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7
jan 2020
hé hé hé c’est moi qui l’ai tué ahmed b encherif
Posté dans Non classé par bencherif à 9:19 | Pas de réponses »

IMAG1098Les pauvres fellahs, laborieux travailleurs de la terre et donc si peu imaginatifs, restaient rivés dans la réalité qui était en face d’eux. Elvire existait bel et bien pour eux, en chair et en os, en beauté ensorcelante, mais aussi de personnalité digne et respectueuse. Eux-mêmes conservaient une attitude presque mystique et ne faisaient qu’admirer cette sylphide. Ils dirent tous ensemble bonjour avec douceur qu’ils ne témoignaient pas à l’égard de la gente féminine, même pas avec leurs femmes, le soir au lit. Elle venait souvent leur acheter des produits maraîchers et maintenait la distance nécessaire avec eux, non par discrimination raciale, mais pour laisser toujours cette image d’elle, divine et vénérable. – Bonjour les nourriciers de l’espèce humaine. Je suis un peu en retard aujourd’hui ; j’espère trouver de belles légumes à cette heure. Oh ! Mohamed, tu cultives des roses maintenant ? Elles sont belles et fraîches. Tu veux te convertir en fleuriste ? Tu ne risques pas de faire de gros gains. – Madame Elvire, sous le sac de toiles tu trouveras des radis, betteraves, poireaux et voici encore les herbes potagères. Elvire, j’ai cultivé les roses pour toi. Tu te souviens tu me l’avais suggéré, un jour d’été quand tu te promenais le long de l’oued. – Oui, je me souviens. C’était l’été dernier, en fin d’après-midi, j’avais fait une promenade  en remontant le lit de l’oued. C’était si beau cette nature paresseuse : de minces filets d’eau coulaient, des grenouilles jouaient dans les marres, des oiseaux gazouillaient, des fellahs se hélaient mutuellement, la terre humide exhalait une senteur acre, les dattes de chine parfumaient l’air. Tu comprends ce que je dis Mohamed ? Mohamed ne comprenait pas ce qu’elle disait, sauf deux ou trois mots usités dans le langage courant. Mas la petite dame avait parlé avec emphase, presque en chantant. Sa voix était douce et mélodieuse. Elle faisait rêver Mohamed qui s’oubliait et voyageait dans un monde fantastique irréel. Il arbora un sourire discret, la toisa d’un regard distrait. La difficulté à communiquer lui imposait le silence. Mais jamais un silence ne fut aussi beau, souhaité le plus long possible. Elvire était de nature romantique et le souvenir de cette promenade dans l’oued l’interpellait et l’embarquait dans un voyage spatial. Les hommes, quant à eux, en admiraient la beauté avec un regard profond et courtois, comme s’ils la dépeignaient sur une toile. L’instant était merveilleux et ils priaient qu’il ne s’arrêtât point. A contre cœur et poussant un gros soupir, Mohamed lui offrit un bouquet de roses qu’elle accepta toujours dans sa petite évasion. Leurs mains se touchèrent légèrement et ce fut le contact. Elvire en sentit la chaleur du mâle et revint sur terre. Mohamed en sentit la douceur de la peau et la foudre le frappa. Leurs regards se croisèrent, doux et naïfs. Un généreux sourire fut échangé puis la séance s’acheva sur rien. Elvire acheta ce dont elle avait besoin et s’en alla furtivement, comme un songe. Les hommes se réveillèrent de leurs rêveries et commencèrent à bruire, déçus pourtant par leur médiocre pouvoir de séduction qui n’eût jamais à briller. En fin de matinée, Mohamed avait écoulé ses produits dont il avait tiré une bonne recette qu’il escomptait départager entre ses besoins domestiques et personnels. Il rangea ses affaires, emprunta la rue Isabelle Eberhardt. Celle-ci n’était pas grande, mais elle comptait plusieurs commerces d’Européens, de Juifs, de Musulmans. On y vendait tout, on y trouvait tout : pour faire le plein de l’estomac, ou pour se vêtir ; le vin n’y manquait pas, ni les liqueurs, encore moins la limonade. L’écrivain public, qui était aussi poète, y tenait son bureau excellait dans l’art d’écrire des lettres de famille ou des pétitions au chef de la commune pour la société indigène , quasiment analphabète dans son ensemble. Le trafic n’était pas énorme et seuls quelques villageois faisaient des courses. Quant aux tenanciers, ils s’activaient ; certains ramenaient des marchandises sur un chariot manuel ; d’autres achalandaient leurs nouveaux. Enfin, deux ou trois prenaient un bain de soleil sur le trottoir. Une brise printanière soufflait, faisait tanguer les larges feuilles très vertes des caroubiers plantés de part et d’autre de la rue, ramenait les senteurs fortes et acres des dattiers de chine qui poussaient dans d’autres artères du village. Mohammed respira à lien poumons l’air embaumé et dit : « Ah ! Comme c’est bon, ça tonifie l’individu ». Il déboucha sur la rue de France et passa chez le gros commerçant arabe, un fils chérifien comme lui. Celui-ci, politiquement progressiste, militait dans le mouvement nationaliste qui revendiquait pacifiquement l’indépendance de l’Algérie. Il en avait même reçu, chez lui depuis deux ans le leader, Messali Hadj, père fondateur du nationalisme algérien, venu faire un grand meeting programmé dans le cadre d’un grand périple à travers le pays pour vulgariser son programme aux masses. . – Bonjour mon cousin, lança Mohamed joyeusement. Est-ce que ça va ? Ta santé ? Tes enfants ? Tes affaires ? Mohamed parla de la sorte, par esprit tribal et rien d’autre. Il se croyait tenu au nom des valeurs ancestrales pour faire ses achats auprès du fils de la même tribu qui lui était apathique d’ailleurs. Cependant le commerçant ne se sentait pas concerné par la solidarité agnatique depuis qu’il habitait au village et donc il se croyait affranchi de ses devoirs envers les fils de sa cité qui à leur tour le négligeaient et ne comptaient pas sur lui aux divers travaux collectifs.  La cité chérifienne s’attachait à la rigueur dans ses rapports avec les tiers. Elle-même laborieuse, elle condamnait la paresse jusqu’à la limite du chacun pour soi. Elle faisait aussi des aumônes, mais là où il fallait et au moment où il fallait. Cette culture était payante pour chacun de ses éléments, qui devait ainsi se prendre en charge vaille que vaille. Ainsi, un foyer subvenait toujours à ses besoins primaires ; car il comptait naturellement sur quelqu’un de valide, si ce n’est pas le père, c’est le fils ou l’oncle.


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