ahmed bencherif écrivain et poète

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Aux origines de Tlemcen   

Tlemcen est situé à l’extrême Nord-Ouest du Moghreb Aoussat, en Afrique-du-Nord, qui sera plus tard dénommé l’Occident musulman par les Arabes. Elle se dresse majestueuse et défiante dans son environnement, en zones montagneuses avec ses propres vallons, plaines et vallées. Les ouvrages consultés, nombreux en eux-mêmes, n’avaient pas révélé de traces sur la préhistoire. En effet, aucune gravure rupestre n’avait été signalée par un quelconque anthropologue ni même un archéologue.

Les données littéraires sur Pomaria sont rares et éparses. Cet inconvénient majeur bloque les efforts de recherche. C’est ainsi que nous n’avons pas pu accéder à des données sur ses rapports en tant qu’agglomération au cours de la période de la Numidie Occidentale, c’est-à-dire le royaume des Massayssils de Sypahx, plus de 200 avant notre ère. Néanmoins, le passage des Phéniciens et des Carthaginois est cependant attesté. En effet, le port de Honeine est de création phénicienne, le nom même d’Agadir est phénicien et signifie : Rocher.

               Période romaine

Pomaria s’étendait à l’Est de l’actuelle Tlemcen, Tagrart. Elle était une ville garnison et jouait un rôle stratégique à l’époque romaine. Les corps de cavaliers surveillaient les populations soumises ou hostiles. Ils étaient dénommés les (Exploratores) dont les mêmes unités existaient en Germanie, au Danube et en Bretagne. Il existait cependant un seul en Afrique, c’était celui de Pomaria. Deux stèles votives datant de Sévère Alexandre, l’autre de Gordien, mentionnaient les chefs de l’ala exploratorum. Ces commandants de corps vénéraient le Dieu Aulisva. Les cavaliers étaient recrutés parmi la population locale, c’est-à-dire berbère.

Une épitaphe chrétienne date de 417 de notre ère. Elle est postérieure d’un siècle à l’édit de Constantin qui fit du christianisme la religion de l’Empire romain. Nombreuses sont les épitaphes chrétiennes qui remontent au cinquième et au sixième siècle dans les confins de l’Oranie.

Quant à la religion chrétienne, la littérature est trop insignifiante pour affirmer que le christianisme était la religion de ses habitants. Une épitaphe a été retrouvée cependant en 651, donc seulement quelques années avant son islamisation.

En outre, les édifices religieux ne semblent pas avoir existé, tel que le cimetière ou la chapelle. Cependant, l’abbé Bargès affirme le contraire dans son livre ‘ la perle du Maghreb ’. Ses assertions sont en contradiction avec l’histoire et le patrimoine matériel :

-               Les Romains interdisaient les deux religions juive et chrétienne dont ils persécutaient les pratiquants qu’ils chassaient même. C’était le cas de l’exode des 3.000 Juifs qui avaient fui la Palestine pour se rendre à Adrar en 170 de notre ère. Cette interdiction était exécutoire dans toutes leurs colonies du bassin méditerranéen nord, le Nord de l’Afrique et même en Orient. Signalons toutefois que rares les Berbères qui pratiquaient l’une ou l’autre. En effet, ils restaient païens. Ce n’est qu’en 330 de notre ère que les trois Empereurs de Rome avaient rendu un Edit qui autorisait la pratique de la religion. Après cette date, les Berbères continuaient à pratiquer leur culte en cachette dans leurs propres maisonnettes.

-               Comme je l’ai cité plus haut, les fouilles qui avaient été entreprises à Pomaria n’avaient pas révélé l’existence de chapelle ou de synagogue ni de cimetière chrétien ou juif.

L’argumentaire développé ci-dessus nous montre bien que les deux premières religions révélées n’avaient pas été embrassées par les Berbères qui restèrent attachés à leur propre culte païen. Cette thèse met également à nu deux légendes, citées toujours par l’abbé Bargès :

-. Moise, le prophète, rencontra le saint, El Khodeir, en Palestine, le pays des Philistins à l’origine, et lui avait demandé de l’accompagner dans son périple et obtint l’accord. Ils quittèrent la Palestine, parcoururent des milliers de km et seraient arrivés au site primitif de Pomaria ou Agadir. Sidna El Khodeir aurait trouvé une muraille en ruines et il l’aurait reconstruite. Cette même muraille aurait été dénommée El Jeddar, ou Egadar. Selon des explications, El Gadar signifie le Rocher en Phénicien. Effectivement, le rocher qui domine la plaine existe. L’assertion du périple de Moise et d’El Khodeir ne repose sur aucun fondement. Nous sommes dans la légende brute. Ni sa date ni son auteur ne sont connus. Généralement les légendes reposent sur un fait vraisemblable que l’on ne trouve pas dans celle-là.

-. La deuxième légende nous dit que le prophète Salomon serait venu au site en question.  Là encore, il n’existe aucune preuve.

Les deux légendes ne sont pas partagées par les autres auteurs que j’ai pu consulter. Ben Khaldoun les réfute carrément et dit que Moise n’avait jamais quitté l’Orient.  On demeure dans l’infertilité de l’imaginaire. Apparemment, le nom El Jeddar, devenu Agadir, serait postérieur à Pomaria. De Nouvelles fouilles permettraient de savoir plus sur ce patrimoine.

 

 

 

                Agadir est le berceau de Tlemcen, élevée sur les ruines de Pomaria, point secondaire sous les Romains, davantage installés à Lalla Maghnia, Nedroma, Ouchda, situés dans la partie occidentale bogudéenne, plus tard Maurétanie Césarienne. Son nom était gravé sur un banc de la cour du beylik, d’Aulisva, nom de cette ville et du préfet Flavius Cassanius.

                   La pierre sculptée en latin, nous dit l’abbé Bargès, est un autel destiné au Dieu Aulisva par Flavius Caussianus, préfet d’une aile de cavalerie sous le règne de Gordien III 238-244 et portant le titre de : Exploratorums Pomarensiens. C’est un escadron pour surveiller les routes militaires et les Berbères soumis ou hostiles. Cette pierre est à l’époque de l’empereur Alexandre Sévères)

 

Rome ne s’était pas occupée à adopter une religion révélée quelconque, le judaïsme ou le christianisme. Ses citoyens vénéraient leurs propres dieux, d’ailleurs comme les Berbères. Ce n’est qu’en 330 de notre ère que les trois Empereurs adoptèrent le christianisme comme religion d’Etat. En effet, une épitaphe chrétienne, qui date de 417 de notre ère, atteste une christianisation limitée même parmi les citoyens romains à Pomaria. Cette épitaphe était postérieure d’un siècle à l’édit de Constantin qui fit du christianisme la religion de l’Empire romain. Les Berbères de la région vénéraient le dieu AULISUA, c’était le cas à Pomaria et Ain Khial.

