Séminaire
Laboratoire d’histoire l
Université de Tlemcen
Le 16 juin 2021
Directeur : Laib Mamar
Auteur : Ahmed Bencherif
Animateur : Ahmed Bendaoud
Thème : la dualité entre le Droit en France Métropolitaine et le Non Droit
En Algérie coloniale
OUVRAGE : le procès de insurgés de Marguerite cour d’assises de Montpelier 1902 1903
Bibliographie de base :
Cette documentation était nettement insuffisante pour faire le récit de l’insurrection et ses conséquences. La difficulté résidait dans la reconstitution de l’insurrection et des audiences du procès, la destinée des acquittés, la trajectoire des condamnés au bagne de Guyane. Cependant un effort a été déployé avec beaucoup de difficultés d’analyse, de recoupement des dépositions des prévenus dans mon roman historique :
« Ahmed Bencherif Margueritte en deux tomes 2008 et 2009 publiés en France »
Mon œuvre avait provoqué cependant la critique d’un historien français : ‘Christian Pheline dans son ouvrage l’aube d’une révolution Margueritte Algérie 26 avril 1901.’
L’auteur rapportait de nouveaux éclairages importants complémentaires dont certains prêtaient à caution. A mon tour j’avais produit un autre ouvrage scientifique :
‘Ahmed Bencherif : regard critique sur l’aube d’une révolution Margueritte de Christian Pheline’
Le ministère de la Culture avait répondu favorablement à ma demande d’adaptation cinématographique de l’insurrection. J’avais alors produit mon œuvre complémentaire sur la base de nouveaux éléments :
‘Ahmed Bencherif Margueritte revisitée 26 avril 1901 en deux tomes publiés en Algérie’
Enfin au terme d’une conférence à l’université de khemis Meliana, lee département d’histoire avait formulé le vœu d’écrire un ouvrage scientifique. C’est ce que j’avais réalisé : :
‘Ahmed Bencherif, le procès des insurgés de Margueritte Algérie cour d’assises de Montpellier 1902-1903’
Les dépossessions foncières
La tribu des Righa est une population forestière dont le foncier agricole a été plusieurs fois spolié et versé au Domaine de l’Etat, à hauteur de 3262 ha, en attendant son affectation pour les besoins de la colonisation, en application du sénatus-consulte de 1864 et de 1888. En outre, les ventes dites par licitation les avaient dépossédés de 1450 ha dont ils ne perçurent que 875 francs sur le montant des ventes de 21209 francs. Les deux modes opératoires n’obéissaient à aucune règle de droit. Or, selon le droit inviolable de la propriété, ces dépossessions travesties devaient intervenir par des décisions du tribunal et dédommager les propriétaires. Mais comme les terres agricoles relevaient déjà du temps des Turcs du Beylik ou Arch, ce qui facilitait les accaparements.
La vente par licitation constitue un vol caractérisé, un viol des droits et coutumes universels.
L’article 815 du Code civil dispose : “Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ». Or, en Algérie coloniale le caractère de l’indivision des terres était combattu pour créer la propriété privée et la mettre en vente.
Les abus
Les abus étaient liés principalement à la police forestière, qualifiés de vols, de rixes, d’abattage de bois de chauffage, de fabrication de charbon ou de tanin, de pacage dans le périmètre forestier dont les délimitations changeaient selon les appétits des colons. Outre ces délits, les vols et les rixes étaient réprimés. Or, les commissions disciplinaires qui, étaient présidées par les administrateurs des communes mixtes, jugeaient de plein droit les ‘indigènes’ coupables. Elles étaient compétentes aux lieux et places des tribunaux. Dans son rapport, l’administrateur Marel signalait 320 délits jugés en dix ans et qualifiait la tribu Righa de disciplinée.
Les pétitions
Les pétitions introduites à la commission sénatoriale Ferry-Jonnart, au Gouverneur général, au Parlement et au Président de la république n’avaient pas abouti. Cela renforçait les ressentiments des Righa en grand nombre à l’endroit des autorités coloniales.
Cassure
C’est un clair de lune propice à ma langueur
Dont les ondes s’élèvent au ciel constellé,
Faisant geindre les pulsations de mon cœur
Pris au carrefour des adieux hélas scellés.
