ahmed bencherif écrivain et poète

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26
jan 2011
Jules Cambon, gouverneur gnéral d’Algérie, extrait marguerite tome 2-ahmed bencherif
Posté dans Marguerite t/1; t/2 par bencherif à 12:31 | Pas de réponses »

          Cambon ouvrit l’instruction publique aux Indigènes, malgré l’opposition farouche des colons et de leurs relais officiels inféodés à leur politique : les sous-préfets et les Hakem refusaient l’inscription de crédits substantiels, en excipant le peu d’enthousiasme des indigènes à envoyer leurs enfants à l’école ; les conseillers généraux déclaraient d’emblée, sous l’instigation honteuse des préfets, qu’ils ne voteraient aucun crédit dans ce sens. La presse les mobilisait, les engageait dans une redoutable épreuve de force, les chauffait, les enflammait sans répit, décrivait de façon absurde ces Arabes que
la France voulait instruire. Les déclarations désobligeantes se multipliaient, perte de temps, perte d’argent pour rien : « L’Arabe est inéducable, sa tête est enveloppée d’une couche ferreuse qui l’empêche d’assimiler le savoir et les sciences, il est l’esclave de ses instincts et de ses besoins traditionnels, il est l’esclave de ses instincts sexuels ; un Musulman qui apprend le français ne prie plus, il a perdu son seul frein, sa seule règle et il sombre dans l’immoralité ». D’autres étaient plus pertinentes et craignaient pour l’avenir : « l’instruction est porteuse de révolution, de revendications des droits de l’homme et du suffrage universel, elle forme de futurs chefs aux insurrections ; les revendications nationalistes apparaîtront,
la Kabylie, aux Kabyles, l’Algérie, aux Arabes ». 

      Le rapport Ferry avait proposé avec force de renforcer les pouvoirs du gouverneur général. Jules Cambon, nommé à ce poste depuis quatre ans, avait présenté des projets de loi en ce sens. Mais, la bataille dans le palais Bourbon était dure, harassante, incertaine. Il ne renonçait pas, revenait à la charge, hissait le débat intellectuel à un niveau supérieur qui lui permettait de refroidir les ardeurs de ses détracteurs. Il était toujours confronté au groupe parlementaire de la colonie qui ne comptait que sis députés. Le député d’Oran, Eugène Etienne, était redoutable et foncièrement opposé à toutes réformes. Il exerçait une influence directe sur cent députés qui l’écoutaient, suivaient ses orientations, ses consignes de vote. Le gouvernement regardait avec impuissance son représentant combattre à tout azimut, le désavouait parfois.  Cambon oeuvrait pour mener une politique indigène avant l’heure et donner crédit à l’image de
la France fortement dégradée dans un climat social, constamment trouble. Il n’avait pas d’ambition puérile, cherchait à faire un travail durable, intelligent, bénéfique à tous. Il se sacrifiait pour les autres, était martyr avant l’heure. Il ne négligeait aucun secteur, se préoccupait aussi du culte auquel il avait octroyé six cents mille francs pour la construction d’églises, cinquante mille francs, pour l’achèvement de la synagogue d’Oran. Les mosquées et les imams avaient grande place dans son programme.      

       Un tel homme était une lumière, une chance inespérée pour une action civilisatrice. Néanmoins, les esprits ténébreux des colons n’en voulaient pas. Il était indésirable, désavoué, honni. Il avait frappé fort, dégommé de gros pontes, tels le directeur de la banque d’Algérie et le secrétaire général du gouvernement général. Les Français d’Algérie, qui étaient divisés, se coalisèrent miraculeusement contre lui, firent couler de l’encre, crièrent partout leur mécontentement et leur fureur. Il était l’homme à abattre et tous les moyens étaient bons pour parvenir à cette fin. La presse était particulièrement virulente en ce mois de novembre, répandait partout du venin, préparait les esprits à la révolte, à la révolution. On le fustigeait, on le criblait, on le moquait, on le raillait. On lui prêtait toutes les vilenies : « Il incarnait le mal ». On dénonçait sa passion contre nature pour l’Arabe, sa politique qui se projetait dans le retour du Royaume Arabe de Napoléon III, on l’accusait de subventionner le journal Al Akhbar, d’exercer des pressions électorales. La dépêche coloniale du député Etienne menait une campagne musclée pour le remplacer, dès le mois d’août. Les plumes n’économisaient pas l’encre et le chargeaient à la démesure hystérique : «  Il était le fourbe grotesque et autoritaire, le Jésuite, le charlatan politique qui exploitait le pays et le calomniait ». 

