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Par le temps qui courait, La Redoute était plutôt pacifique et abritait une école primaire où les élèves, toutes confessions confondues, étudiaient dans un formidable voisinage Comme loisirs, ils pouvaient aller au cinéma, situé dans l’enceinte même de l’école et dont le billet était fixé à vingt centimes la place. Les films en noir et blanc racontaient diverses aventures sur la deuxième guerre mondiale, principalement sur la résistance française au nazisme. Un garçon de Mohammed devait passer cette année son certificat d’études primaires. C’était pour lui une chance de poursuivre ses études encore une année pour trouver un emploi ou suivre une formation professionnelle. Mais le père n’en était pas heureux ; il faisait bon cœur contre mauvaise fortune et se reprochait à mort son manque cruel d’argent qui ne lui avait pas permis de supporter l’année passée les dépenses d’entrée de son fils au collège de Mascara, en sixième dont il fut lauréat à l’examen. Cependant, sa pauvreté l’avait privé de l’orgueil qu’il désirait par-dessus tout, surtout devant les siens, ce qui représentait une grande consécration sociale sur l’échelle des valeurs. Car ils étaient rares les élèves musulmans auxquels cette chance souriait : trousseau, frais de pensionnat, cahiers, livres, argent de poche, frais de voyage. Mohamed en était trop déçu et parfois il pleurait dans son jardin comme un petit enfant. Il levait les yeux au ciel et disait plaintivement : « O mon Dieu, pourquoi mon fils, à moi, ne va pas au collège et aussitôt il déversait un flot de larmes. »
A sa droite, la mission des Sœurs Blanches occupait un vaste espace pour ce petit village de dix mille âmes environ. Elle avait sa chapelle, ses salles de cours, son dortoir et son jardin. Les religieuses mettaient leur temps à profit et inculquaient divers métiers aux petites filles musulmanes qui habitaient au ksar ou au village : le tissage de tapis, la broderie, le tricotage. De plus, elles cultivaient la terre et produisaient en général ce qu’elles mangeaient, à quelques exceptions près. Elles fréquentaient beaucoup de familles et donnaient des prestations médicales à domicile. Elles restaient chrétiennes et communiquaient harmonieusement avec les musulmans, sans jamais tenter d’en convertir quelques uns : belle symbiose religieuse ! Mohammed leur vouait une grande estime et un respect digne aux saintes. Il en louait aussi les services qu’elles rendaient. Car sa femme, qui avait été leur lauréate pendant son enfance, oeuvrait de très beau tapis qu’il revendait à de forts prix, ce qui renflouait son petit budget de fellah éternel.
Dans le voisinage immédiat de l’ouvroir, l’hôpital militaire veillait sur la santé des individus avec le peu de moyens qui étaient mis à sa disposition. Il était surtout célèbre pour vous guérir d’une fièvre, de plaies, de petites brûlures, enfin des affections pas trop graves. La pharmacie en annexe distribuait des médicaments aux indigents, bien sur carte délivrée par le Hakem. Un médecin capitaine le dirigeait, secondé d’un infirmier et d’une sage-femme, tous deux des civils. La praticienne était sérieusement concurrencée par deux vieilles accoucheuses traditionnelles qui assistaient toutes les mamans du ksar à mettre au monde leurs bébés. Quant au bloc opératoire, il n’existait pas pour ainsi dire. Les Musulmanes y allaient pour des auscultations et même des injections aux fesses. Ce dernier acte était toléré difficilement par le mari, le frère, le père. Cependant Mohammed le réprouvait totalement et empêchait carrément l’infirmier, un vieil arabe, à lorgner la fesse de sa femme pour lui planter une seringue. Il le clama bien haut au médecin qui prescrivit des antibiotiques à prendre par voie buccale.
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