L’œuvre Marguerite est monumentale. Elle s’inscrit dans le genre du roman historique. Ce genre d’écriture est particulièrement prisé par des auteurs classiques et contemporains. C’est le cas de Walter Scott, Victor Hugo, Léon Tolstoi, Jean Giraudoux etc. il est certain que leur motivation s’illustre dans la fascination de l’histoire, mais aussi pour vulgariser au lecteur ordinaire les œuvres statiques des historiens, je dirai même froides, qui ne touchent pas l’humanisme de ce même lecteur dont il provoque l’émoi et en tire une conclusion. Cette implication du romancier pour restituer le passé ou glorieux ou fatal, ou merveilleux ou dramatique, est une source conflictuelle avec l’historien lui-même qui croit à tort que son domaine est empiété. En effet, elle nous fait revivre ce passé et nous transpose dans son quotidien. De là, le lecteur y trouve des ressemblances, des vraisemblances et s’identifie aux personnages, tantôt admirés, tantôt haïs. Il y a un mélange de fiction et d’information documentaire, c’est un récit vivant. La véracité historique est en général présente pour l’essentiel, jamais tronquée ou dénaturée.
I. Contexte historique
L’agression française contre la Régence d’Alger le 14 juin 1830 est l’aboutissement logique d’un projet d’annexion en 1808 par l’empereur Napoléon 1er pour lequel un minutieux travail de renseignements a été accompli par le capitaine Boutin de la marine française, la même année entre les mois de mai et juillet, soit 54 jours. Néanmoins l’empereur ne put le concrétiser pour des politiques internes, d’une part, et d’autre part, la puissance navale d’Alger était hautement dissuasive. La Flotte de la Régence, qui avait la haute main sur la méditerranée, devait être détruite, sinon affaiblie par les autres puissances maritimes de l’époque, qui étaient l’Angleterre, la France, les états unis d’Amérique. La confrontation commença d’abord avec ces derniers, entre 1808-1812, dont l’issue ne fut pas heureuse pour la Régence, dont une grande partie de la flotte fut détruite. Une agression commune anglo-française fut menée en 1816 ; puis en 1827, la marine française acheva de détruire l’essentiel de la Flotte qui représentait un péril. Donc Alger, privé de sa flotte de guerre maritime, devenait aisément prenable par la mer le 14 juin 1830, sous le corps expéditionnaire du maréchal De Bourmont, fort de plus de 36.000 hommes et de bâtiments de guerre impressionnants. Le Dey Houcine capitula au bout de vingt jours de combat et fut exilé en Turquie.
a. Résistance populaire armée.
Commença aussitôt la résistance populaire spontanée et sans encadrement dans les environs d’Alger. Deux ans plus tard, elle s’organisa autour de la figure emblématique de l’émir Abdelkader. Ce héros se révéla chef de guerre et organisateur de l’état moderne algérien pendant quinze années. Dans cette période, il structura les résistants en armée classique avec sa hiérarchie, sa logistique, ses objectifs. Il dota le territoire en administration civile, battit la nouvelle monnaie, construisit une fabrique d’armes. Il put libérer le pays dans ses deux tiers, dont l’indépendance fut reconnue par la France. Ce traité fut violé par cette dernière, et la guerre reprit quelques mois plus tard. La résistance continua avec de nouveaux leaders dont une jeune femme soufie, patronne de la confrérie Rahmaniya dans la Kabylie, Lalla Fadma Nsoumer. Elle mourut en 1855, au bagne, à l’âge de 27 ans. La résistance eut son glas pendant la grande guerre de 1871 sous le commandement d’ElMokrani, après un édit (fatwa) du cheikh Hadda, maitre de la confrérie Rahmaniya.
b. Contexte sociopolitique : La colonie
La France fit de l’Algérie une colonie rattachée à la métropole et la dota d’une structure administrative territoriale, soit un gouvernorat subdivisé en trois départements dont chacun était structuré en communes de plein exercice et de communes-mixtes. Le régime d’administration était militaire, jusqu’en 1871, année de l’avènement du régime civil, soit de la démocratisation des institutions. Néanmoins, cette démocratie était une forme d’apartheid, car elle concernait la minorité de la population d’origine européenne. On appela aisément cette avancée démocratique, comme étant le gouvernement des maires, auxquels étaient inféodés dans les faits les trois préfets et le gouverneur général.
