elle-même fractionnée en 3 brigades sous les ordres des généraux Poret de Morvan, baron Achard, baron Clouet ; colonel Brossard, chef d’état-major de la division.
2. La deuxième division sous les ordres du lieutenant général du comte de Loverdo, elle-même fractionnée en 3 brigades ; la première sous les ordres Danrémont, Munck d’User, Colomb d’Arcines ; colonel Jacobi, chef d’état-major de la division.
3. La troisième division sous les ordres du lieutenant général duc Des Cars, elle-même fractionnée en 3 brigades, sous les ordres des généraux vicomte de Berthier, baron Hurel, comte De Montlivaut ; colonel Pétiet , chef d’état-major.
Le 14 juin 1830, cruelle mémoire
Le 14 juin 1830, c’est l’agression contre Alger par le corps expéditionnaire sous le commandement du général de Bourmont. Alger, la citadelle hier encore imprenable, tombe aux mains des Français. C’est la chute du pouvoir des Turcs. Le dey Hocine capitule le 5 juillet et il lui est permis par le commandement militaire français de regagner la Turquie en emportant sa fortune estimée à quatre millions de francs.
Soucieux de préserver son pouvoir et ses intérêts, le bey d’Oran, Hassan, sollicite l’appui de Mahiedien qui va à Guetna tenir un conseil de tribu pour étudier la proposition du bey. Les membres sont unanimes pour aider le bey à préserver son pouvoir. Mais Abdelkader s’insurge et dit qu’il n’y avait pour sa famille aucune certitude pour protéger le bey Hassan contre le ressentiment général de la population dont il faisait l’objet. Il ajoute qu’un autre motif s’oppose à donner l’asile au bey Hassan : donner l’asile au représentant d’un gouvernement tyrannique méprisé et exécré serait considéré par les Arabes comme une approbation de sa conduite passée. Aussitôt mieux éclairés les membres du Conseil se rangèrent de l’avis d’Abdelkader.
Oran
Le 4 janvier 1831, le général Danrémont entre à Oran et le dey Hassan s’embarque pour Alexandrie. L’anarchie règne alors sur fond de brigandages les haines et les rancunes ravivent les passions
Le cheikh Mahiedine, père d’Abdelkader, organise la défense
Abdelkader se distingue sous les ordres de son père dans les confrontations du 3 et 7 mai, 16 et 23 octobre, 10 et 11 novembre de l’année 1831, sous les murs d’Oran. Abdelkader pieux, élégant, intrépide cavalier, habile dans les exercices du corps. Dans la rencontre du 7 octobre, chargeant jusqu’au milieu des lignes ennemies, il faillit être prisonnier et son cheval avait reçu sept coups de baïonnette. Sous le feu terrible, il réussit à ramasser son neveu si Tayeb blessé.
Mahiedine est sollicité pour son investiture de sultan, il refuse. Sollicité encore une fois le 22 novembre 1832, il concède et consulte son fils Abdelkader qui répond : « le livre de la foi à la main et si la loi me l’ordonnait, je ferais moi-même une saignée derrière le coup de mon frère ». « Voici le sultan annoncé par le prophète. C’est le fils de Zohra. Obéissez-lui comme vous obéissez à moi, dit le pieux Mahiedine ».
La puissance d’Abdelkader est précaire. Il est nommé par trois tribus seulement, et il ne possède pas d’argent, qui est le nerf de la guerre. Il avait seulement trois pièces de 3 boudjous (3,50 francs) qu’il gardait dans un pan de son burnous. Pourtant, Il allait faire face aux dépenses d’un gouvernement régulier et à triompher de la résistance des chefs rivaux qui se disputaient la province d’Oran. Mascara lui fait allégeance et il en fait sa capitale.
Du côté français et sur la courte période 1831-1832, il y eut un mouvement des généraux de la division d’Oran, tous incapables de sortir des murs de la ville et dont les troupes rationnaient les vivres par le fait des difficultés de ravitaillement par terre. Car les tribus enveloppaient en permanence la ville. Quant au ravitaillement par mer, il durait plus de deux mois. Au général Damrémont avait succédé, en avril 1831, le général Faudois. Celui-ci est remplacé par le général Boyer surnommé le cruel.il est à son tour remplacé par le général Desmichels le 23 avril 1833. Celui-ci passe à l’action et lance des offensives sur Arzew et Mostaganem qu’il occupe.
L’année 1833 vit une série d’attaques de l’émir dont celle de Mostaganem. Les soldats de l’émir dépourvus de canons munis de pioches et à découvert défoncent les murs de la ville. Dans le courant de la même année, l’émir s’empare de la ville de Tlemcen triomphant et chassant le khalifa ben Nouna du sultan Moulay Abderahmane. Désormais, il a deux points d’appui : Mascara et Tlemcen.
Le général Desmichels est maitre de la ville d’Oran à l’intérieur des murs de celle-ci, qui est de plus constamment sous les attaques d’Abdelkader. Il est presque prisonnier dans sa propre garnison, privé de ravitaillement et le risque de sortir razzier les tribus limitrophes n’est pas sans danger. Il doit en priorité faire nourrir ses hommes de troupe. Pour atteindre cet il a un besoin pressant de paix. Aussi, il tente une négociation avec l’émir. Ce sera le traité Desmichels.