Tristement, il y pleut d’abondantes larmes,
Comme les embruns d’un soir d’hiver en mer,
Qui noient la barque en péril par les lames
Qui s’y brisent sous la furie des flots amers.
Ainsi la barque de nos amours naufragée
Aura pour destinée les noirs abysses,
Sans rivage d’issue pour enfin abréger
A rien la romance sans voir les prémices.
Pourtant cet horizon assemblait les deux bleus :
L’indigo de la mer et l’azur du ciel
Baignés par le soleil sans filet nuageux,
Comme une merveilleuse aquarelle.
Dans nos jardins d’amour, sans cesse cultivés
Par l’art poétique, arrosés de douceur,
S’exhalaient les senteurs par la brise levée
Aux primes aurores, au couchant en rousseur.
Oublions nos stances et leur ruissellement,
Les appels de nos cœurs encore enflammés,
L’alchimie de l’amour qui brûle ardemment,
Nos instincts débordants sans cesse déclamés.
Le temps fera œuvre d’érosion sur la roche,
Prise inlassablement dans sa meule d’airain,
Comme il viendra à bout de l’immense torche
De ce fruit défendu que réprouvent les saints.
Triste fin jamais pressentie pour ce roman
A deux acteurs, amants trahis par le destin,
Enjoints par la raison à rompre sciemment,
Intimés à noyer leur chagrin dans le vin.
La longue période de paix et de prospérité, entamée au lendemain de la guerre de 1871, est brutalement remise en question par ce coup de fusil du 26 avril 1901. La colonie jouit de bienêtre et bénéficie de l’opulence la plus outrancière, en ce sens qu’elle est accaparée par les bâtisseurs des propriétés agricoles arrachées par divers procédés extra-légaux, sur la misère des maitres du sol de jour en jour refoulés. La révolte de Margueritte vient à point nommé rappeler que ce peuple n’était pas mort, que sa vengeance était terrible, que sa détermination pour recouvrer sa liberté était sans équivoque. Son mérite premier était le transfert de la peur vers le camp ennemi, en l’occurrence les autorités coloniales et les colons. L’insurrection remet le débat avec force sur l’insécurité générale qui prévaut dans la colonie. Il existe une grande agitation au niveau des cafés maures et des marchés forains et dans les rues même, essentiellement des rixes soit entre les indigènes eux-mêmes, soit entre les indigènes et les colons. Souvent, elle est qualifiée d’atteinte à l’autorité ou ses représentants, l’administrateur, le maire ou encore l’agent de la paix.
La sécurité est surtout l’œuvre d’une législation qui renvoie directement à la dialectique du conquérant en pays conquis. Le premier a tendance à échapper au Droit pour réprimer les délits les plus anodins et à tout ce qui touchait à sa souveraineté, ainsi que sur les biens et les personnes. Le second a tendance à méconnaitre cette autorité. Il prend acte de l’occupation coloniale de facto et rejette le fait colonial. Il est certes dominé et récuse de faire sa soumission. Sa résistance armée était héroïque en termes de sacrifices, légendaire dans la durée. Après quarante ans de lutte, elle était épuisée. Puis, vint l’opposition pacifique qui se concrétisait par le refus des politiques assimilationnistes, sous toutes leurs formes en faisant pression sur tous les éléments qui auraient été tentés pour l’adopter. Le plus important résidait dans le fait que le peuple couvait sa vengeance pour recouvrer son indépendance. Les réunions et les lamentations continuaient d’accompagner cette société privée de tous les droits humains.