Dès les premières années de la conquête, le maréchal Bugeaud avait ébauché la politique d’implantation de l’élément européen. Il ramena des Français qui s’établirent en pleine guerre, puis il leur ramena des épouses françaises. Il découvrit vite que ceux-ci ne pouvaient s’accommoder aux nouvelles conditions. Alors, il déclara à la chambre des parlementaires qu’il était nécessaire à la France d’établir aux côtés de ce peuple non soumis, brave et laborieux, des peuples européens les plus vigoureux qui soient en Europe. C’est ainsi que la porte fut ouverte aux Espagnols, Italiens et Maltais de constituer ce peuplement de colons.
Gaston remit la paire de souliers au cordonnier avec un air de mépris, avant de dire avec arrogance : « Tiens sale juif, répare ma paire de souliers, à l’instant même ». Le vieillard en eut peur ; il la prospecta, en tremblant et répondit précipitamment que la réparation exigeait toute une journée de travail. Gaston piqua une de ses colères promptes et le traita de vermine et de menteur. Il hurlait toute sa fureur qui sortait par les pores de sa grosse chair, il était fou de rage, ne retenait pas sa mauvaise langue, déclarait tous les Juifs indésirables dans le pays, dans son pays, disait que les Européens n’auraient la paix de l’âme qu’au moment où ils les verront prendre chemin pour un pays quelconque. L’atmosphère était tendue. Hamza bouillonnait et faisait un grand effort pour maîtriser ses nerfs.
- Je vous assure, Mr Gaston, que cela va me demander toute une journée de travail, dit Youcef. Les semelles sont totalement à refaire et le cuir doit passer quelques heures au moule. Il faudra revenir demain. Soyez compréhensif, je vous en conjure.
Gaston savait que le cordonnier disait vrai. Il ne voulait pas toutefois se rendre à l’évidence, sa haine raciale occultant son bon sens. Il l’agrippa solidement par le cou et le secoua violemment. Il faillit étrangler sa victime très fragile qui sanglotait comme un petit enfant, toussotait comme un grand asthmatique, se débattait vainement pour se dégager de la forte étreinte. Gaston avait dépassé les bornes et jouissait du châtiment qu’il administrait au vieil homme. Hamza ne put en supporter de voir davantage. Il le tira par le bras, le bouscula et le propulsa dans la rue. Gaston essaya de revenir à la charge et le menaça. Hamza le retint solidement par la taille et lui dit : « Si tu ne le laisses pas tranquille, je te ferai manger le limon de la terre et ta putain de Graziella pourra en rire ». Hamza était désormais grand et fort, il ne craignait pas son ennemi, il pouvait en faire une chair à pâté. Gaston apprit vite la leçon : il perdit définitivement la bataille et partit à la hâte sans se retourner.
Le lendemain, vers le coup de dix heures, le vieux cordonnier ferma sa boutique et se rendit au tribunal pour porter plainte à l’encontre de Gaston. Il n’avait aucune ecchymose au cou, il souffrait plutôt d’une véritable psychose. Il n’avait pas fermé l’œil de la nuit, imaginait des drames inqualifiables, prêtait l’ouïe au moindre bruit, demeurait cloîtré dans son lit, grelottait et transpirait tour à tour d’une fièvre spéciale, celle de la peur. Il vécut une épouvante. Samiha ne parvenait pas à le consoler, ni Sara dont il souffrait terriblement le malheur : elle était belle et jeune, mais personne n’osa venir demander sa main, ni les Européens, ni les Arabes. Il ne comprenait pas pourquoi le sort était si cruel à son égard et pourquoi encore ces gens ne désiraient pas s’unir par les liens sacrés du mariage avec les filles de sa communauté.
Il arriva au tribunal, sans trop d’illusions. Il comptait malgré tout sur sa vieillesse et sa pauvreté pour se faire entendre avec compassion. Le juge, Léon, l’avait débouté et congédié. Comme, il avait un témoin, il crut bon d’en faire appel, estimant qu’il pourrait détourner la difficulté à son avantage. C’était Hamza et il alla le retrouver dans le magasin. Hamza lui répondit que sa démarche était vouée à l’échec ; il l’accompagna tout de même. Le résultat n’avait pas changé et le vieillard dut s’avouer battu. Alors, il douta de cette citoyenneté que l’Etat français lui avait prodiguée et déplora amèrement cette discrimination entre les citoyens d’une même nation qui osait prétendre diffuser universellement la fraternité, l’égalité et l’équité.