Le traité Desmichels
« Traité de paix (Traité Desmichels). Le Général commandant les troupes françaises
dans la province d’Oran et l’Émir Abdel Kader ont arrêté les conditions suivantes :
ARTICLE PREMIER. — A dater de ce jour, les hostilités entre les Français et les Arabes cesseront. Le Général commandant les troupes françaises et l’Émir ne négligeront rien pour faire régner l’union et l’ami lié qui doivent exister entre les deux peuples que Dieu a destinés à vivre sous la môme domination. A cet effet, des représentants de l’Émir résideront à Oran, Mostaganem et Arzew ; de même que, pour prévenir toute collision entre les Français et les Arabes, des officiers français résideront à Mascara.
ART. 2. — La religion et les usages musulmans seront respectés et protégés.
ART. 3. — Les prisonniers seront rendus immédiatement de part et d’autre.
ART. 4. — La liberté du commerce sera pleine et entière.
ART. 5. — Les militaires de l’armée française qui abandonneraient leurs drapeaux seront ramenés par les Arabes. De même, les malfaiteurs arabes qui, pour se soustraire à un châtiment mérité, fuiraient leurs tribus et viendraient chercher un refuge auprès des Français, seront immédiatement remis aux représentants de l’Émir, résidant dans les trois villes maritimes occupées par les Français.
ART. 6. — Tout Européen qui serait dans le cas de voyager dans l’intérieur sera muni d’un passeport visé par le représentant de l’Émir à Oran et approuvé par le Général commandant. ».
Le 26 février 1834
Incidences du traité Desmichels
Cependant le général crut à un succès et rendit compte avec un orgueil distingué à son gouvernement. Il se met en valeur dans les lignes suivantes :
« Je vous annonce la soumission de la province d’Oran, la plus considérable et la plus belliqueuse de la Régence. Ce grand événement est la conséquence des avantages qui ont été remportés par les troupes de la division. »
Le traité envoyé à Paris reçut un accueil froid. Sa validation n’a pas suivi la ratification habituelle parla voie parlementaire. Le gouvernement autorisa le général à signifier par écrit à Abdelkader que le roi avait approuvé le traité.
En clair, Abdelkader est libre d’agrandir son royaume et d’y intégrer les tribus de gré ou de force afin de détruire leur sentiment d’indépendance et leur donner en échange le sentiment national nécessaire à la résurrection de la nation algérienne. Il est conscient de cette mission noble et ardue et il entreprend de la réaliser en organisant son administration naissante. Il n’a pas non plus l’intention de se confiner dans les limites territoriales de la province d’Oran. La sécurité de la province d’Oran donnait à réfléchir aux tribus qui n’y dépendaient pas et qui étaient exposées aux raids des coupeurs de route ou de razzias de l’armée d’Afrique (française). C’est ainsi qu’une délégation des tribus du Titteri vint à Mascara voir l’émir et lui proposer de dépendre de son commandement. Il va en effet annexer de nouvelles tribus, de nouveaux territoires. Donc, Abdelkader a un projet national à mettre en œuvre. Toutes les tribus d’Algérie apprécient l’ordre et la sécurité que l’émir Abdelkader a instaurée.
Abdelkader combat aussi les tribus le long du Chélif dont il triomphe et crée deux khalifats Mohamed El Berkani à Médéah et El HADJ Mahi Esseghir à Meliana après avoir battu si El Aribi et hadj Moussa un marabout du désert qui s’était emparé de Médéah. Le traité Desmichels ne lui imposait aucune limite territoriale.
Violation unilatérale du traité de paix
L’émir Abdelkader envoie une copie du traité Desmichels au gouverneur général, le général Drouet d’Erlon. Celui-ci prend connaissance pour la première fois de la dite convention, quand il constate que le souverain arabe ne reconnait pas l’autorité de la France. Il prend une colère vive et requiert instamment le rappel du général Desmichels qui est remplacé par le général Trézel qui prend le commandement de la division d’Oran en février 1835. Le gouverneur général et le général Trézel sont tous d’avis pour modifier le traité Desmichels et obliger l’émir Abdelkader à reconnaitre l’autorité de la France et en être le vassal.
Trézel avait violé le traité Desmichels en commettant une razzia sur la tribu Hachem Ghraba, à laquelle appartient l’émir Abdelkader. Le général n’ignorait pas ce lien de parenté. Il avait fait faucher leurs moissons, piller leurs tentes. Abdelkader avait été mis au courant. C’est en clair une violation flagrante du traité de paix. C’est l’affrontement que recherchait aussi l’émir Abdelkader. C’est la grande bataille de la Macta.
La bataille de la Macta
Position géographique, indication approximative
Les marais de la Macta sont situés à 15 km au nord-ouest de Mostaganem et débouchent sur la plaine de l’Habra. Ils sont gardés par les monts Beni Chougrane au nord-est et les monts Tessala au sud-est. Le bassin versant fait une superficie de 14.390 km2. L’oued Sig est dans leur voisinage.
Les forces
- l’émir.
L’émir déploie sur les rives de la rivière Sig, dans sa direction, 2.000 cavaliers, 800 fantassins. Mais des renforts étaient arrivés de Tlemcen dont on n’a pas les chiffres hélas.