Pour obtenir la sécurité, il faut évidemment une politique ou un arsenal juridique répressif. Ainsi dès l’année 1834, la justice répressive était exercée par les commandants militaires ou leurs adjoints. En 1844, le maréchal Bugeaud, alors gouverneur militaire établit une liste de délits susceptibles d’être commis par les sujets musulmans et les peines qui doivent être appliquées. Ce pouvoir répressif demeura aux mains exclusives des commandants jusqu’en 1860 où furent instituées des commissions disciplinaires, elles aussi sous l’autorité des militaires. L’avènement du régime civil en 1870 ouvrait une nouvelle voie dans la justice répressive :
Le juge de paix à compétence étendue
Le juge de paix est en charge des affaires civiles en plus de l’application des peines aux diverses infractions commises par les indigènes, lesquelles ne sont ni prévues ni réprimées dans le Code pénal français. Cette juridiction fut instituée par le décret du 19 août 1854 qui a créé le juge de paix à compétence étendue, en raison, dit-on, du vaste territoire du canton. Ce magistrat exerçait la justice répressive dans les communes de plein exercice, auxquelles étaient rattachés plusieurs groupements de douars pour leur assurer d’importantes recettes fiscales pour le fonctionnement de leurs budgets respectifs. Cette compétence étendue signifie qu’elle le sera à d’autres localités qui ne relevaient pas au départ de sa juridiction. Il connaissait des affaires commerciales, personnelles, civiles entre les indigènes eux-mêmes ou entre les indigènes et les colons. Il assumait les fonctions de président du tribunal en première instance comme juge de référé en toutes matières et peut ordonner toutes mesures conservatoires.
La réunion du premier congrès musulman
La préparation du Congrès avait été largement médiatisée. Les masses s’y intéressaient fort bien. Pauvres et analphabètes, elles espéraient voir enfin améliorer leur niveau de vie, voir leurs enfants accéder aux écoles et apprendre à ire et à écrire l’arabe, puis le français. Les élites espéraient gagner des échelons, souhaitaient entrer dans les bonnes grâces de la France coloniale. Tous convenaient discuter de l’égalité des droits entre Algériens musulmans et français. Ils se leurraient cependant et donnaient de faux espoirs à leurs sympathisants. Car, cette revendication, qui était la clé de voute de la coexistence, était de longue date revendiquée par les Indigènes et combattue avec acharnement par les colons, qui s’ils venaient à l’accepter, ils perdraient le pouvoir en vertu du jeu démocratique, basé sur le principe électoral.
Dans chaque ville et chaque village, des comités de chaque mouvement politique, social ou culturel avaient été créés pour désigner leurs représentants au Congrès et cela avec la bénédiction du gouvernement du Front Populaire qui espérait rattacher l’Algérie à la France ou en accordant aux musulmans le statut de citoyen tout en conservant leur statut personnel. Le 7 juin 1936, le Congrès était convoqué au cinéma Majestic à Alger. Les délégués s’étaient réunis. Ils représentaient les Elus, les Notables, les Oulémas, les Communistes. Ce parti politique marxiste qui se prétendait d’obédience musulmane était d’un anachronisme certain. Car, il lui était illusoire de parvenir à conclure un accord politique avec les autres formations, principalement celle des Oulémas. Les délégués de l’Etoile Nord-Africaine participaient également. Cependant, leur identité avait été dissimulée pour éviter un discours radical des revendications. De surcroit, ils n’avaient pas droit à la parole, une idée des communistes, partagée également par les Oulémas. Certains d’entre eux siégeaient pourtant aux commissions, tels que Mestoul, Mezrana, Bouras.[1]
La liste des orateurs avait été minutieusement sélectionnée. Tous restaient fidèles à un discours consensuel entre les différents courants assimilationnistes qui ne devait ni offusquer les autorités coloniales ni éveiller leurs soupçons sur des visées indépendantistes. L’honneur avait été pour le socialiste, l’instituteur Benhadj, puis le communiste, Boukort, puis l’élu, Ferhat Abbès, puis le Dr Saadane, défenseur des Territoires du Sud. Puis, ce fut au tour des Oulémas, tels qu’El Okbi et Ben Badis. Tous les orateurs tenaient un discours de rattachement pur et simple, en revendiquant, toutefois, la suppression des rouages spéciaux. A la clôture de ses travaux, le Congrès adopta six résolutions :
1) la suppression des lois d’exception.