        Hamza attendait son petit neveu à la sortie Les élèves sortaient par petites vagues en se bousculant, en faisant un énorme boucan, comme s’ils n’avaient jamais appris une leçon de morale. Les camarades de classe étaient les plus virulents : les notes déclenchaient  leurs mauvais instincts, leurs jalousies, leurs vanités et comme toujours les nullards accusaient leur instituteur de partialité. Leurs prises de bec étaient fréquentes,  spontanées, motivées par autre chose que les notations : les injures de sale Arabe et de  Khitano (sale Espagnol) déclenchaient sans coup férir les bagarres. Les petits Arabes, qui mangeaient du couscous d’orge et de blé, avaient du punch et emportaient toujours la victoire sur les petits Français qui mangeaient des gaufrettes. Le neveu de Hamza se querellait avec l’un de ces derniers. Il le bouscula et lui dit : « défends-toi femmelette, répète ce que tu as dit et je te défoncerai le crâne ». Deux frères de race surveillaient l’équipe adverse nombreuse et disaient qu’ils feraient une révolution dont l’école se souviendrait à tout jamais. Hamza intervint et l’incident fut clos. Il emmena son petit neveu qui enrageait comme un léopard. Il le calma peu à peu et ils prirent le chemin de la maison.    

        Le neveu, Taher, n’était pas méchant, n’était pas doux ; il ne cherchait pas la petite bête. Il réagissait promptement aux insultes et se défendait vachement bien. Il tenait pour beaucoup les caractères de son oncle, ce qui choquait son père, Slimane. C’était un élève studieux, en quatrième année, le premier de sa classe, le plus participatif et qui occupait la première table. Il était aussi brillant à l’école coranique, le programme des élèves indigènes était chargé et commençait du début du jour à la tombée de la nuit. Ils étaient intelligents et assimilaient le savoir et les sciences, comme le furent les générations passées qui servirent efficacement et savamment la civilisation universelle. Hamza lui demanda si l’instituteur négligeait ou humiliait les élèves arabes. Taher répondit qu’il avait peur de l’inspecteur qui lui interdisait de nous maltraiter. Les inspecteurs étaient désormais sérieusement impliqués et ne craignaient pas les sous-préfets et les administrateurs ; leur rôle ne se limitait pas seulement à la matière pédagogique, mais aussi aux capacités d’accueil, aux campagnes nouvelles de sensibilisation pour ouvrir l’école aux enfants indigènes.    

        Il était midi. Les clairons militaires ne sonnaient pas la soupe : la caserne était vide, ses occupants s’étaient embarqués pour de lointains rivages, au-delà des mers et des océans. Hamza s’en réjouissait. Il n’avait pas à souffrir les Chasseurs d’Afrique qu’il honnissait, pour leur bas engagement aux côtés du bourreau de son peuple. Il avait grandi et sa pensée avait mûri. Il ne les admirait plus, les considérait pire que des ennemis et leur faisait supporter tout l’échec des multiples insurrections populaires. Leurs caractères belliqueux et hardis ne suffisaient pas à les blanchir. Ce n’était pas le goût de l’aventure qui les avait poussés à porter des uniformes, encore moins le pain : une traîtrise pure et simple condamnée par les masses, blâmée par Dieu qui leur réservait le séjour des enfers. Ils furent inconscients, ce qui donnait une gravité énorme à cette question. Comment peuvent-ils être aux côtés des agresseurs de leur propre pays ? Ces recrues sont ignobles et ne méritent ni indulgence, ni compassion. Aller faire la guerre à d’autres peuples était une pure fantaisie, un acte impardonnable. Et quel en était le prix ? Y’en a-t-il d’abord ? Tout l’or du monde ne puit tenter à trahir sa propre patrie. L’oncle Mohamed, l’ancien tirailleur, est pitoyable. Il est miséreux et vivote avec sa petite pension. Il se croit réellement important, en se pavanant avec ses médailles le 14 juillet. Tous ces auxiliaires sont des ennemis et il fallait s’y faire à cette donnée. Il ne fallait pas hésiter à les combattre en cas de besoin. Les Chasseurs d’Afrique font la guerre à Madagascar,  un pays qui ne leur avait fait aucun mal et les gens qui en parlaient disaient que le front était un enfer. Que ses braises les brûlent ! Qu’ils grillent comme des rats !        

 


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