2. Le général Trézel sort le 26 juin 1835, à la tête d’une colonne de 5.000 fantassins, un régiment de Chasseurs d‘Afrique, quatre pièces de montagne, vingt voitures de ravitaillement, un grand nombre d’ambulances.
II. Relation
Les Douers et les Smélas veulent commercer avec la garnison d’Oran, en échange de leur protection et du coup échapper aux exigences de l’émir qui leur avait enjoint de quitter les environs d’Oran pour s’installer du côté de Messerguine et chargea son agha Al Mazari d’exécuter cet ordre. Les deux tribus refusent et obtiennent la protection du général Trézel qui les reçut le lendemain au camp du Figuier et conclut avec eux une convention de protection en échange de leur vassalité et de ravitailler la garnison en denrées alimentaires et en bœufs. Le général vient camper sur les bords du ruisseau Tlelat et envoie une sommation à l’émir pour cesser d’inquiéter ces deux tribus vassales. L’émir répond qu’il reprendrait les deux tribus passées sous le drapeau français et il les réintégrerait à son commandement. Il appela des contingents à se réunir au Sig. La guerre éclatait de nouveau le traité Desmichels était rompu.
Le général Trézel sortit le 26 juin 1835 à la rencontre des contingents de l’émir. Il disposait d’un régiment de cavalerie qu’il morcela en trois parties :
-. Deux escadrons forment l’avant-garde.
-. Deux escadrons aux flancs du convoi.
-. Deux escadrons ferment l’arrière-garde.
L’infanterie est aussi morcelée et le général Trézel n’en plaça pas assez pour soutenir la tête de sa colonne.
Au matin du même jour, la colonne est à peine sortie du taillis de Mouley Ismail, qu’est elle prise d’assaut par des combattants de l’émir, fantassins et cavaliers. La colonne du général Trézel panique sous l’effet de la surprise et la violente charge armée. Son avant-garde se rabat sur la colonne. Les Modjahidine poussent la colonne, attaquent le convoi, isolent un bataillon. Trézel réagit, enlève une partie de son arrière-garde et la déploie à l’avant du convoi. Les combats sont durs, furieux, rapides. Les Moudjahidine marquent un temps d’arrêt pour mieux continuer la bataille. L’ennemi en profite pour ramasser ses blessés et ses morts dont le colonel Oudinot.
Un dilemme se pose au général : continuer la lutte, ou battre en retraite dans de bonnes conditions. Le général accorde un repos à ses soldats, qui dégénère en récréation.
Le général marche vers le Sig, y arrive vers la fin de l’après-midi. Des Moudjahidine campent à proximité. Le général se leurre et essaie de leurrer l’émir qu’il somme à reconnaitre l’autorité de France. L’émir sait qu’il est victorieux, sinon en position de force. Il refuse fièrement. Il sait que la garnison d’Oran est à sa merci pour son ravitaillement et que la ville elle-même est enveloppée par ses contingents. Le général est en perte de confiance avec ses soldats. Sa colonne marche toute la journée du 27 sur le Sig et le lendemain, elle marche vers Arzew.
Les troupes de l’émir la pourchassent sur une plaine qui finit à l’intersection de deux routes, l’une, les collines de Hamyan et, l’autre, les gorges de l’Habra. La première est plus facile à traverser, en ce sens qu’elle est découverte. La seconde est abrupte.
Trézel opte pour les gorges de l’Habra. L’émir envoie un millier de cavaliers, portant les fantassins en croupe, qui se déploient sur le défilé au moment où la colonne française s’y présente à l’endroit où l’Habra quittant les marais, prend le nom de la Macta.
Le général Trézel ne veut pas dégarnir son ordre de retraite pour contenir les Moudjahidine sur les hauteurs. Cette faute stratégique lui coûte très cher. Il envoie seulement deux compagnies pour balayer les collines. Mais les Moudjahidine les repoussent et les obligent à rester dans la vallée. Ils attendent le passage du convoi qui s’engage dans les gorges. Ils le prennent d’assaut. L’arrière-garde de la colonne française ne cherche pas à défendre le convoi, mais elle court à droite pour se réunir à la tête de la colonne.
Plusieurs voitures sont dépouillées de leurs charges et leurs blessés sont achevés, alors que d’autres sont entrainées dans les marais par leurs conducteurs épouvantés. Ces derniers arrêtent leur fuite sous la menace armée du maréchal de logis Fournier qui parvient à sauver 20 blessés seulement. Le désordre de la colonne française est entier, le nombre de victimes entre morts et blessés est incalculable.
Le champ de bataille est désolant par ses cris, ses râles, ses corps défigurés, gisant partout, telle une vision apocalyptique. Une partie des soldats français escalade difficilement et pêle-mêle sur un mamelon autour d’une pièce d’artillerie qui tonne désespérément sans effet. Elle est aussitôt attaquée par les Moudjahidine. Elle est isolée du reste de la colonne et tente de résister à mort. Quelques-uns de leurs chefs les convainquent à descendre du mamelon et à rejoindre la seconde partie qui a pu s’échapper et cherche la route d’Arzew au milieu du désordre général et elle ne parvient pas à la trouver.