2) le rattachement pur et simple à la France, avec suppression des rouages spéciaux
3) le maintien du statut personnel
4) l’instruction obligatoire
5) A travail égal, à salaire égal, à mérite égal, grade égal.
collège électoral avec représentation au Parlement
[1] Mahfoud Kaddache op.cit, T1 p427
Comptes rendus des séances de
l’Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres
Les « Ardjem» d’Aïn-Sefra, de Magrar-Tahtani et de Beni-Ounif
(Sud-Oranais)
Ernest-Théodore Hamy
Citer ce document / Cite this document :
Hamy Ernest-Théodore. Les « Ardjem» d’Aïn-Sefra, de Magrar-Tahtani et de Beni-Ounif (Sud-Oranais). In: Comptes rendus
des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 49ᵉ année, N. 1, 1905. pp. 83-93;
doi : https://doi.org/10.3406/crai.1905.71548
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1905_num_49_1_71548
Fichier pdf généré le 06/10/2018
LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA 83
exposition des envois si nombreux et si intéressants d’antiquités
provenant de l’Asie Mineure, et adressés au Louvre depuis
plusieurs années par M. Paul Gaudin, directeur du chemin de fer
Smyrne-Cassaba et prolongements. Cette exposition est publique
et contient une série remarquable de monuments trouvés à
Smyrne, à Clazomène, à Philadelphie et dans diverses autres
localités.
COMMUNICATIONS
LES « ARDJEM » d’aÏN-SEFRA, DE MAGRAR-TAHTANI ET DE BENI-OUMF
( SUD-ORANAIS ) ,
PAR M. E.-T. HAMY, MEMBRE DE l’aCADÉMIE.
Une partie des documents à l’aide desquels j’ai rédigé
cette notice m’ont été adressés, pour être communiqués à
l’Académie, par M. E.-F. Gautier, l’un des voyageurs
subventionnés cette année par la fondation Garnier.
M. Gautier traverse en ce moment le Sud-Oranais pour
gagner des régions plus centrales. Parvenu à Aïn-Sefra, il
s’est décidé à entreprendre quelques recherches dans les
tumulus découverts récemment aux environs de cette
localité par M. le comte Jean de Kergorlay et par M. le capitaine
Dessigny, chef du bureau arabe subdivisionnaire. J’ai été
assez heureux pour pouvoir compléter les indications de
M. Gautier à l’aide des notes et des photographies de ces
deux observateurs et de la petite collection formée par le
dernier dans une fouille exécutée pour le compte de la
mission, il y a seulement quelques semaines.
84 LES ABDJÈM d’aÏN-SEFRA
I
M. Gautier avait commencé par visiter la source qui
donne son nom au village d’Aïn-Sefra et dans le voisinage
il avait découvert une de ces stations de l’âge de pierre
dont on trouve si fréquemment les restes à proximité des
points d’eau1.
La station préhistorique d’Aïn-Sefra est importante par
l’étendue qu’elle occupe, mais assez misérable par
l’industrie de ses vieux habitants. Le sol en est jonché de débris
de silex, mais un fort petit nombre de ces pierres ont des
formes bien définies. Près de la moitié de celles que j’ai
triées dans l’envoi de M. Gautier (14 sur une trentaine)
appartiennent à ce type particulier qu’on a quelquefois
distingué sous le nom de lames à dos rabattu, et dont on a
déjà rencontré des spécimens dans certaines stations du
Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et même du Çomal2. Ce
sont, comme on le sait, des lames choisies pour leur
épaisseur et dont le bord, opposé au tranchant, a été retaillé à
petits coups, de manière à offrir une surface rugueuse,
favorable à une emmanchure latérale.
Le reste des silex taillés d’Aïn-Sefra se compose de
couteaux simples, de flèches grossières, irrégulièrement
triangulaires ouamygdaloïdes. J’y ai trouvé enfin un de ces curieux
grattoirs à bois, dont la surface utile, taillée finement,
dessine un demi-cercle qui s’adapterait fort bien à la
convexité d’une tige dont ou voudrait faire un arc, par exemple.
Il existe dans le matériel de certains sauvages modernes
1. Cf. G. Richard, Sur la découverte du silex taillé dans le sud de V
Algérie (Comptes rendus Acad. des Se, t. LXVIII, p. 196. — Cf. Ibid.,
t. LXVI, p. 1057).
2. Coll. Buchet, Debruge, Foureau, Du Bourg de Bozas, etc. au Muséum
d’histoire naturelle et au Musée d’ethnographie.
LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA 85
des instruments assez analogues à ces deux types d’outils
de la station la plus antique d’Aïn-Sefra.
