Gouvernement
L’administration tue : les âmes périssent,
Le cœur bat faiblement, le cerveau hiverne,
Les ans languissent et de spleen finissent
Visage livide, cheveux gris, peau terne.
Elle terrorise, l’on ressent la phobie
Que l’on traîne jusque dans notre sommeil.
Par un malin plaisir, elle beugle et châtie.
Elle tue le rêve, ternit les merveilles.
Elle est abrutie, inculque l’idiotie,
En fin pédagogue, sombre dans le chaos,
Se complait tendrement dans l’erreur et l’inertie,
Recule sans envie, aime tourner le dos.
C’est l’épouvantable et perpétuel bagne.
C’est un corps sans vie, qui mange les justes,
Brutalise les bons, sans répit condamne
Les hommes vertueux, aux gourbis vétustes.
Le poltron se soumet pour un sou, pour un pain,
Mue en caméléon, fuit comme la fourmi.
Il est fataliste, croit fort au lendemain,
S’accroche sans espoir aux prétendus amis.
Le preux se révolte : plus de sou, plus de pain.
Il renoue le lien, sa fureur visible,
Prêt à recommencer, à rebrousser chemin,
A la moindre bévue, bête et blâmable.
Impôt
L’impôt nous frappe sans merci l’an entier
Pressure le pauvre et ruine le riche.
Vends et paies la taxe ou attends l’huissier
Vends bijoux ou tamis, trophée ou fétiche.
L’enchère menace et la terre tremble
Le fellah préserve tant qu’il peut et combat
Le colon le guette, sa joie à son comble
Tenté par un crédit espère le rachat
L’impôt ravit le blé, abandonne le son
Le fellah crie furieux, sème toujours le blé
Attend revenir dans la nuit le croissant
Trop fier trop digne et toujours révolté.
La nuit coloniale était trop violente,
Et dépouillait l’impôt de ses caractères
De vertu pratiquée à l’égard des gentes
Depuis l’émergence prouvée du numéraire,
Acte volontaire de l’élan solidaire,
Basé en équité pour le bien commun,
Sans laisser sur ses pas l’émoi réfractaire,
De redevables brimés sans des égards humains.