Trois ou quatre officiers, Bernard, Allaud, Pastoret, Maussion, ont formé une petite arrière-garde composée de 40 chasseurs, 50 soldats de toute arme, soutenue par l’artillerie. Elle tente désespérément de contenir les assauts des moudjahidine. Mais elle est décimée. La colonne rentre à Arzew, après avoir marché 16 heures et combattu 14. Le général Trézel trouve un renfort sous les ordres du commandant Lamoricière, secondé par les capitaines Cavaignac et Montauban. Il rentre à Oran avec une petite troupe par mer.
Le bilan
-. Du côté français :
Les pertes françaises sont : 280 tués, 500 blessés, 17 prisonniers ; perte d’un canon, des caissons à munitions, des voitures d’ambulance. Comme il est traditionnellement connu aux armées en guerre, le chiffre réel des pertes est gardé secret. Elles donnent un chiffre 4 à 5 fois moins que le véritable chiffre. Nous pouvons avancer, sous toute réserve, que selon ce désastre militaire français à la Macta, le chiffre de 1.000 morts n’est pas à écarter.
-. Du côté des Moudjahidine :
Nos longues recherches n’ont pas aboutit à donner un résultat des pertes. Certains auteurs français disent « Bezzaf », soit beaucoup. Mais ce beaucoup est indéchiffrable.
Le choc
Ce fut le désastre militaire, une défaite cuisante dont le choc est terrible pour la France réputée de grande nation guerrière dont les généraux sont formés dans les académies militaires, dont l’industrie de l’armement est à la pointe du génie industriel universel. L’opinion publique, la classe politique, le parlement en sont scandalisés. Tous réclament des sanctions vigoureuses, des enquêtes, la vengeance. Le premier à en souffrir est le général Trézel. Il fut immédiatement relevé et remplacé par le général d’Arlanges. Au gouverneur Drouet D’Erlon, succède le maréchal Clauzel, secondé par le fils du roi.
Au parlement, les débats sont houleux et le député M Thiers hurle vigoureusement :
« Ce n’est pas de la colonisation, ce n’est pas de l’occupation à une large échelle, ce n’est pas de l’occupation à une petite échelle, ce n’est pas la paix, ce n’est pas la guerre. C’est de la guerre mal faite ».
Le maréchal Clauzel arrive le 10 aout 1835 avec deux grands desseins : l’extension de la puissance, la destruction de Mascara. Il a pour mission de détruire Mascara, pour assouvir les soifs de vengeance des états-majors et de l’opinion publique.
Cette grande bataille aboutit à deux évènements majeurs :
-. Le premier est dramatique. C’est l’agression de Mascara par la colonne du maréchal Clauzel et du prince héritier, qui l’avait pillé et détruit de fond en comble et que l’énergique émir Abdelkader rebâtit entièrement.
-. Le second est heureux. Il conduit à la conclusion du traité de la Tafna du 30 mai 1837, qui reconnait la souveraineté de l’émir Abdelkader sur la province d’Oran et la province du centre, à l’exception des grandes villes, soit à peine deux ans après le désastre français à la Macta.
Bibliographie
Charles Henry-Chrchil ‘la vie d’Abdelkader’
Boualem Bessaih ‘L’émir Abdelkader
Alfred Nettement ‘ histoire de la conquête d’Alger
Henri De Grammont ‘histoire d’Alger sous la domination turque
Tlemcen le 27 mai 2023
Ahmed Bencherif
Ecrivain chercheur
« A un homme façonné comme Abd-el-Kader dans un moule exceptionnel, homme dur comme le bronze, souple et plein de ressort comme l’acier, d’un esprit aussi vaste que le pouvait permettre son éducation, et qui, s’il était venu au temps de la jeunesse politique des Arabes, eut certainement accompli des choses immenses, à cet homme nous opposâmes aussitôt les caractères les plus variés, les talents les plus sérieux; quoique les plus divers ». Léon Plée
« On a souvent comparé Abd-el-Kader à Jugurtha; il n’est pas sans quelque rapport avec Tac-Farinas. Celui-ci fut comme lui élu chef par une tribu insurgée; de même qu’Abd-el-Kader fatigua nos troupes, il fatigua les troupes romaines. Il alla comme lui, étant vaincu, chercher des forces dans le désert ». Léon Plée
Un nouvel adversaire : le général Desmichels
Le général Desmichels arrive à Oran le 23 avril 1833. Début mai, il sort de la place avec 2.000 soldats, tombe au point du jour sur la puissante des Gharaba Hachem, la pille, la disperse. La colonne est assaillie par des nuées de moudjahidine. La colonne rentre sans dégât majeur, et ravitaille Oran. L’appel du djihad par Abdelkader et son père est entendu et aussitôt les douars environnants se soulèvent. Ils viennent établir leur campement à trois lieues d’Oran, au ‘Figuier’ El Karma. Le général Desmichels sort de nuit pour surprendre Abdelkader. Il espère livrer bataille en avant de la place. Mais Abdelkader ne se laisse pas entrainer. Desmichels établit alors un blockhaus, lui signifiant que ses troupes ne reculent pas. Abdelkader attaque, Desmichels appelle toutes ses troupes. Mais Abdelkader les force de battre en retraite vers la place forte. Desmichels s’empare d’Arzew. Mais l’émir enlève jusque dans Arzew Betouna, un de ses nombreux ennemis et le fait exécuter. La mort de son père Mahiedine le prive de l’autorité morale, mais il sait en tirer bénéfice et ses actions sont plus téméraires et entreprenantes.