M. Gautier a recueilli avec ces ustensiles de pierre
plusieurs fragments de terre cuite, façonnés à la main, d’une
argile mêlée de gros grains de quartz d’un rouge jaunâtre et
noirâtre à la cassure. Un de ces récipients, sorte de marmite
à bords évasés, présente un diamètre de 18 centimètres au
moins à l’orifice, la base renflée est plus large encore.
L’entrée est décorée de petits alvéoles creusés à des intervalles
inégaux sur le bord même de la pièce, et la base du col porte
un autre rang de traits à peu près parallèles,
irrégulièrement espacés, à la fois plus longs, plus larges et plus
profonds l ; la couleur de la terre est plus rouge et la
direction générale du décor est légèrement oblique de bas en
haut et de gauche à droite.
Je trouve une ornementation comparable sur certains
fragments rapportés par M. Ph. Thomas de la station de
Hassi el M’ Kaddem, près Ouargla, et figurés dans les
Matériaux pour 1876 2.
II
A deux heures de cheval environ au N.-O. du village
d’Aïn-Sefra et sur une ligne dirigée vers le plus haut
sommet du Djebel-Morghad, M. le comte Jean de Kergorlay
découvrait au printemps de 1903 une série de monuments,
d’une époque encore ancienne, quoique sensiblement
postérieurs à la station de la source. C’étaient des tumulus
1. La plus allongée de ces empreintes mesure 12 à 13 mm., les plus
larges en atteignent 4 à 5 et la profondeur maxima n’est pas moindre de
3 à 4. Cette ornementation fort primitive semble avoir été faite avec un
bâtonnet ou un petit os.
2. Ph. Thomas, Notes sur V atelier préhistorique cT Hassi el AT Kaddem,
à 8 kilom. au N. de V oasis de Ouargla (Mat. pour Vhist. prim. et nat. de
Vhomme, t. XI, p. 268, fig. 127-128, 1876).
86 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
appelés ardjem par les indigènes1, disposés sans aucun
ordre apparent, dans la Faïdjet el Betoum et dont on
reconnaissait vaguement les bordures de pierres en partie
écroulées et les dalles centrales en désordre. M. le capitaine
Dessigny en trouvait bientôt d’autres à 5 ou 6 kilomètres
à l’Est d’Aïn-Sefra, sur le versant Nord et au pied du
Djebel Mekter. Ces derniers, au nombre d’une cinquantaine,
a. Tumolu»
Founassa» ,>i
Figjiig ../
^’♦’Beni-Ounif
M.roukanû »y
. MMbtani
mieux conservés que ceux du Faïdjet el Betoum, formaient
une sorte de cimetière, à proximité d’un point d’eau. Les
mieux conservés se présentent sous l’apparence d’un cube
de pierres de 0m 50 à 0m 60 de hauteur, plantées debout.
La circonférence ainsi limitée mesure de 3 m 50 à 4 mètres de
1. Redjem, sing. ; ardjem au plur. (Dessigny). — Certaines localités de
ces cantons portent le nom de Redjem ; Redjem el Gherib, par exemple,
au N.-O. de Duveyrier, signale probablement quelque monument
funéraire antique à fouiller dans l’avenir.
87
diamètre. Vers le centre, des dalles juxtaposées à plat,
quelquefois deux par deux, recouvrent une sépulture1.
Six de ces diverses éminences ont été entamées par
M.Gautier, M. Dessigny en a fouillé une quarantaine. La
plus remarquable de ces dernières était un véritable tumulus
déforme arrondie, composé de cailloux roulés et de dalles
en grès, très communes dansla région. « Une tranchée ouverte
de la périphérie au centre, écrit M. Dessigny, fit découvrir
au milieu du monument une chambre sépulcrale
parfaitement intacte. Cette chambre est de forme ovale et évasée
du fond vers le sommet. Les deux axes ont respectivement
0m 80 et 0m 60 de longueur au fond, et 1 mètre et
0m 80 au sommet. Les parois et la couverture sont en
dalles de grès ; le fond est formé par la roche naturelle : la
hauteur de la chambre est de 0 m 80. Elle est remplie à
mi-hauteur de sable fortement tassé, paraissant provenir des
dunes voisines. En enlevant ce sable horizontalement,
M. Dessigny amis à découvert des ossements qui tombaient
en poussière et a pu seulement reconnaître que le corps
avait dû être placé la tête tournée vers l’Ouest et appuyé
sur le côté droit, le dos contre la paroi ; les bras étaient
croisés sur la poitrine et les jambes repliées vers le tronc. »
Alahauteur du cou, M. Dessigny ramassait 81 petites
rondelles aplaties et percées au centre, mesurant environ
5 mm. de diamètre. Au milieu, de ces rondelles, assez
régulièrement arrondies et qui ont été façonnées en perçant
et en découpant l’écaillé des oeufs d’autruche 2, se détache
une perle de cornaline de forme sphérique, aplatie, large de
1. M. de Kergorlay vient de retrouver (1904) une sépulture exactement
semblable dans le Sahara tunisien.