Le camp

Les soldats étaient recrutés dans le pays numide orientale ou occidentale, parmi les populations berbères. La ville de Pomaria existait déjà au 3° siècle de notre ère et abritait sa propre garnison. Cette caserne était dotée d’un service de renseignement et d’un poste d’observation. C’était un carrefour de routes militaires. Deux voies la reliaient à la côte, l’une par Albulac AinTémouchent, menant au port de Mers El Kebir futur, l’autre, à Siga  l’ancienne capitale de Syphax. La troisième passait par Pomaria d’Est en Ouest. Elle  constituait le boulevard de l’Afrique romaine, tel qu’il était baptisé par l’Empire romain. Pomaria était l’avant-poste pour les troupes en armes qui se dirigeaient vers le Maroc ou la Maurétanie Gingitane. Le camp ressemblait à celui de Maghnia, Nédromah et d’Ouchda dont les ruines sont apparentes en quelques endroits. La garnison de Pomaria comptait mille cavaliers.

ALA : ce terme désignait, sous la République, les cavaliers placés aux flancs de la légion pour la protéger, composés de citoyens, puis sous l’empereur César, il est composé d’étrangers. Sous l’Empire, ce mot désigna les auxiliaires recrutés volontairement localement. L’uniforme des cavaliers auxiliaires se composait d’une tunique, d’une culote descendant plus bas que le genou, les deux en cuir, et d’un plastron de cuir. L’armure du soldat était formée par le bouclier en bois recouvert de cuir, le casque de métal, le long sabre, la lance oblongue, l’arc. Quant au cheval, c’était un barbe.

Les archers étaient eux aussi montés.

Près de Pomaria, il existait un autre camp, dit Ain Khial, lequel était situé à dix-sept km au sud d’Ain-Temouchent, c’est-à-dire aux environ de Remchi actuel.  C’était une garnison de COHORETES, c’est-à-dire des soldats de l’infanterie.

Pomaria et Ain Khial relevaient de l’autorité de la province romaine Césarée, l’actuel Cherchell. Elle était gouvernée par le PROCURATOR, sorte de gouverneur général. Il détendait tous les pouvoirs civils et militaires et représentait l’empereur.

Le LIMES     

Le LIMES est construit sous le règne de Sévère Alexandre en l’an 227 de notre ère et dont les ingénieurs s’étaient inspirés de la grande muraille de Chine, construite près de six siècles avant l’ère vulgaire. C’était une longue muraille qui s’étendait de la Numidie à la Maurténaie Césarienne, au sud du Hodna, les Bibans, le Titteri, des monts de l’Ouarsenis, de Frenda, Saida, Daia et Tlemcen, des ksour. Sa longueur faisait quatre mille km et commençait à la Tripolitaine pour finir à Salé, en Maurétanie Tingitane. Elle était renforcée et gardée par  des postes fortifiés pour contenir les nomades c’est-à-dire les Gétules du mont des ksour, du djebel Amour et au-delà du mont de Beni Snous.

Le bain

                Le bain de l’époque romaine était situé à 45 m à l’Est du minaret. On remarque encore les débris de ses ruines. La salle principale est  voutée en berceau, construite en pierre de taille. Elle fait 3m de large sur 9 m, 30  de long. Le plafond est bas, percé par des trous pour laisser filtrer la lumière. Deux portes lui donnaient accès. Une deuxième salle de repos lui communiquait. Des fouilles ont été effectuées en 1912 par Alfred Bel, directeur de la medersa de Tlemcen. Elles avaient permis de découvrir des vestiges de murs en pisé.

                Les Vandales  

Pomaria avait été aussi dévastée par les Vandales au mois de mai 429, qui étaient venus d’Espagne. Ils traversèrent le détroit et traversèrent la Maurétanie Tingitane, c’est-à-dire le Rif marocain actuel. Le général romain Boniface leur fournit ses vaisseaux, pour tout le bonheur des Espagnols. Il les aurait appelés par vengeance personnelle. Ils étaient quatre-vingt mille individus dont cinquante mille combattants. Leur passage en Oranie est signalé à Alvata (Lamoricière, puis Ouled Mimoun). Ces hordes s’éloignèrent vers l’Est, laissant l’Oranie en ruines. Ces hordes s’éloignèrent vers l’Est, laissant l’Oranie en ruines. Ces territoires étaient tombés aux mains des Berbères

Insurrection berbère

La ruine et le désastre que les Vandales commettaient amenèrent les Berbères à déclencher une grande insurrection qui englobait les déserts de la Tripolitaine, les monts des Aurès et du Djurdjura, le djebel Amour. Ils libéraient l’intérieur des pays et s’emparaient des centres colonisés. Ils ne laissèrent aux Vandales que les villes côtières. Cette grande révolte intervint le 13 décembre 484, après huit années de terreur sous le règne du roi Vandale Hunéric. Cependant, les Vandales restèrent les maitres de l’Afrique romaine encore un siècle. Ils avaient perdu la terre et l’honneur face aux  irascibles Berbères.

Rome entreprit plusieurs expéditions sans succès contre les Vandales. Cependant, l’avènement de l’Empereur Justinien changea l’équilibre stratégique et militaire. Il nomma son général Bélisaire à la tête de l’armée d’Afrique. Celui-ci les vainquit sans difficultés en 533 et les pourchassa jusqu’à les chasser de Césarée en Maurétanie Césarienne et de Ceuta en Maurétanie Tingitane. Deux ans, plus tard, les Vandales n’étaient qu’un malheureux souvenir. Ils avaient tous réembarqués en Espagne.

Rome était pionnière dans la politique de la colonisation qui sera plus tard adoptée par la France dans toutes ses colonies.  Celle-ci consistait à recourir au cantonnement des populations remuantes qui menaçaient la paix et l’ordre public. Elle prenait un grand soin à rétrécir et à délimiter les territoires des tribus. Pire encore, elle engageait la responsabilité collective pour chaque crime ou délit commis individuellement ou par groupe.

L’islam

Mais à l’arrivée de la diffusion de l’islam comme religion, les Berbères opposèrent une vigoureuse résistance. Au VII siècle, ils se convertirent. Cependant, on ignore la propension des convertis ni l’intensité de leur foi. Au VIII siècle, les Amazigh d’Agadir se convertirent en grande masse au Kharijisme et avec eux, leur chef Abou Korra.

La conquête arabe se fit en trois expéditions : Les Romains subirent de sévères échecs sous le commandement d’Abdallah Ben Saad, pendant le khaifa d’Othman. Mouaouiwa Ben HodeijOkba Ben Nafii.  Les deux premiers chefs d’expédition retournèrent en Orient.

Cependant, le troisième, Okba Ben Nafii, affirma clairement sa volonté de s’établir en Afrique. Il édifia Kairawoun. Il fut nommé en 50 de l’hégire et il y resta 5 ans. Abou Dinar El Mouhajir le remplaça en 674 de notre ère. Nommé par Mouaawiya le khalife, il fait plusieurs campagnes en Tripoli et avança jusqu’à Agadir (Maroc), alors occupé par les Romains. Il s’en empara et y demeura 5 ans. Il  déploya une énergie militaire incomparable.