Abdelkader battait continuellement la campagne forçant les tribus à le suivre dans sa lutte, les empêchant de faire commerce avec les troupes françaises ou de les ravitailler en graines, huiles, viandes.
Le général Desmichels est maitre de la ville d’Oran à l’intérieur des murs de celle-ci, qui est de plus constamment sous les attaques d’Abdelkader. Il est presque prisonnier dans sa propre garnison, privé de ravitaillement et le risque de sortir razzier les tribus limitrophes n’est pas sans danger. Il doit en priorité faire nourrir ses hommes de troupe. Aussi, il tente une négociation avec l’émir. Ce sera le traité Desmichels.
71 Abelkader nos soldats Léon Plée
P40 J. Pichon
La vie d’Abdelkader
Qui est Abdelkader ?
Témoignage d’Alexis de Tocqueville 1805-1859 :
« Il ne faut pas se fier sur le passé et croire que la puissance d’Abdelkader, après avoir brillé un moment, s’éteindra comme tant d’autres. Il est au contraire fort à craindre qu’Abdelkader ne soit en train de fonder, chez les arabes qui nous entourent, un pouvoir plus centralisé, plus agile, plus fort, plus expérimenté et plus régulier que tous ceux qui se sont succédé depuis un siècle sur cette partie du monde. »
Henri Tessier l’émir Abdelkader p 96
Abdelkader, le diplomate
Le traité Desmichels ou le traité de paix abordé lors de l’émission passée nous révèle la dynamique et le génie d’Abdelkader en diplomatie. Sa renommée encore naissante et sa puissance encore en construction n’empêchent pas ce chef non reconnu au niveau International à exceller dans l’art des négociations de questions les plus âpres et les plus complexes. A notre sens, il dépassait de loin le meilleur des ministres des Affaires étrangères de son temps. Cela est d’autant plus vrai que l’émir poursuit encore l’organisation de son administration toute neuve et pose les premiers fondements de l’État authentiquement algérien qu’il est entrain de créer dans un environnement sociologique complexe et bien souvent hostile, sans compter les considérables difficultés que crée la conquête française de notre pays.
Le général Desmichels écrivit à l’émir Abdelkader pour l’informer qu’il était disposé à entrer en pourparlers avec lui et négocier un traité de paix entre les deux parties en décembre 1833. Abdelkader lui envoya une lettre dépêcha deux de ses lieutenants Miloud Ben Arrach et Ould Mahmoud pour conférer en dehors d’Oran avec Mardochée Amar, représentant le général Desmichels. Dans la lettre, il dit que ses deux envoyés lui feront connaitre ses propositions et si elles sont acceptées, vous pouvez aussitôt envoyer le juif Amar Mardochée auprès de l’émir pour arrêter le traité de paix.
Le général rend compte de la correspondance à son gouvernement et demanda l’autorisation de traiter avec Abdelkader. Paris donna son accord aux conditions suivantes :
1° Abdelkader reconnaissait l’autorité de la France
2° Abdelkader prêtait foi et hommage au roi des Français
3° payait un tribut annuel.
Les négociations furent aussitôt engagées et se poursuivirent du 4 au 26 février 1834. L’émir rejetait carrément les propositions du gouvernement français. Il demeurait campé sur ses positions. Il savait qu’il était en position de force et que son ennemi était dans une situation désespérée du moins en faiblesse. Ses hommes étaient menacés de mourir de faim et embarquer ses troupes étaient aussi à haut risque. Finalement, le traité est signé conjointement le 26 février 1834 par les deux parties. C’est le triomphe de l’émir Abdelkader : le traité ne fait aucune mention de cette condition de reconnaissance de l’autorité de la France. Toute la province est sous la souveraineté de l’émir à l’exclusion d’Oran, Arzew, Mostaganem. Son autorité s’étend jusqu’ à Chelef. Voyons le texte du traité :
L’officier d’ordonnance M. Desforges prend la fuite et rentre à Oran informé le général Desmichels du désastre qui avait frappé sa colonne expéditionnaire. Point nécessaire de dire son désarroi et son abattement ! Aussitôt, il rassembla les troupes de la garnison pour se porter au secours de leurs camarades qui purent être sauvés à temps anéantissement. Ce qui resta de la colonne rentra à Oran dans les conditions, des plus pénibles.
Dans l’ardeur de sa victoire, Abdelkader reprend la route de Mostaganem pour continuer à maintenir le siège et à s’en emparer. Abdelkader ne dispose pas d’artillerie de siège dans son armée encore en formation, laquelle est composée exclusivement d’infanterie et de cavalerie. Les fantassins avaient pris possession des faubourgs et attaquent l’un des forts situés près de la mer. Un brick français les pilonnait sans cesse. Les Arabes se déshabillent et nagent en direction du navire, leurs fusils au-dessus de leur tète. Ils tentent d’aborder, mais ils sont repoussés. De son coté, Abdelkader avait creusé une galerie de mine sous le pied des murailles et des explosifs éventrèrent une brèche prise d’assaut par des moudjahidine qui sont repoussés en désordre par un feu nourri des soldats massés à droite et à gauche des murailles. Abdelkader dont les ressources ne lui permettent pas de libérer la ville sut lever le siège et regagner Mascara.