Sur le chemin du retour, le vieillard marchait doucement, le cœur lourd de déceptions et assiégé de craintes. Sa vie paisible d’antan était désormais perdue par ce satané bulletin de vote qui était en fait une arme à double tranchant qu’il ne maniait pas personnellement et dont profitait le grand rabbin et l’une ou l’autre formation politique qui accédait au pouvoir, afin d’écraser au mieux les indigènes. Que faire ? Le grand rabbin disait qu’il connaissait au mieux les intérêts de sa communauté. En fait il vendait les voix au plus offrant. Youcef savait. Néanmoins, il suivait aveuglément les consignes du vote à chaque échéance et ne pouvait guère reconnaître que c’était là une réelle entourloupe. Il savait aussi d’expérience que le consortium ne lèverait pas le petit doigt pour aplanir ses gros ennuis. En la conjoncture, il regrettait sincèrement son ancien statut d’indigène, au moins il n’avait pas à entrer, malgré lui, dans ses tractations politiques dont il ne tirait aucun profit.
Hamza quitta le vieil homme, ne sachant où aller, ni quoi faire. Son esprit était ailleurs. Il pensait à Pauline. Elle lui manquait. Il devait la revoir. Mas où ? Il réfléchit un moment. Son cœur battait fort. Est-ce qu’il l’aimait ? Encore un moment d’introspection. Oui ! Il l’aimait. Il se sentit heureux de se confesser cet amour. Son visage prit de belles couleurs et ses yeux brillèrent. D’un pas hardi, le premier vers l’amour, il s’en alla voir Pauline chez elle. Il était gai. Il sifflait ou chantait. Il arriva à la maison, frappa à la porte et dit : « c’est moi Hamza ». Elle entendit la voix de son adoré, Hamza. Sa joie était immense. Elle ouvrit, l’enlaça, l’embrassa sur la joue. Elle sentit alors qu’elle l’aimait. « Entre, dit-elle »
- Pauline ! Tu m’as manqué. Tu es mon soleil. Au séminaire, je pensais à toi à chaque instant.
- Pauline ! Allons au jardin public. Nous serons bien mieux au milieu de la verdure et du chant des oiseaux.
Annexe
Liste des accusés
(hélas incomplète)
Cette liste comprend les inculpés et les acquittés de l’insurrection de Margueritte Algérie 26 avril 1901
Le 8 février 1903 : Verdict de l’affaire de Margueritte : 22 condamnations et 81 acquittements.
Les principaux accusés, les avocats désignés et les condamnations :
1— Yacoub Mohamed Ben El-Hadj Ahmed, instigateur religieux, dit le « Sultan » — maitre L’Admiral-travaux forcés à perpétuité
2— Taalbi El-Hadj ben Aïcha, instigateur politique — maitre Grollier-travaux forcés à perpétuité
3— Bourkiza M’hamed ben Saddok (25 ans) — maitre Chamayou-travaux forcés à perpétuité
4— Taalbi Miloud ben hadj djllali-maitre Guibal-15ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
5— Abdalah El-Irtsi M’hamed (30 ans) — maitre Roussy-travaux forcés à perpétuité
6— Mohamed Otman Abdelkader ben Mohamed maitre Huriaux-05 ans d’interdiction de séjour.
7— Ben Amar Abdel Kader Ben yahia — maitre Haour-05 ans d’interdiction de séjour.
8-Couchih Said ben mokhtar -maitre Milhaud
9-Abdellah El Hirtsi Bendjelloul(18 ans)-maitre Vialle
10- Hennour Bouamra maitre Calazou-05 ans de réclusion et 05 ans d’interdiction de séjour.
11— Benhanour Abdellah ben djillali-maitre Gauffre-05 ans de réclusion et 05 ans d’interdiction de séjour.
12— Hannour kouider ben aissa — maitre Mercier-06 ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
13— Yacoub Abdelkader ben el hadj ben aicha-maitre Guiraud
14— Ben Saada Mohamed ben lakhdar maitre Rouvier
15— Couchih Mohamed ben mokhtar-maitre Simonnet-enfermé jusqu’à l’âge de 20 ans dans une maison de correction.
16-Agoun Boualem ben said-maitre Guibal-peyre
17— Hammadi Mohamed ben amar-maitre Vinvent — 5 ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
18— Ben Youcef Salem ben Salem — maitre Nègre-5ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
19— Zerdi Ben Youcef-maitreTrauturein-02 ans de prison
20— Hammadi Mohamed ben tifouri-maitre Tenlion-Valio — 7 ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
21— Abdellah Otman ben el hadj Mohamed-maitre De la Batie-5ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
23— Couchih Mohamed ben lahbib-Lamouroux
24— Iddi ben ahmed-02 ans de prison
28— Djillali Mohamed-02 ans de prison
31— Zerrouk Djilalli ben Mohamed maitre De la Batie
34— Yacoub Ben youcef Ben amar-maitre Lamouroux
49— Amar Otsman Abdel kader-5ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
53— Bouaziz Mohamed benyoucef-5ans de travaux forcés et 05 ans d’interdiction de séjour.