A l’Est, Koceila lève l’étendard de la révolte. Abou Dinar El Mouhajer lève une armée et va à sa rencontre jusqu’aux Aurès. Il lui livre une bataille farouche et le bat. Koceila se reconvertit. Abou Dinar organise une grande expédition pour marcher de nouveau vers l’Ouest jusqu’à Tanger en prévision de la conquête de l’Espagne. Koceila et son frère intègrent la colonne, chacun à la tête de douze mille Berbères. Cette armée se met en marche, arrive à Tanger et s’en empare. Les vingt-quatre-mille Berbères s’y installent et attendent l’ordre de franchir la mer. On peut dire que Tanger est sociologiquement Zénète de l’Aurès.

En 679 ou 680, Okba Ben Nafii revient en Afrique. Il succède à Abou Dinar qu’il met aux fers, dit-on. Okba avance vers l’Ouest. Il parvient jusqu’à Tahert dont il s’en empare. Okba Ben Nafii enchaine des victoires sur les coalisés romains et berbères au Zab et à Tahert. Il résolut de marcher vers l’Ouest. Pour la première fois, les Arabes pénètrent le Maghreb Al Aksa ou plus précisément la Maurétanie tingitane, c’est-à-dire de Tanger. Il soumet en partie cette ville qui sera prise plus tard par Moussa Ben Noussair en 707 de notre ère. Il s’empare ensuite de Ceuta puis il pousse vers l’Atlas et se trouva face aux Masmouda, tribus guerrières disposées à défendre leur territoire.  Celles-ci occupaient la quasi-totalité du Maghreb El Aksa. Après plusieurs engagements, elles parviennent à envelopper les colonnes d’Okba, qui se trouvent sous le danger et le péril. Mais les Zenata (Maghraoua et Beni Ifrène ) de l’Ouest du Maghreb central ou l’Ouest de la Maurétanie Césarienne, qui s’étaient islamisés après leur défaite à Tahert, se portent à son secours et le dégagent de sa position dangereuse.  

Les Beni Ifren sont la tribu la plus importante. Ils adhèrent au kharijisme. En 765, ils nomment Abou Koora, comme chef.  Un premier choc avec les Arabes se produit. Battus, ils se replient à Agadir (Tlemcen).  Ils repartirent à l’attaque avec une force de quarante mille hommes. Ils tiennent le Gouverneur de Tunis et ses quinze mille cinq cents Arabes bloqués à Tobna dans les environs de l’Aurès. Le gouverneur de Tunis parvient à diviser les rebelles dont plusieurs unités le rallièrent. Abou Corra battu, regagna Agadir (Tlemcen) avec les rescapés d’une armée mise en déroute. La tribu ne se releva pas vite de ce désastre et resta dans l’ombre.

                Idriss I   

                Idriss, fils d’Abdallah, ben Hassen, Ben Houceine, ben Ali, époux de Fatima, fille du prophète. C’est une fratrie de 5 frères : Ibrahim, Mohamed Nefs Zakia, Ali, Idriss, Yahia,  Souleimane. Elle avait mené une révolution à Médine contre le pouvoir des Abasside qui avaient vaincu les Omeyade et s’étaient emparé du Califat dont ils établirent la capitale à Baghdad. Le Calife Haroun Rachid exerça des représailles contre les insurgés : Mohamed Nefss Zakia fut tué en 145 de l’hégire ; Ibrahim et Idriss furent emprisonnés à Baghdad. 

                Le premier souci des Abasside était de rendre inoffensifs les descendants d’Ali.   Pourchassé par les Abasside, Idriss prend la fuite avec son compagnon Rachid. De Bagdad, il se rendit en Egypte. Il n’était pas cependant hors d’atteinte par les hommes du Calife. Il poursuit sa fuite jusqu’à Tunis. Le sentiment d’insécurité le hantait. Il pénètre au Maghreb Central. Il ne se doutait pas qu’il  allait entrer sur la scène politique et religieuse en Afrique-du-nord, sans le savoir lui-même. Il marche vers l’Ouest, fait une halte à Agadir. Il séjourna quelque temps à Agadir comme un simple voyageur.

Idriss ben Abdallah ne pouvait pas être le bienvenu. Il craignait les Aghladite qui  étaient les alliés des Abasside. Il repartit au Moghreb Al Aqsa, laissant son frère Solimane.   Il poussa jusqu’à Tanger qui était sous le pouvoir des Omeyades d’Andalousie. Il craignit pour sa vie et fit demi-tour. Il se fixa en 788 avec son compagnon Rachid, à Oululi, l’antique cité Volubilis, à l’invitation d’Ishaq b. Mohammed b.’Abd al-Hamid, le chef mu’tazilite des Awraba.

Les tribus berbères avoisinantes lui prêtèrent serment d’allégeance (bay’a), suivis par d’autres tribus berbères du nord du pays. Portant le titre d’imam, il étendit son influence jusqu’à Tlemcen, à l’est de la Moulouya, et à Salé, au sud du Sebou. Il épousa Kenza, fille d’Abdelhamid Al Awroubi. Il finit par attirer l’attention d’Haroun al-Rashid, qui le fit empoisonner en 791 par un Zaydite du nom de Sulayman b. Jarir que le calife avait réussi à soudoyer en lui offrant une forte somme d’argent et en lui faisant des promesses magnifiques.

                Le neuf décembre 789, Idriss I entreprit une reconnaissance contre Tlemcen, habitée par les Maghraoua et les Beni Ifrène. En arrivant à la ville, il monta son camp dans la banlieue. Il reçut la visite de l’émir de la place, MOHAMED BEN KHAZAR BEN CSOULAT EL MAGHRAOUI EL KHAZARI qui l’honora et l’invita à séjourner parmi eux. Des données historiques se contredisent sur sa venue hostile, selon laquelle il s’était emparé de Tlemcen, sans fournir de preuves tangibles. Certaines citations sont conçues vaguement et suggèrent ce dernier fait. Cependant, Agadir était une place forte et la tribu Zénète était puissante, d’autant plus que le Moghreb Al Aoussat dépendait du royaume Rostomide de Tahert. D’ailleurs, son fils, Idriss II, aura des prétentions territoriales et sera vite dissuadé par la puissance du royaume suscité.  L’imam Idriss I fit construire une mosquée avec un style recherché, dans laquelle il édifia une chaire sculptée de l’inscription suivante :

« Au nom d’Allah clément miséricordieux. Ceci a été construit par l’ordre de Idriss ben Abdallah, ben Hassan, ben El Hassen, ben Ali, ben Abi Taleb. Qu’Allah soit satisfait d’eux tous. Cet évènement eut lieu dans le 1er çafar 174 de l’hégire, soit le 19 juin 790 ».

Cette mosquée n’était pas considérable, car elle avait été construite en quelques semaines, c’est-à-dire dans l’urgence de mettre à la disposition des habitants une structure de prière. Elle fut achevée vers le 20 juin 790. Les dimensions de la mosquée sont : le mur du Nord est de 48m, le mur du Sud, de 42m, mur de l’Est, de 39 m, mur de l’Ouest, 45 m. Le minaret fait 5,60m de côté et 30 m de hauteur, sur une base solide en pierres de 6m, au-dessus du sol.