2. On pourrait se demander, en rapprochant ces colliers formés de très
nombreuses pièces d’enfilage taillées dans l’oeuf d’autruche des colliers
similaires en rondelles des coquilles de l’Archipel de Californie, s’ils n’ont
pas été dans le Sud-Oranais une sorte de monnaie semblable à celle dont
se servaient les insulaires californiens.
88 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
8mm, haute de 5, deux autres grains lenticulaires en verre
irisé, enfin une dernière pièce profondément altérée, que
je prends pour un morceau de coquille, ayant en partieconservé
sa couverture nacrée.
Un autre collier, porté par le même personnage, était
fait d’une lamelle de cuivre très étroite ( 1 mm) , tordue
en spirale allongée ; la partie conservée mesure environ
0m 13 de longueur.
III
Tous les autres ardjem étudiés par M. E.-F. Gautier et par
le capitaine Dessigny étaient construits sur le même plan.
Ils contenaient de rares débris d’os qui s’effritaient sous les
doigts et quelques dents remarquables par l’usure de leur
fût. Tous les corps étaient sur le côté, les uns appuyés à
droite, les autres à gauche : les têtes étaient tournées dans
toutes les directions. Exceptionnellement le fond de
quelques chambres se trouvait formé de dalles semblables à
celles des parois.
Le plus grand nombre de ces ardjem ne contenaient que
quelques débris de squelettes. Parfois cependant, comme
dans le grand tumulus dont on vient de lire la description,
les fouilleurs ont pu se procurer de rares objets en métal,
en os, en coquille et en pierre.
Les pièces de métal sont en argent, en cuivre, en fer
intimement confondus : plaque de ceinture en cuivre, de
forme carrée, longue, ornée sur son pourtourd’un fin
pointillé repoussé, et fixée par deux clous en fer, dont l’un est
encore adhérent à son rivet de cuivre circulaire et aplati ;
bracelets d’argent, ouverts, formés d’une simple tige de
3 à 4mm d’épaisseur, courbée de façon à laisser 40 à
42 mm d’ouverture ; bracelet de cuivre de même forme et
de mêmes dimensions, mais plat à l’intérieur et orné sur les
89
bords de fines striations; bagues ouvertes, de cuivre et
d’argent, cylindriques et un peu renflées vers le milieu, ou en
forme de lame plate ou un peu convexe (une de ces bagues
se ferme à l’aide de deux petits crochets recourbés) ;
fragments de tiges et de douilles de fer profondément altérées,
restes de javelines ou de lances ; robuste outil aussi de
fer, beaucoup mieux conservé, long de près de 0m 18,
dilaté aux deux bouts en prismes à quatre plans et
terminés en pointes, de façon à rappeler la forme des carrelets
actuels.
L’os travaillé est représenté par un disque plat et poli
déforme ovale raccourcie, qui mesure 35mm sur 30 *. La
coquille d’oeuf d’autruche a servi à façonner, comme je l’ai
déjà dit, des pièces d’enfilage qui composent des colliers
parfois d’une grande longueur. L’un de ceux que m’a
envoyés M. le capitaine Dessigny se compose de 522 petits
disques, percés au centre d’un trou de 2 à 3 ram environ et
leur diamètre varie de 6 à 11 mm. Une fois le trou obtenu à
l’aide d’un foret à bout obtus, on a tout doucement ébréché
le bord de façon à obtenir un contour polygonal se
rapprochant de plus en plus de laforme circulaire, qu’un polissage
final s’efforçait d’obtenir aussi régulier que possible. Ce
travail a été plus ou moins poussé, d’un disque à l’autre, et
la surface générale qui résulte de la juxtaposition des petits
disques est le plus souvent rugueuse et parfois fort
irrégulière.