Le 6 aout 1833, le général Desmichels opère une razzia contre la tribu des Zmélas et enlève femmes et enfants.il négocie la libération des otages sous condition que la tribu n’obéisse plus à Abdelkader et vienne s’établir à Messerguin et à Oran. D’un autre coté la tribu des Douairs ancien makhzen turc continue de ravitailler la garnison d’Oran. Ce fut un coup terrible pour l’émir. Il décide de leur dépêcher des marabouts influents qui les convainquent de renoncer à tout lien avec les français. Les Zmélas quittent Messereguin et les Douairs cessent toute activité commerciale avec les français.
Le général demande à l’émir le 30 octobre, au nom de l’humanité, la libération des prisonniers français qui escortaient Kaddour Tubben, chef de tribu des Bordjia. Abdelkader décline cette sollicitation et lui adresse un défi avec une grandeur d’esprit certaine :
« Quand vous sortirez à deux ou trois jours d’Oran, j’espère que nous nous verrons et l’on saura enfin qui de nous doit rester le maitre du pays ». J. Pichon
Le général relève le défi et sort le 2 décembre à 6 heures du soir, la tète de 2000 fantassins, 400 chasseurs (cavaliers), 100 sapeurs, 2 pièces d’artillerie. Il tombe sur la tribu des Zmélas. De violents combats les opposent. La colonne française parvient à tuer un bon nombre d’Arabes, d’enlever des femmes, de faire des prisonniers. La troupe française rentre à Oran glorieuse de sa razzia qui avait emporté des vivres dont la garnison manquait cruellement. Car, elle était ravitaillée seulement par la mer. Par voie terrestre, elle ne recevait aucun ravitaillement par risque de tomber sur les moudjahidine. Le général était dans une situation critique pour assurer la survie de ses hommes. Il avait deux alternatives, l’une aussi grave que l’autre : voir mourir de faim ses hommes ou s’embarquer pour la France. Il réitère sa demande de libération des prisonniers à l’émir et lui propose une négociation de la paix.
Abdelkader renonça à diriger lui-même le siège de la ville qu’il confia aux Hachem Ghraba. Il se rend en toute hâte vers le point qu’il sait le plus menacé et exposé à la furie du général, qui n’est autre que le campement des Douairs et des Zémelas. Ses contingents chargent la colonne qui est sous le commandement de l’officier de l’Etang : l’infanterie française bat en retraite précipitée et de façon désordonnée ; la cavalerie prit la fuite sans se retourner ni reprendre le souffle. Cependant, l’artillerie oppose une résistance sérieuse. Les contingents de l’émir s’emparent du butin pillé aux deux tribus. Les soldats français, qui n’avaient pas ramené de ravitaillement, sont en proie aux affres de la soif et de la faim. De plus, le soleil du mois d’aout les brule. Bientôt les moujahidine les cernent de tous cotés.
Les deux tribus reprirent courage. Elles sont prêtes à la contre attaque. La bataille est engagée et c’est la débandade de la colonne française dont des contingents battent en retraite. Vif et alerte, tacticien de grande valeur, Abdelkader donne un ordre par lequel il s’assure la victoire. Son cri puissant et chaud d’Abdelkader retentit, galvanise, enthousiasme : « Incendiez la plaine ! ». Sur le champ, des centaines de cavaliers partent au galop, sillonnent de tous les sens la plaine et mettent partout le feu aux herbes sèches et aux broussailles sur les arrières des soldats français dont la marche est ralentie par leurs blessés. La colonne ennemie marche sur une épaisse couche de cendres brulantes et passe au travers de rideaux de flammes. Ce stratagème épuisait leurs forces et leur résistance. Un grand nombre de soldats jettent leurs armes. Certains moururent asphyxiés, d’autres roulaient sur ce tapis de cendres et de flammes toujours brulantes et désespérés, leur vie finit sous les coups mortels des yatagans des moudjahidine.
Qui est Abdelkader ?
3ème Témoignage :
Chevalier William, ancien officier à l’Armée d’Afrique
‘L’Émir Abdelkader éditions chez les libraires Paris 1866‘
« Le terrible guerrier, connu sous le nom d’Abdelkader…nous avons pensé que la connaissance de ce grand héros serait agréable… l’histoire de ce guerrier célèbre, présentant des considérations élevées, nous avons présumé que l’étude du grand agitateur Africain pourrait être d’une utilité, pour la Dynastie des hommes doués d’un esprit véritablement supérieur.
Il nous a été donné, après avoir combattu le guerrier célèbre, de le voir de près et de connaitre le grand et noble caractère de ce terrible descendant de Bocchus et de Jugurtha ».
Pourquoi le général veut-il négocier à tout prix la paix ?
Lors de l’émission précédente, Mme Ouahiba m’a posé la question de savoir si le général avait peur. J’avais répondu que oui sans donner de détails, puisque nous étions à la fin de l’émission. Nous allons encore parler des combats pour mieux comprendre la position peu enviable du général. Nous allons aborder cette question avec un auteur contemporain de l’émir pour qui il avait beaucoup d’admiration, en ce sens qu’il était le champion de la liberté des Arabes : Charles-Henry Churchil
Les combats continuent la résistance des troupes de l’émir ne faiblit pas devant la volonté et l’acharnement du général Desmichels pour soumettre le peuple de la province. Ainsi de part et d’autre, l’engagement ne se réduit pas. La prise de Mostaganem par le général aboutit à l’offensive d’Abdelkader pour la libérer. L’émir n’y parvient pas, mais il démontre à tous que sa puissance compte énormément et barre la route au conquérant français. C’est ce que nous allons apprendre de cette épopée de notre champion de la liberté.
