Visa
Où vas-tu, homme de l’hémisphère sud,
Qui sort de la longue nuit coloniale ?
L’hémisphère nord crée des écueils rudes
A tes yeux indiscrets, tes envies de régal.
Tu aspires à découvrir un monde nouveau,
Ces grosses métropoles de luxe attirant,
De savoir faire évident au niveau haut,
Du label accompli, de charme enivrant.
Là-bas, la prospérité court dans les villes
Et les bourgs, les plaines et les prairies, les usines,
Les grandes surfaces où les produits s’empilent,
L’université où la science domine,
Les chances de succès ouvertes pour chacun,
L’égalité de sexes confirmée depuis lors,
La liberté forgée et le droit souverain,
L’ambition légitime et l’équité, sans report.
Ces horizons, hélas, obéissent aux règles
Etatiques strictes, drastiques et immuables
Qui décantent les gens, les passent au tamis
Rejettent des hommes, prétendus ennemis,
Ou simplement douteux, ou bien inutiles,
Des enfants à soigner, de simples touristes
Des aventuriers en quête de gîte et de mil.
Des écrivains aussi. O combien c’est triste.
Hélas ! La culture devient tributaire
D’un papier, un visa conçu par des Etats,
Un sérieux barrage et rigide frontière,
Aux échanges humains, un réel attentat.
Hélas ! Cet écueil me bloqua par deux fois,
Alors que la ferveur me donnait des ailes
Pour signer mon œuvre écrite en gaulois,
De bel art, à Paris, au salon du livre.
Ce refus de visa ébranla bien ma foi
Sur mon identité culturelle affirmée,
Acquise dès mon jeune age comme il se doit
Auprès d’émérites maîtres, de renom, acclamés,
Qui gravèrent en moi des valeurs universelles
De la langue de Molière dont j’étais fou
Amoureux autant de ma langue maternelle
Riche et en couleurs comme un poème doux.