J’ai dit que le principal collier d’Aïn-Sefra comptait
*522 pièces d’enfilage, il mesure plus de 0m 90 ; un autre en
a 475 et dépasse 0m72; un troisième, beaucoup plus petit,
n’atteint plus que 0m 15 avec 85 disques.
1. Ce disque est indiqué spécialement par M. Gautier comme trouvé
dans un tumulus n° 3 de Teniet R’zla. Si ce nom est le même queTeniet et
Ghzalla de la carte d’État-Major, ce tumulus appartiendrait au groupe du
Taïdjet el Betoum découvert par M, J. de Kergorlay.
90 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
Les objets en pierre sont aussi des grains de colliers ;j’ai
déjà parlé de cornalines polies, en voici de nouveaux quatre
grains globuleux aplatis, qui composent avec un gros
cabochon irrégulièrement cylindrique et une perle lenticulée de
pâte de verre, une autre perle en pierre verte, et deux petits
disques de coquilles, un grossier collier d’enfant. La tête
du sujet est la seule pièce osseuse qui me soit parvenue,
engagée dans sa gangue d’argile rouge1. C’est un enfant de
trois ans environ d’un type dolicho-pentagonal
extrêmement accusé et qui rappelle beaucoup par ses formes les
pièces analogues que l’on connaît du littoral barbaresque
ou de l’ancienne Egypte.
IV
H me reste à dire quelques mots des deux autres groupes
de tumulus, analogues aux précédents, découverts l’un dans
la vallée de l’Oued-Namous par M. le comte J. de Kergorlay,
l’autre à Beni-Ounif par M. Gautier. La première de ces
nécropoles est à proximité de l’oasis de Magrar-Tahtâni, à un
peu plus de 30 kilomètres au sud d’Aïn-Sefra. « Lorsqu’on
quitte la fraîche et verdoyante oasis de Magrar-Tâhtani,
écrit M. de Kergorlay, à la limite où l’irrigation devient
impossible, le désert commence. La vallée de
l’Oued-Namous (rivière des Moustiques) court sensiblement du N.-E.
au S.-O. et, après un étranglement formé par le Djebel
Taouzamt au Tenaïa et Tamer, elle va se perdre dans la
hammada. La haute vallée est limitée au N.-O. par le
Djebel-Zarif dont les cîmes rocheuses, déchiquetées et
dénudées par les pluies peuvent s’élever à 12 et 1.500
mètres. C’est la limite des Hauts-Plateaux.
1. Je n’ai pu conserver que le moulage intracranien, formé de l’argile
dur qui remplissait le crâne et qui a été dessolidé avec du blanc de
baleine.
LES ARDJEM D A1N-SEFRA 91
« Le fond de la vallée est plat, coupé de dallages et de
zones de sable, ou de petites pierres noires. La végétation
se réduit à quelques bétoums [pistacia atlantica), quelques
épines, des jujubes et un peu d’alfa.
« En quittant Magrar-Tâhtani, dans la direction du S.-O.,
à environ une heure et demie de marche, on trouve un
premier tumulus. C’est le plus important de tous ceux que
nous allons rencontrer : il affecte la forme d’une ellipse
dont le grand axe aurait environ 18 mètres et le petit, à peu
près moitié moins. La hauteur varie de 3m 50 à 4 mètres, et
Tumulus de l’Oued-Namous.
on ne peut mieux comparer l’ensemble qu’à une gigantesque
carapace de tortue. Les pierres qui forment ces tumulus
sont souvent très grosses et ont cette patine d’un brun noir
particulier aux roches désertiques. »
M. de Kergorlay a photographié ce remarquable
monument (fig. 00) et levé le plan de cinq autres tumulus, aussi
de grande taille, isolés à des distances variables, et dirigés
comme les premiers dans le sens de la vallée. Tous sont
situés un peu au-dessous du fond et assez souvent auprès
de quelque ravin creusé par les affluents de l’Oued.