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Le général Desmichels s’empare d’Arzew et de Mostaganem vers la fin du mois de juillet 1833. Ainsi, il démontre que la conquête allait se poursuivre et que désormais le nouveau commandement de la province d’Oran s’y engageait résolument. Mais Abdelkader était aussi résolu à lui barrer le chemin de la gloire. Le 2 aout, il se met à la tète de ses cavaliers et ses fantassins et se porte vers la ville occupée pour tenter de la prendre. Le général reprend la route d’Oran, laissant les forces de la garnison se défendre elles-mêmes. Il espère ainsi que la présence d’Abdelkader lui laisserait les mains libres pour mener une expédition contre deux tribus alliées à l’émir. Il y arrive le 4 aout et le lendemain, il sort à la tète de 3.000 cavaliers et fantassins, 3 pièces de campagne pour razzier les deux tribus, les Douairs et les Zémelas. La colonne se rua sur le campement. La cavalerie charge, l’infanterie fonce, l’artillerie tire à boulets. Les Arabes sont surpris, décontenancés, n’opposent qu’une faible résistance sporadique. Ils se dispersent, fuient laissant bétail, troupeaux, femmes et enfants. Soudain, leur fuite cesse et leurs contingents commencent à grossir : Abdelkader venait d’arriver.
L’auteur Léon Plée
Abdelkader, nos soldats, nos généraux
« A un homme façonné comme Abd-el-Kader dans un moule exceptionnel, homme dur comme le bronze, souple et plein de ressort comme l’acier, d’un esprit aussi vaste que le pouvait permettre son éducation, et qui, s’il était venu au temps de la jeunesse politique des Arabes, eut certainement accompli des choses immenses, à cet homme nous opposâmes aussitôt les caractères les plus variés, les talents les plus sérieux; quoique les plus divers ». Léon Plée
« On a souvent comparé Abd-el-Kader à Jugurtha; il n’est pas sans quelque rapport avec Tac-Farinas. Celui-ci fut comme lui élu chef par une tribu insurgée; de même qu’Abd-el-Kader fatigua nos troupes, il fatigua les troupes romaines. Il alla comme lui, étant vaincu, chercher des forces dans le désert ». Léon Plée
Un nouvel adversaire : le général Desmichels
Le général Desmichels arrive à Oran le 23 avril 1833. Début mai, il sort de la place avec 2.000 soldats, tombe au point du jour sur la puissante des Gharaba Hachem, la pille, la disperse. La colonne est assaillie par des nuées de moudjahidine. La colonne rentre sans dégât majeur, et ravitaille Oran. L’appel du djihad par Abdelkader et son père est entendu et aussitôt les douars environnants se soulèvent. Ils viennent établir leur campement à trois lieues d’Oran, au ‘Figuier’ El Karma. Le général Desmichels sort de nuit pour surprendre Abdelkader. Il espère livrer bataille en avant de la place. Mais Abdelkader ne se laisse pas entrainer. Desmichels établit alors un blockhaus, lui signifiant que ses troupes ne reculent pas. Abdelkader attaque, Desmichels appelle toutes ses troupes. Mais Abdelkader les force de battre en retraite vers la place forte. Desmichels s’empare d’Arzew. Mais l’émir enlève jusque dans Arzew Betouna, un de ses nombreux ennemis et le fait exécuter. La mort de son père Mahiedine le prive de l’autorité morale, mais il sait en tirer bénéfice et ses actions sont plus téméraires et entreprenantes.
Abdelkader battait continuellement la campagne forçant les tribus à le suivre dans sa lutte, les empêchant de faire commerce avec les troupes françaises ou de les ravitailler en graines, huiles, viandes.
Le général Desmichels est maitre de la ville d’Oran à l’intérieur des murs de celle-ci, qui est de plus constamment sous les attaques d’Abdelkader. Il est presque prisonnier dans sa propre garnison, privé de ravitaillement et le risque de sortir razzier les tribus limitrophes n’est pas sans danger. Il doit en priorité faire nourrir ses hommes de troupe. Aussi, il tente une négociation avec l’émir. Ce sera le traité Desmichels.
Emission Radio Tlemcen
Lectures sur l’émir Abdelkader
2ème numéro : l’émergence d’Abdelkader
Mardi 10 janvier 2023
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Editée par l’écrivain Ahmed Bencherif
Animateur radio : Mme Ouahiba
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Capitaine Jean Pichon,
du 2ème tirailleur Algérien (1855-1929) suite
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Léon Plée historien
II Débuts politiques et militaires
Capitaine Jules Pichon
Abdelkader , sa jeunesse son rôle politique et religieux
La puissance d’Abdelkader est précaire. Il est nommé par trois tribus seulement, sans argent, ( il possédait 3 boudjous 3,50francs attachée à un pan de son burnous. Il allait faire face aux dépenses d’un gouvernement régulier et à triompher de la résistance des chefs rivaux qui se disputaient la province d’Oran.