  Idris I acquit bientôt de la notoriété due principalement à son ascendance chérifienne qui remonte au prophète Mohamed, par Fatima et Ali. Il était en danger latent entre les Omeyade en Andalousie et les Abbasside en Orient. Une large frange de musulmans pensait que le pouvoir royal lui revenait. Ces allégations héréditaires étaient fausses. Car le Messager de Dieu n’avait nullement transmis le pouvoir à Fatima, sa fille. Dans ce même ordre d’idées, Abou Bakr Seddik était désigné par un collectif de Compagnons du prophète. D’autre part, Idriss I pouvait être considéré comme un hors-la-loi, car il était sorti de l’obéissance au souverain, ce qui aux yeux de la loi coranique était un crime et un péché.

Ces échos parvinrent à Haroun Rachid, Calife des Croyants. Celui-ci décida de faire taire à tout jamais Idris qui n’avait montré jusque-là aucune prétention au Califat. Il chargea Soleiman Ben Horeize, surnommé Ech Chemmakh,  de cette mission criminelle qui fit un long périple et parvint à Oulili. Il se présenta comme médecin fugitif des Abbasside et accéda à la confiance de l’Imam Idriss. Il parvint un jour à éloigner le fidèle compagnon Rachid et empoisonna Idriss I qui mourut presque aussitôt. Il s’enfuit. Mais il fut poursuivi par Rachid jusqu’à l’oued Mouloiuya où un combat à mort opposa les deux hommes. Ec Chemmakh, qui fut blessé, put s’enfuir et traverser la rivière. Idriss I mourut le 16 juillet 793 et fut enterré dans la région d’Oulili. .

         Idriss I mourut et laissa Kenza, son épouse ou sa concubine, enceinte. Le fidèle compagnon Rachid réunit les chefs de tribus et leur dit :

« Idriss est mort sans enfants, mais sa femme, Kenza, est enceinte de sept mois, et, si vous le voulez bien, nous attendrons jusqu’au jour de son accouchement pour prendre parti : s’il nait un garçon, nous l’élèverons et quand il sera homme, nous le proclamerons souverain ; car descendant du prophète, il apportera avec lui la bénédiction de sa famille sacrée ».[1]    

         Cette proposition fut acceptée par les chefs de tribus et en septembre 793, Kenza donna le jour à un enfant mâle d’une ressemblance parfaite avec son père. Rachid le présenta aux cheikhs qui s’écrièrent en le voyant :

         « C’est Idriss lui-même, l’Imam n’a pas cessé de vivre »[2]  


[1] Ernest Mercier ‘histoire de l’Afrique septentrionale’ p.265

[2] Op.cit. p.265

7
oct 2024

mes chers lecteurs et lectrices,

après une période estivale chaude et mouvementée, je suis de retour pour vous donner à vos lectures des rubriques que vous appréciez fort bien. En outre je suis assez déçu que mon nouvel ouvrage ‘l’émergence du nationalisme algérien 1515-1953, éditions le Lys Bleu Paris,  n’a pas eu l’écho que j’attendais. les ventes sont nulles. ceci n’encourage pas du tout le désir de produire et de mettre à la disposition du lectorat des textes intéressants.

je souhaite que mon appel touche vos âmes et puisse me donner la satisfaction tout au moins l’espoir.

votre ami Ahmed

Le régime du protectorat        

La pacification du Maroc est exécutée en deux étapes, l’une militaire, l’autre politique. Le corps expéditionnaire est en charge à la périphérie. Quant aux missions politique, administrative et économique, elles sont menées dans les régions soumises. Elle est l’œuvre des fonctionnaires, de la population, des commerçants, colons, industriels. Son activité organise et stabilise le pays. Elle rend improbable le soulèvement là où l’ordre a succédé à l’anarchie, le labeur au pillage. Ainsi se développe par le bas, la collaboration de deux races qu’a sanctionnée la signature du traité de protectorat, le 30 mars 1912.

Le régime du protectorat a été appliqué par les Grecs, les Romains, hollandais, Anglais, puis les Français et leur protectorat de Tunisie qui était une réussite. Donc, il s’applique au Maroc en toute aisance.

Le Maroc a été coupé du monde extérieur au début du 17ème siècle, à la suite de l’expulsion des derniers Maures d’Espagne. Il a été incapable de se transformer et de s’ouvrir vers le monde extérieur. Il lui manquait la volonté, l’union, la discipline. C’est à la France qu’échoit la mission de reconstituer l’unité de l’Empire chérifien pour le conduire vers la voie du progrès. Ainsi, les races française et marocaine ne peuvent se passer l’une de l’autre. L’un et l’autre ont besoin du protectorat. La France juge utile de composer avec le régime existant, comme étant son propre intérêt. Elle trouve le protectorat plus adéquat à la colonisation. Car implanter un peuplement massif est impossible. La tâche du protectorat est complexe. C’est le néant absolu. Le sultan ne gouverne que sur la partie de son empire, gardée par les soldats français. Le vieil édifice de l’Etat marocain s’était effondré. Ce n’est pas seulement le Makhzen qui est tombé. Le Maroc est tombé en décadence depuis des siècles. La civilisation, l’art, les sciences, l’instruction, les métiers, ont subi une régression profonde. La France doit faire renaitre ce qui est mort. Il faut éviter la politique d’assimilation. Elle est vaine en terre d’islam.

Quel protectorat adopter ? le pays est en annexion déguisée ou le pouvoir local est indépendant ? Deux types de protectorat en Tunisie et au Maroc : la Tunisie avait évolué d’une province ottomane à un Etat indépendant. Pour le Maroc, la différence est de taille.

       «  le sultan du Maroc, descendant et successeur du prophète, à la fois chef spirituel et monarque temporel, appartient à la dynastie qui règne depuis trois siècles sur l’Empire ».      

 

         Chp6. Le Gouvernement marocain avant le protectorat

L’organisation administrative a fonctionné de tout temps sur deux principes : la souveraineté absolue du sultan et le fractionnement de la population en tribus. Il délègue ses pouvoirs à ses représentants au niveau des tribus et au niveau des villes.

-          le caïd exerce son autorité sur les tribus.  Il est chef de guerre, chef politique, exerce la justice pénale. Au nom du sultan, il est chargé de conduire les guerriers de sa tribu en campagne ; il recouvre l’impôt sur ses sujets.

-          Le pacha ou le khalifa gouverne la ville

L’organisation du système judiciaire de l’Empire chérifien sur deux principes : les caids et les pachas s’occupent de la justice répressive. Ils mettaient en justice qui ils voulaient et libéraient contre une grosse rançon. Les cadis s’occupent du statut personnel, du commerce.  Le pacha et le caid donnait un ordre verbal pour mettre en prison les sujets. Ils n’en conservent aucune trace,

La dynastie actuelle des Alaouite est de descendance chérifienne. Ils détiennent la baraka, la personne du sultan est sacrée.

