extrait de l’odyssée à paraitre, par ahmed bencherif
Keira
O Keira ! Ecoute mon appel dans la nuit
Solitaire et vide, monotone et triste,
Sous un ciel sombre sans lune qui reluit
Sans constellations brillante, filante.
O Keira ! Ecoute mon appel émerger
De mon coeur oppressé par l’atroce langueur,
De mon moi qui reste, sur ta beauté, figé,
Ensorcelé à fond par tes attraits charmeurs.
Qu’il souffre loin de toi, loin de ton haleine !
Grâce ! Viens dans mes bras et guéris sa douleur
Par simple caresse, viens curer sa peine.
L’étreindre dans tes bras, lui prodiguer bonheur.
Nous irons par l’oued, au milieu des roseaux,
Des lauriers, tamaris, des ronces et palmiers
Entre la dune d’or et les jardins si beaux
Plantés de figuiers, de géants pommiers.
Qu’elle est belle ta voix, douceur et harmonie,
Legs d’une légende encore vierge
Qui cache les amours, par les dieux, bénis
Vécues ardemment, sans voile, ni cierge.
Nous irons nous marier sous nos beaux peupliers
Sur un tapis de fleurs odorantes et gaies,
Non loin de la vigne verte et du figuier
Fêtés par un concert de chants du merle et du geai.
Le printemps arrive, témoin de notre sacre.
L’automne n’est pas loin, témoin de notre serment.
O saisons lointaines ! Pitié de ma vie acre !
Pliez les jours et les nuits ! Hâtez l’évènement !
O Keira ! Trouve-moi le séjour pour rester,
Rester à tout jamais dans tes bras accueillants,
Par les jours joyeux, par les nuits veloutées,
Evoluer toujours autour de ton rayon.
Toi qui parus en ce printemps fleuri et verdoyant,
Comme un soleil d’été aux aurores,
Ou la lune rousse dans un ciel attrayant,
Un jardin bien tenu embaumé de flore,
Toi qui soufflas de loin un espoir recherché
De saison en saison, qui m’avait ébloui,
Qui avait ranimé mon tonus relâché,
Sous le poids du doute, quand tout semblait enfoui,
Hommage à Charles-Robert Ageron.,
Par Ahmed Bencherif
Le grand historien, Charles –Robert Ageron, quitta la vie active sans gloire, pour avoir attaqué le syndrome du colonialisme en Algérie. Il en est ainsi des hommes d’exception qui crée des œuvres percutantes. Il quitta la vie le début septembre 2008, terrassé par la maladie.
Sa thèse « Les Musulmans algériens et
la France », soutenue en 1968, soit six ans après l’indépendance de l’Algérie, se distingue par une audace que peu de spécialistes pouvaient s’approprier pour piocher dans le passé colonial et le mettre à la disposition du lectorat. Elle est colossale et couvre la période allant de 1871 à 1919. Elle constitue une référence de base pour l’intelligentsia, dénote l’analyse objective de la praxis coloniale multiforme, reflète une probité intellectuelle exemplaire, procède d’une clarté sidérante, dans la mesure où elle situe les évènements dans leur contexte historique pur et sans maquillage. Les investigations, que mena Ageron, nécessitèrent une grande persévérance, de l’opiniâtreté et surtout l’occultation de ses sentiments et de ses opinions.
Ageron nous a fourni une didactique pour comprendre le passé colonial qui avait désastreusement évolué à partir de 1871, soit à l’avènement du gouvernement des maires. Disons tout de suite qu’il réfuta les thèses infirmes des penseurs coloniaux. Disons aussi qu’il rendit bien des fois hommage au peuple algérien pour être resté lui-même : fier, vaincu mais insoumis, résistant infatigable.
Sa thèse m’avait permis de réfléchir, puis de comprendre les mécanismes que j’ai développés dans le roman historique « Marguerite tome 1 ». Par probité intellectuelle, je lui avais dédié cet ouvrage ; hélas, il ne put, pour cause de maladie, savourer le plaisir de savoir que sa thèse avait servi à faire un roman historique volumineux.
Le premier tome transpose le quotidien en Algérie, en situation conflictuelle grave de trois communautés : les colons, les juifs et ceux qu’on appelait honteusement indigènes. Sinistre tableau : séquestre, régime d’exception, sussions fiscales, parole muselée, famines régionales, internement administratif, déportation en Nouvelle Calédonie….
Le second tome, qui paraîtra très prochainement, relate :
- la révolution avortée des colons
- la crise anti-juive qui avait embrasé l’Algérie
- l’insurrection de Marguerite
Mon œuvre, telle que conçue, n’aurait certainement pas vu le jour, sans l’apport substantiel de Charles-Robert Ageron. Encore une fois, je lui rends hommage.
Qu’il repose en paix !