L’auteur se pose la question et tente d’y répondre dans son ouvrage :
« Comment parvint-il à surmonter tous les obstacles et à pouvoir soutenir une guerre presque continuelle pendant quinze ans contre une grande puissance qu’il força à certain !moment de porter son armée d’Afrique au chiffre à peine croyable à 106.000 hommes ? »
Il avait compris qu’il devait prêcher un discours religieux , d’ailleurs le seul qui put exister à cette époque de gestation du nationalisme algérien. Disons cependant que le patriotisme est formellement reconnu dans le dogme de l’islam. Le musulman doit défendre, sa famille, ses biens, son honneur, sa patrie contre l’envahisseur qui était pour la circonstance le christianisme. Il s’appuie aussi sur les confréries maraboutiques dont les cheikhs étaient de tout temps à l’avant-garde de la lutte contre l’oppression ou contre les chrétiens. Il insiste aussi sur l’impuissance des envahisseurs en se refermant derrière les murs d’Oran.
Cependant, la province d’Oran est divisée en zones de commandement, chacune aux ordres d’un chef jaloux de son autorité :
- A l’Ouest, Ben Nouna commande Tlemcen , avec le titre de khalifa du sultan du Maroc.
- Le Nord et le voisinage d’Oran obéissent à Moustapha Ben Smlail et son neveu El Mézari, anciens chefs du Makhzen turcs .
- A l’est et sur le territoire qui avoisine le Chélif gouverne si El Aribi.
- Au Sud c’est la grande tribu des Angads avec son cheikh El Ghomeyri.
- Enfin Mascara s’est érigée une sorte de république et se gouverne au moyen d’une djemaa conseil de notable.
Toutefois, cette ville ne tarda pas à reconnaitre le sultan Abdelkder qui proclama le djihad dans la mosquée du haut du minbar. Son prêche est habile ; il fustige les impies qui ont souillé la terre d’Islam et montre clairement leur impuissance à dominer la province. Mais pour atteindre cet objectif, il faut arrêter les luttes intestines. La cause sacrée doit primer sur toute autre chose. Il déclare entre autre :
« si j’ai accepté le pouvoir c’est pour avoir le droit de marcher le premier et de vous conduire dans les combats de Dieu. J’y suis prêt ; mais je suis aussi prêt à me ranger sous la loi de tout autre chef que vous jugeriez plus apte et plus digne que moi de vous commander pourvu qu’il s’engage à prendre en mains la cause de notre foi. ».
En se réclamant du djihad, Abdelkader prend le pas sur les compétiteurs et mettait de son côté les partis religieux marabouts confréries qui couvrent l’Algérie et le Maroc..
Le père organise la défense d’Oran, en sa qualité de marabout comme de tradition au temps des Turcs.
Abdelkader se distingue sous les ordres de son père dans les confrontations du 3 et 7 mai , 16 et 23 octobre , 10 et 11 novembre de l’année 1831, sous les murs d’Oran. Abdelkader pieux, élégant, intrépide cavalier, habile dans les exercices du corps. Dans la rencontre du 7 octobre, chargeant jusqu’au milieu des lignes ennemies, il faillit être prisonnier et son cheval avait reçu sept coups de baïonnette. Sous le feu terrible, il réussit à ramasser son neveu si Tayeb blessé
Mahiedine de nouveau sollicité pour son investiture de sultan, il refuse encore une fois. Alors s’écrièrent les principaux des Hachems et des Beni Amer :
« eh bien puisque tu ne veux pas nous commander, donne-nous pour sultan, non pas ton fils ainé qui n’est qu’un homme de livres, mais le fils de Zohra qui est un homme de poudre ».
Touché jusqu’aux larmes, le maitre refusa encore. Sollicité encore une fois le 22 novembre 1832, il concéda et demanda à son fils Abdelkader :
« si tu étais appelé à commander aux Arabes, comment gouvernerais-tu ? »
Et Abdelkader de répondre :
« le livre de la foi à la main et si la loi me l’ordonnait, je ferais moi-même une saignée derrière le coup de mon frère ».
Véritable profession de foi à laquelle Abdelkader n’a jamais menti. Le père sortit de sa tente et présenta son fils :
« Voici le sultan annoncé par le prophète. C’est le fils de Zohra . Obéissez-lui comme vous obéissez à moi ».
Acclamations instantanées ! Abdelkader s élança sur son cheval et la foule se précipita sur lui. Pleuvent des vivats et des bénédictions.
Abdelkader choisit le titre de l’émir au lieu de sultan. Selon l’auteur J. Pichon, c’est par délicate déférence à l’empereur du Maroc. Est-ce vrai ? Y a-t-il une autre motivation ? Abdelkader est âgé alors de 24 ans.
« Nous avons assumé cette lourde charge, proclame-t-il, dans l’espoir que nous pourrions être le moyen d’unir la grande communauté des musulmans, d’éteindre leurs querelles intestines, d’apporter une sécurité générale à tous les habitants de ce pays, de mettre fin à tous les actes illégaux perpétrés par les fauteurs de désordre contre les honnêtes gens, de refouler et battre l’ennemi qui envahit notre patrie dans l’espoir de nous faire passer sous son joug. »
Ahmed Bencherif
Écrivain chercheur