Le sultan s’entoure d’un certain nombre de ministres. Leurs attributions sont mal définies. Le ministère est dépourvu de budget, de comptabilité, d’archives, de siège, de fonctionnaires. Le ministre a une chambre comme bureaux ; il se tient assis avec  deux ou trois  secrétaires.  Les ministres sont peu payés ou ils ne le sont pas du tout. Très souvent, un vizir prenait de l’ascendant sur le sultan. Sa puissance est alors illimitée. Il gérait son secteur dans un climat d’intrigues de palais, coalitions de courtisans. La disgrâce est fatale. Il est destitué et tenu à l’éloignement. Ses biens sont confisqués et parfois il est emprisonné.

 

Conclusion

Les relations du Maroc avec les puissances européennes n’avaient jamais été durables. Elles furent nouées ou dénouées en fonction des guerres que se livraient ces mêmes puissances entre elles-mêmes. Les sultans tenaient à rester dans un isolement avec les autres Etats de l’Afrique-du-nord et de l’Europe. Ils craignaient, comme nous l’avions évoqué plus haut, une ouverture sur le monde, qui selon leur perception des choses, aliénerait leur indépendance et saperait leur autorité. De plus, ils refusaient l’émancipation de leurs populations, qui acterait leur libération de l’esclavage dans lequel elles étaient soumises depuis des siècles de cet empire. A propos d’empire, des voix marocaines se targuent que leur pays en fût un. Il en était non pour son importance et sa grande superficie qui était de de 300.000km2, mais pour les quatre ou cinq petits Etats qui le formaient, chacun de la taille d’une province.

Sa capitale avait été successivement Marrakech et Fez. Cette dernière avait été choisie par les chérifiens Alaouites. Ils refusaient l’implantation des Légations et leurs représentants dans leur capitale qu’ils préféraient activer à Tanger. C’était certainement une aberration. Pire, les sultans avaient toujours cette phobie de l’élément étranger qui introduirait sans coup férie de nouvelles idées de bien-être, de libération des échanges commerciaux, de diffusion de l’instruction publique etc…

Le premier sultan qui commençait à s’intéresser à cette civilisation européenne était le jeune sultan Abdelaziz au début du vingtième siècle, en tenant la compagnie de quelques initiateurs des puissances étrangères. Il faillit perdre son empire et fut, de ce fait, obligé de les renvoyer. Sa capitale, Fez, était sur le point de fomenter une rébellion contre sa monarchie.

A l’intérieur du pays, c’est le perpétuel recommencement des guerres pour le pouvoir entre les prétendants, le pillage et le brigandage à large échelle et de grande nuisance. C’était l’insécurité pour tous, souverains comme sujets. Pourtant, le pays ne manquait pas d’intérêt pour les puissances européennes. L’Espagne et la France en étaient des pays frontaliers ; l’Allemagne et la Grande-Bretagne commerçaient avec lui et bien d’autres encore. Le détroit de Gibraltar lui donnait toute cette sollicitude. Il était le plus fréquenté au monde et de ce fait, les nations se surveillaient les unes les autres.

Cependant, la France, plus que les autres puissances, portait un intérêt majeur pour le Maroc. L’Algérie, colonie française, était aussi une destination favorite pour le Maroc. En effet, elle était représentait pour ce royaume un gros marché de travail. Chaque année, trente mille travailleurs marocains y venaient pour moissonner et vendanger. En cas de luttes intérieures, cette main-d’œuvre ne pourrait pas venir travailler. De ce fait, la question de la pénétration du Maroc était posée et il avait fallu négocier avec toutes ces puissances qui y avaient de gros intérêts. Il fallait aux négociateurs français de dissuader chacune d’elles de s’y installer. Le cas échéant, la France algérienne serait en péril et pour la défendre contre quatre millions d’indigènes algériens, il aurait fallu y déployer des troupes de deux-cent-mille hommes, ce qui serait un péril national, selon l’auteur de ce texte, M Peyreigne. Dans ce sens, M Delcassé déclarait le 12 avril 1904 :

« Le Maroc placé sous notre influence, c’est notre empire du Nord de l’Afrique fortifié ; soumis à une influence étrangère, c’est pour le même empire, la menace permanente et la paralysie ».  

L’anarchie croissante dans le sultanat avait influé négativement sur les échanges franco-marocains dont le montant avait régressé sur quatre années consécutives : seize millions en 1901, onze millions en 1902, dix millions en 1903, sept millions en 1904.[1]

En conclusion, la France jugea urgent de s’engager dans une voie pour instaurer un protectorat au Maroc, pays arriéré dont les populations vivaient quasiment à l’état barbare et dont les sultans  se préoccupaient essentiellement de préserver leur trône, en mettant toujours en avant leur statut de chérifs, détendeur du pouvoir spirituel que craignaient leurs sujets. Moulay Ismail, qui gouverna en tyran pendant, cinquante ans, disait à ses victimes qu’il tuait ou dépouillait, qu’elles iraient au paradis et cela fonctionnait dans l’esprit de cette communauté archaïque, élevée dans la haine du chrétien, l’impie.

C’est le dernier article de cette série ‘les influences européennes’. Nous allons entamer la conquête du Maroc et sa soumission au protectorat par la France.


[1] Peyreigne’Les influences européennes page 171’

Conférence d’Algésiras 15 janvier 1906

Protocole du 28 septembre 1905

L’Allemagne et le France sont des acteurs clés dans les affaires politiques et économiques du Maroc. Leur rôle respectif est prépondérant et leur influence sur le sultan Abdelaziz est immense. De même, ils se livrent une concurrence acharnée. Chacun pays essaie de se tailler la part du lion, quand le Maroc se confine dans un cadre d’observateur, sans pouvoir infléchir les ambitions de tel ou tel autre prétendant. Les deux puissances européennes en question entament des négociations marathon toute l’année 1905 pour concevoir une politique de réformes politiques, militaires, économiques au Maroc. Finalement, ils adoptent un programme le 28 septembre 1905, contresigné à Paris, du côté français, par M Roumier, Président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, du côté allemand, par le Prince de Radolin, Ambassadeur d’Allemagne à Paris. Les deux parties se mettent d’accord pour signifier leur programme au sultan, en conformité des principes retenus lors des échanges de lettres du 8 juillet précédent.

                                    I Police

  1. « L’organisation, par voie d’accord international, de la police hors frontières.
  2. Règlement organisant la surveillance et la répression de la contrebande des armes.
  3. Dans la région frontière, l’application de ce règlement restera l’affaire exclusive de la France et du Maroc ».

                   II Réforme financière           

« Concours financier donné au Maghzen (Makhzen) par la  création d’une banque d’Etat avec privilège d’émission, se chargeant des opérations de trésorerie et s’entremettant pour la frappe de monnaie, dont les bénéfices appartiendraient au Makhzen.

La banque d’Etat procéderait à l’assainissement de la situation monétaire.

Les crédits ouverts au Makhzen seraient employés à la solde des troupes, de police et à certains travaux publics urgents, notamment à l’amélioration des ports et de leur outillage.