92 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
La situation du pays était extrêmement troublée au
moment où le voyageur parcourait ainsi ce canton presque
inexploré; c’était quelques semaines avant le
bombardement de Figuig, et ce lui fut impossible d’entreprendre une
fouille méthodique dans des conditions aussi difficiles,
M. E.-F. Gautier a été plus heureux à Beni-Ounif, un peu
au sud de Figuig. Il a pu ouvrir deux tumulus dans cette
localité et y recueillir, avec des ossements effrités, les débris
d’un bracelet de fer et deux colliers de coquilles d’oeuf
d’autruche identiques à ceux dont il était question un peu
plus haut.
Tous ces groupes funéraires se présentent, en somme,
avec des caractères fort homogènes. Quelle que soit son
orientation, le corps replié est toujours couché sur le côté.
Les pièces de colliers en coquille d’oeuf d’autruche,
communes dans un certain nombre de stations de l’âge de
pierre saharien1, notamment vers Ouarglaet vers El-Goléa,
s’associent aux ornements d’argent déjà connus des
constructeurs de Roknia2. Le cuivre, qui affleure dans la région au
voisinage de Founassa, se joint au fer signalé depuis
longtemps à Tilghemt par le général Pothier3. Et tout cela
constitue un petit ensemble qui caractérise nettement une
phase de l’évolution des tribus du Sud.
Les indigènes actuels n’ont conservé que de vagues
traditions relatives à ce vieux peuple ; l’un d’eux contait
à M. Dessigny que les redjem avait bien 900 ans, sans
donner d’ailleurs aucune raison à l’appui de cette
assurance.
Il est intéressant de constater, en terminant, que ces
monuments, comme leurs similaires du Sud- Algérien ou du
1. Mat. pour Vhist. prim. et nat. de Vhomme, t. XI, p. 72, 1876, etc., etc.
2. Bourguignat, Histoire des monuments mégalithiques de Roknia, près
d’Hamman-Maskoutine (Paris, 1868, in-4), p. 34 et pi. IV.
3. Ed. Pothier, Les tumulus de la daïa de Tilghemt(Rev. d’Ethnogr.,t.V,
p. 311, 1876).
UNE INSCRIPTION GRÉCO-ARAMÉENNE d’aSIE MINEURE 93
Maroc * , sont semés tout le long d’anciennes voies de
communication et reproduisent ainsi dans la topographie
préhistorique africaine des dispositions comparables à celles que
M. Sophus Mûller signalait pour les pays septentrionaux
dans une magistrale étude présentée récemment à la Société
des Antiquaires du Nord 2.
UNE INSCRIPTION GRÉCO-ARAMÉENNE d’aSIE MINEURE,
PAR M. FRANZ CUMONT, CORRESPONDANT DE l’ ACADÉMIE.
En 1900, M. Grenard, alors consul de France à Si vas,
l’ancienne Sébastée du Pont, découvrit environ à mi-chemin
entre cette ville et Divrighi (Tephrice),au village d’Aghatcha-
Kalé3, une inscription rupestre dont il soupçonna
immédiatement l’importance. Il en prit une copie qu’il eut
l’obligeance de me faire parvenir : au-dessous de six lignes d’un
texte grec , gravé cttoi^yjSov , on distinguait encore quelques
mots en caractères qui semblaient être araméens. Je
communiquai ce document énigmatique à M. Clermont-Ganneau,
qui se mit en rapport avec M. Grenard et obtint de celui-ci
non seulement une photographie du rocher d’Aghatcha-
Kalé mais un excellent estampage de l’inscription. Cet
estampage ne fit guère que confirmer le déchiffrement que
1. Tissot, Sur les monuments mégalithiques du Maroc, etc. (Rev. d’Anthrop.,
t. V, p. 387, pi. IV, 1865).
2. Sophus Mûller, Routes et lieux habités à Vâge de la pierre et à Vàge
du bronze (Mém. de la Soc. des Antiq. du Nord, Nouv. Sér., 1903, p. 60-
140).
3. Exactement à 41 kil. au S.-O. de Divrighi. D’après les indications
topographiques que nous fournit M. Grenard, l’inscription est gravée sur
la surface aplanie d’un rocher faisant partie d’une longue arête de
montagne qui domine le village. Il n’y a dans ce rocher aucune trace d’un
tombeau ou de sculptures, mais la cime voisine a probablement porté autrefois
une construction.