                III Impôts

Etude d’un meilleur rendement de l’impôt et de la création de nouveaux revenus.

IV

Engagement du Makhzen de n’aliéner aucun des services publics au profit d’intérêts particuliers.

Principe de l’adjudication, sans exception de nationalité pour les travaux publics ».

Les ministres français et allemands recommandent  le 17 octobre de la même année d’accepter le protocole du 28 septembre et le 25 du même mois, le sultan Abdelaziz y adhéra. Le 1er décembre, l’invitation est lancée aux signataires du protocole de Madrid et des nations qui y adhérèrent de se faire représenter à la Conférence d’Algésiras qui allait se tenir. Celle-ci s’ouvrit le 15 janvier 1906, sous la présidence du duc d’Almodovar, ministre d’Etat espagnol.

Il n’est pas fortuit de souligner que ce protocole a été initié et conçu par des puissances étrangères et soumis au sultan Abdelaziz pour validation. Quels étaient ses objectifs ? Le sultan Abdelaziz était prisonnier de ses coutumes ancestrales et se complaisait de son peuple arriéré et ignorant, en affichant une phobie notoire de l’autre, ce chrétien, avec lequel il ne devait pas traiter, ni développer des amitiés. Néanmoins, cette conduite était contraire à l’esprit et à la lettre de la religion musulmane. Ce qu’il craignait en fait, comme tous les sultans qui l’avaient précédé, était d’un tout ordre vraiment machiavélique. Il ne voulait pas s’approcher des nouveaux détendeurs de la civilisation par risque de voir leurs populations s’émanciper. Tous les sultans du Maroc étaient contre la diffusion de l’enseignement. De ce fait, ils gardaient la société dans l’ignorance et dressaient une barrière infranchissable contre les soubresauts populaires potentiels. Ils craignaient la disparition de la monarchie marocaine et se devaient-ils d’éviter les soubresauts populaires qui la renverseraient.

Cette philosophie existentielle de la monarchie marocaine a été bien assimilée par les puissances européennes. Elles devaient la prendre en considération. Mais, comment allier le modernisme à l’archaïsme ? Le vingtième siècle apportait ses règles institutionnelles et de gestion : la démocratie, la république, le suffrage universel, les contradictions de classe, le capitalisme, le socialisme. La réponse occidentale était de moderniser le pays et garder le sultanat sous sa coupe ou de manière plus langagière sous sa tutelle invisible. Ce protocole état le prélude à la conquête du Maroc qui devait commencer deux ou trois ans plus tard. Et par qui ? Par la France qui avait jeté son dévolu sur ce pays sans se lasser. Elle usait de diplomatie et de persévérance incroyables.

Nous entamerons l’étude élémentaire de cette conquête qui mènera au protectorat du Maroc par la France et nous verrons alors que le cheminement était logique. Nous verrons aussi, si elle a été violente ou non longue ou brève et si en face, il y avait eu une résistance farouche ou molle, longue ou courte, contrairement à ce qui s’était passé en Algérie, pays voisin. La Conférence d’Algésiras mettra inéluctablement fin aux influences européennes pour place à la France.

  1. A.     Les relations commerciales avec l’Europe

Dans les diverses conventions commerciales conclues au dix-huitième siècle, entre le Maroc et les nations européennes, le principe de la liberté du commerce a été affirmé. Cependant, les taxes étaient à l’entrée et à la sortie étaient fixées selon le bon vouloir des sultans qui se succédaient. Les nations européennes pouvaient vendre au Maroc les produits qu’elles souhaitaient, il leur était interdit d’importer des armes, des munitions de guerre ou de chasse, du souffre, du salpêtre, de la poudre. Pourtant, le Maroc n’en produisait pas. Cette interdiction lui permettait de rendre vaine toute tentative de rébellion armée qui pourrait souffler leur trône et renverser le mode de gouvernement. Leur politique dans ce domaine était légitime, comme le ferait tout autre gouvernement. D’un autre côté, ils interdisaient les exportations de blé, pour économique et religieux. Ils pensaient que les exportations feraient augmenter les prix et générer des pénuries occasionnant des famines. Ils craignaient que le développement économique de leur pays avec les nations chrétiennes leur ôtât la possibilité de rester isolé du monde chrétien. Une simple appréhension qui n’était fondée sur rien. Puisque tous leurs sultans avaient de concert avec telle ou telle nation comploter contre l’Algérie, notamment à l’époque de l’Espagne chrétienne dont n’avaient réchappé ni le Royaume de Tlemcen, ni la Régence d’Alger, c’est-à-dire la république algérienne, instituée depuis 1630 que l’on nommait de ce titre que sur le bout des lèvres, que les ouvrages historiques citaient cependant.

A la suite du Traité germano-marocain en 1890, Moulay Hassan autorisa  l’exportation de blé et d’orge en 1891, moyennant une taxe de 2, frs 50 centimes pour un Cantar, soit 54 kg. Cette autorisation fut appliquée pendant trois ans et à la fin 1883, les cérales furent une nouvelle fois frappées d’interdiction. Son successeur, Abdelaziz, autorisa de nouveau la sortie de produits en 1891. Depuis cette date, les céréales étaient exportées régulièrement. S’ajoutaient les pommes de terre, les tomates, les bananes, les pois verts. Cette liste s’était élargie aux huiles, aux armes de Marrakech et de Tétouan, aux cuirs de Tafilalet, aux maroquins ouvragés, des tissus de laine de Fez, des tapis de Rabat et de Salé, des broderies sur velours, de l’orfèvrerie, de la poterie, de la faïence peinte, des bijoux de femme, des bestiaux.

  1. La France

La France exporte du Maroc des huiles d’olive, du bétail par l’Algérie, de la cire, des peaux, de la laine, des pois-chiches, des amandes, du cuir.

Elle importe des soieries, des semoules, des allumettes, des farines, du sucre, du papier, des bougies, du bois de construction, du fer, du café.

  1. L’Angleterre

Elle exporte des lentilles, de la gomme, de la laine, des citrons de fève, des amandes, tous les comestibles et l’eau pour Gibraltar.

Elle importe des bougies, des cotonnades, du thé de Ceylan, du papier, de l’acier, des conserves, de la bière allemande (Lager).

  1. L’Allemagne

Elle exporte des peaux, des œufs, de la laine, de la cire.

Elle importe de la quincaillerie, du papier, du satin, des draps, de la bière, de l’alcool de grains, de l’horlogerie, de la verrerie.

  1. La Belgique

Elle importe des bougies, des briques, des tuiles, de la porcelaine, de la faïence, du sucre, du fer.

  1. L’Espagne

Elle exporte du bétail, des pois-chiches, des œufs, de la cire, du maïs.

Elle importe très peu de produits.

  1. L’Autriche importe de la verrerie, des draps.

Le commerce européen avec le Maroc avait varié entre 110 et 78 millions de francs dans les années qui précédèrent la Conférence d’Algésiras. Le tableau suivant illustre bien cette concurrence entre les principales nations qui commerçaient avec le Maroc. Les  chiffres sont exprimés en millions de francs.

pays                                           1901                     1902               1903             1904                1905

France et Algérie                      38                          33                   35                 30                    36

Angleterre                                  36                          43                 45                   39                     23

Allemagne                                 7                               9                   10                   11                        7

Espagne                                     11                              9                   11                    10                       9

La lecture de ce tableau montre la stabilité des échanges commerciaux de la France et la régression des trois autres nations qui la concurrençaient. Sa prédominance fut réalisée en 1905, tandis que l’Espagne commençait à s’effacer de la scène internationale.

Le vingtième siècle sera bénéfique pour le Maroc dont les sultans avaient compris tout l’intérêt qu’ils pouvaient tirer avec les nations européennes. Ils avaient en effet assoupli les taxes à la production qui était jusque-là exagérées et de ce fait elles obligeaient les Fellahs maures ou arabes à laisser leurs domaines agricoles en friche. Ces superficies abandonnées atteignaient les deux tiers de la superficie du pays. L’internationalisation statutaire de la ville de Tanger avait permis cette mutation en douceur. Néanmoins, les deux tiers de la population restaient indomptées et vivaient quasiment dans l’anarchie. Le budget des dynasties régnantes était excessif et leurs dépenses étaient extravagantes. De ce fait, elles recouraient à surimposer leurs sujets et les soumettaient à une surpression fiscale intenable.

  1. A.     Les Postes Européennes au Maroc

Le courrier postal avait aussi posé un réel problème aux Légations étrangères avec leurs gouvernements,  à leurs ressortissants et à leurs relations avec les autorités locales. Il n’était pas seulement défaillant, voire inexistant. Aussi, les nations les plus influentes avaient-elles établi leurs propres réseaux postaux. Elles sont énumérées selon leur importance, comme suit : la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre. Leurs services étaient installés à Tanger. La France occupait la première place, au niveau de son étendue et de son importance de ses relations. Son réseau desservait quatorze villes et assurait le recouvrement des effets de commerce, ainsi que le transport de certaines marchandises. Seul le réseau allemand la concurrençait avec une couverture de dix localités. Puis venait en troisième place, le réseau espagnol. Il desservait sept localités sans grand trafic. Puis, enfin l’Angleterre.

La France

Ses services postaux fonctionnaient, selon le modèle français officiel d’administration des Postes et Télégraphes. Les lettres du Maroc à destination du Maroc étaient astreintes à une taxe de dix centimes. La Recette principale était implantée à Tanger. Ses recettes ordinaires étaient implantées à Ksar El Kébir, Fez, Larache, Rabat, Casablanca, Mazagan, Safi, Mogador et Tétouan. Elles avaient cinq bureaux auxiliaires à Fez-Mellah, Méquinez, Arzila, Salé et Markech.

Trois lignes principales assuraient les relations et partaient de Tanger. Deux autres annexes les renforçaient. Le service du Courrier était structuré en trois zones :

-               Le Courrier de la Côte. Il était le plus important. Il desservait Arzila, Larache, Salé, Rabat, Casablanca, Mazagan, Safi, Mogador. La moyenne du trajet était de sept jours et demi.

-               Le Courrier de Fez, Méquinez était assuré en trois jours. Il partait de Tanger à Fez et desservait Ksar El Kébir, Fez-Mellah. Il arrivait à Méquinez le quatrième jour.

-               Le Courrier de Tétouan faisait seize heures de trajet entre Tanger et Tétouan.

-               Les deux lignes annexes desservaient l’une Larache à Ksar El Kébir en cinq heures, l’autre, Marakech à Mazagan en quarante-huit heures.

La Poste française assurait en plus des lettres, le transport de marchandises légères, soit des colis, d’un point à un autre à l’intérieur du pays ou de la Côte vers l’Intérieur. En raison de l’insécurité qui prévalait, elle n’acceptait pas les déclarations de valeur. Cependant, les agences des Compagnies de navigation françaises acceptaient les colis de tous les pays qui faisaient partie de l’union postale affrétés pour tous les ports dont  Tanger, Larache, Rabat.

Les Compagnies de navigation françaises qui desservaient les côtes marocaines étaient les suivantes :

« La Compagnie de navigation mixte (Touache) ; la Compagnie de navigation à vapeur (Fraissinet) ; la Société Général des transports maritimes à vapeur ; la Compagnie marocaine et arménienne (Paquet) ; la Compagnie Gsatanié d’Oran ; la Compagnie havraise Péninsulaire de navigation à vapeur ». Ces quatre premières sociétés avaient leur port d’attache à Marseille.

Les recettes de la Poste française étaient très importantes et généraient d’importants profits cependant à la pleine satisfaction des usagers. Sur la période 1903-1904, la moyenne des mandats émis par la Poste française atteignait le montant de  120.000 francs par mois. Les recettes nettes à la même époque était de 93000 francs pour coût d’exploitation de 67.000 francs.

La Poste française était de loin la plus importante de toutes ses concurrentes en terme de volume des services et de ramifications. Elle assurait également le Télégraphe non seulement des autres nations, mais aussi celui du Gouvernement marocain qui en était dépourvu. Le Câble télégraphe de la Poste française sortait celui-ci de son isolement avec le monde « civilisé ».

 

 

  1. Le sémaphore du cap Spartel

La navigation en eaux territoriales marocaines manquait cruellement de sécurité dont les autorités n’envisageaient pas à la combler. Le gouvernement n’avait pratiquement pas d’infrastructure portuaire et ne possédait pas de flotte à proprement parler. Les armateurs conscients de cette lacune périlleuse avaient sans cesse réclamé l’établissement d’un sémaphore à proximité du phare érigé au cap Spartel. Il serait relié par télégraphe à Tanger et de là par câbles à l’Europe.

La Légation britannique se chargea de sa construction au nom du Llyod, qui était un établissement bancaire domicilié à la Bourse de Londres. Néanmoins, la France perçut  danger que pourrait générer la possession du sémaphore par l’Angleterre en cas de guerre. Elle entra aussitôt en négociations avec Londres qui aboutissaient à un accord anglo-français le 27 janvier 1892. De ce fait, le sémaphore s’en trouva internationalisé. L’accord fut approuvé par les nations suivantes : la Russie, les Etats-Unis, la Grèce, l’Allemagne, l’Italie, la Hollande, la Belgique, le Brésil, le Danemark, la Suède, la Norvège, l’Espagne et le Portugal.

Le Gouvernement marocain notifia son adhésion à cette Convention au mois d’avril 1894. Ceci est une autre preuve de souveraineté limitée qu’exerçait son Etat sur son territoire. Toutes ces nations possédaient des privilèges quasiment imposés au sultan Abdelaziz dont les prérogatives de réglementer la navigation lui étaient dépossédées.

L’accord en question comprend sept articles comme suit :

« Article 1. Les agents diplomatiques et consulaires ont le droit d’inspecter le sémaphore, chaque fois qu’ils le jugent nécessaire.

Article 2. Chaque année le Llyod leur remettra un rapport sur le fonctionnement du sémaphore.

Article 3. En cas de naufrage ou d’accidents de mer, le Llyod préviendra par télégraphe le représentant de la puissance intéressée.

Article 4.  Avant de mettre à exécution son règlement, le Llyod le soumettra aux représentants des puissances à Tanger. Les taxes seront les mêmes pour tous les navires.

Article 5. Dans le cas où la Compagnie du Llyod viendrait à changer le règlement, elle préviendrait les représentants étrangers.

Article 6. Le drapeau marocain se arboré sur le sémaphore qui sera gardé par des soldats marocains.

Article 7. En cas de guerre, à la demande de l’une des puissances intéressées, le sémaphore sera fermé ».

L’on remarque que l’Etat marocain n’exerçait nullement sa pleine souveraineté sur son territoire terrestre ou maritime. Plus que jamais, il subissait l’influence de toutes ces puissances et il ne parvenait pas à choisir en toute souveraineté ses amis et ses alliés. Il faut dire aussi que le sultan était assis sur une poudrière qui pouvait exploser à tout moment et emporter à jamais son sultanat. En effet, les deux tiers des populations mécontentes et dans un état de pauvreté extrême n’étaient pas soumises et remuaient sans cesse. Le sultan ne faisait aucun effort pour préserver son Etat des appétits des autres puissances. Peut-être qu’il ne savait même pas que son Etat était apte à être colonisé. D’un autre côté et sans le vouloir, il entrait dans la modernité sous tutelle bien sûr. Alors à qui aura été cette opportunité, tant que les puissances clé se livraient une guerre sourde pour contrôler ce pays.

  1. La Commission d’hygiène de Tanger

Jusqu’en 1889, Tanger était une ville non européanisée, sans organisation municipale.  Sa voirie y était déplorable, ses rues et ses places étaient remplies d’immondices. Pourtant, cette ville était la résidence des représentants des nations étrangères, mais aussi le centre du commerce international marocain. De ce fait, elle était le port où se trouvaient le plus d’Européens. Ceux-ci vivaient au milieu de cette incurie, frappée d’indifférence de l’hygiène la plus élémentaire.

Cet état lamentable d’insalubrité publique amena le Groupe des 13, des Notables étrangers, à créer une corporation municipale qu’ils baptisèrent : Commission d’hygiène. Celle-ci entama sa mission sans mandat régulier et mena ses travaux d’entretien dans les quartiers européens. Elle fonctionna pendant trois ans avec les subsides consentis par les Etrangers. Le comte de d’Aubigny se rendit à Fez auprès du sultan Moulay Hassan, auprès duquel il obtint une délégation de pouvoirs pour Tanger en faveur du Conseil sanitaire. Cette délégation de souveraineté était valable uniquement pour le quartier européen. Quant à la Casbah ou la ville arabe, le Mohtesseb ou prévôt des marchands devait y conserver les tâches de la voirie.

La Commission d’hygiène eut alors des ressources :

-          Une partie des droits d’abatage lui était consacrée, l’autre pour le Mohtesseb.

-          La moitié des revenus des appontements construits à Tanger.

-          Des redevances perçues sur les riverains des rues pavées par la Commission.

-          Des taxes municipales établies sur le quartier européen.

A partir de cette époque, la Commission fut gérée par un membre du corps diplomatique français dont elle était une dépendance pleine et souveraine.

La gestion calamiteuse de la ville de Tanger par les sultans successifs du Maroc avait fait d’elle un dépôt d’immondices et foyer de maladies nuisibles transmissibles. Est-ce là la tradition impériale dont se vantent à notre époque des voix marocaines sur les réseaux sociaux et même les médias officiels ? Une ville internationale sale d’un Etat indépendant millénaire, bourdonnent-ils à nos oreilles. Ils étaient à des années de lumière de la vie citadine propre où il fait bon de vivre. C’est dire que cet Empire tant vanté avait appris la propreté et l’hygiène avec l’arrivée des Européens. Pourtant son grand voisin de l’Est, l’Algérie, tenait l’hygiène et la salubrité publique comme un culte. De cela, en avaient témoigné, des militaires du débarquement à sidi Ferudj le 14 juin 1830.

Qu’en était-il de la souveraineté des sultans marocains successifs sur leur propre pays ? Etait-ce un bail de concession de souveraineté territoriale ou sur des secteurs stratégiques ? Le Maroc avait été de toujours confronté à des révoltes de régions que les sultans ne parvenaient pas à dominer. Ces populations hostiles commettaient des crimes, des pillages à grande échelle. En 1912, le sultan Abdelaziz exerçait son autorité sur le tiers de son territoire dont plusieurs régions clés étaient autonomes dont la petite ville de Figuig.

Ahmed Bencherif écrivain chercheur

nous devions dire quelques mots sur les institutions françaises au Maroc. donc vous trouverez ci-après un bref historique.

Lazaret de Mogador

L’ile de Mogador avait été choisie par le sultan pour le débarquement des navires, suspects au niveau sanitaire, qui revenaient d’Arabie Saoudite, après l’accomplissement du pèlerinage. Cependant, la France s’occupait de son fonctionnement depuis 1904. En effet, chaque année, un médecin est envoyé par Alger pour s’occuper du pèlerinage qui  y séjournait quatre mois.

Hôpital français de Tanger  

Cet hôpital a été fondé en 1803 à Tanger avec un reliquat d’une indemnité versée par le Makhzen. Cet établissement hospitalier générait une rente annuelle de quatre mille francs. Le Gouvernement algérien, avait versé une subvention d’investissement de dix mille francs et versait annuellement une autre de mille deux cents francs. Cet hôpital réalisait trois cents consultations annuellement et contenait dix-huit lits. Son service était assuré par deux médecins français et un infirmier.

Les écoles françaises

Les écoles françaises et israélites accueillaient en 1903 deux mille-quatre-cent-cinquante élèves. Leur budget annuel atteignait cent mille francs. Quant à l’école franco-arabe, elle fonctionnait depuis 1898. Une autre école, réservée aux Européens, avait été ouverte depuis 1903.

Disons une modeste opinion sur l’implantation de ces institutions françaises. Nous constatons que la France avait porté de longue date son intérêt pour le Maroc, sans l’être exclusivement. La date de son influence remonte à l’année 1803, c’est-à-dire vingt-sept ans avant le débarquement français à Alger. Disons-le sans orgueil démesuré. Les sultans successifs n’avaient jamais pu exercer leur pleine souveraineté sur l’ensemble de leur territoire. Des régions entières ne leur échappaient et partant leurs populations ne leur étaient pas soumises. Quant à l’Algérie, elle restait redoutable jusqu’au 14 juin 1830 et sa puissance navale reconnue au niveau international rendait illusoire toute tentative d’agression. D’autre part, une forte amitié liait les deux Etats depuis le XVII siècle au moins, hormis quelques différents qui étaient solutionnés avec l’art de la diplomatie. Les plus sceptiques hommes d’Etat des deux partie ne voyaient jamais venir une guerre entre eux.

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