56— Meziane Amar Djiallali-06mois de prison
66— Bourkiza lahbib — 05 ans d’interdiction de séjour.
70— Feghoul Ali ben yahia-maitre vinvent
73-Achour mohamed seghir ben abdel kader-maitre Vinvent
81- Ben Tasseda Mohamed ben abdelkader-maitre De la Batie
88— Ben youcef Djillali ben amar-maitre Nègre
95— Kaddour Ben djillali-maitre Trauturein
97-Ben Bachir Maamar -maitre Trauturein
98— Afkir Ahmed Ben Rabah — maitre Guiraud
99— Zehoub moussa ben belkacem-maitre Simonnet
100-Ben Zerhouda ben yahia ben youcef-maitre Guibal-peyre
104-Bouzid Amar benyoucef-maitre Telion-Valio
105-Fahci Ahmed ben abdel kader-maitre Tenlion-Valio
Notons d’abord que la population chiffrée inclut les Righa, estimés à 3.000 âmes. Mais d’où viennent ces amendes, ces journées de prison ? C’est le régime forestier, véritable terreur des populations forestières en Algérie. Disons un mot pour en assimiler sa puissance exorbitante et son pouvoir répressif envers tout un peuple qu’il réduisait en esclave.
1892 écrivait un publiciste algérien : « La forêt faisait la moitié et même les deux tiers de la vie des indigènes. » Citation reprise par Masqueray la foret engraissait les troupeaux, avait des superficies cultivables, produisait des produits ligneux et des denrées comestibles.
- Les feux de forets volontaires analogues aux feux de brousse : tous les 2, 3 ou 5 ans, vers la fin de ‘été par temps de sirocco, les paysans allumaient des feux pour débroussailler tel ou tel périmètre ; avec les pluies d’hiver, l’herbe repoussait entre les racines et les troupeaux y trouvaient des pâturages pendant 2 ou 3 ans dans ces clairières devenues prairies ; ainsi les feux provoqués aussi près des concessions forestières européennes ; pour ce dernier cas il apparaissait aux européens que c’était là u acte criminel contre la propriété privée ; cet acte était considéré comme un complot permanent cotre la colonisation ; ainsi les feux de 1892 et 1894 ; les Européens y voyaient une malveillance évidente : les Arabes préféraient détruire leurs forets plutôt que de voir les Européens en tirer profit. car ils ne s’expliquaient mal comment il existait des foret centenaires ; mais avec la conquête le déboisement s’était accru considérablement par :
- Les concessions accordées aux compagnies
- le génie militaire et les colons avaient exploité abusivement les forets les plus accessibles.
- le refoulement des indigènes les obligeait à défricher par le feu involontaire de vastes superficies plus ou moins forestières pour en faire des terres de culture et des pâquis.
Mais le ravage est principalement dû à l’exploitation industrielle du bois ; ainsi pour un million de chênes-lièges, abattus entre 1870 à 1875, les concessionnaires produisirent 43.485 t de tanin. Des tentatives de réglementation échouèrent toutes ; sauf quand il s’agissait des tribus forestières dont le service forestier était l’ennemi principal.
1851 la foret algérienne est déclarée propriété de l’Etat français donc toutes ces terres arch ou beylik dont tiraient jouissance les tribus leur échappaient ; ainsi fut tracé le périmètre des forets à vue d’œil, à cheval, à la boussole, sans triangulation ; tombèrent au domaine de l’etat en l’occurrence le servie des forets : 2.084.379 ha. Mais le sol réellement forestier était de 1.444.076 ha ; la différence était broussailleuse ou tout simplement des prairies pour les besoins de la colonisation franchement décalré comme tel après 1870, à l’avènement du gouvernement civil.
- le service des forets sous l’autorité des trois préfets ou généraux de division avait supprimé le droit d’usage mémorial des forets dont jouissaient les tribus. le code forestier promulgué en 1827 était de difficile application en France même, alors en Algérie c’était pire ; avec cette batterie de droits et obligations le service forestier en Algérie déclara la guerre aux populations forestières :
- interdiction des feux de broussaille
- interdiction de fabrication de charbon de bois
- supprimer le pacage et étendre le boisement
Tout un peuple était livré à la merci du non droit et contre toute logique conquérante l’armée coloniale se faisait selon les opportunités les défenseurs des indigènes contre l’avidité des colons. Cette armée n’avait pas cessé d’intervenir pour autoriser les pâturages, interdire les saisies du bois de charrue, faire reconnaître le droit de pacage des moutons et des chèvres. Cependant les officiers entendaient eux aussi défendre le patrimoine forestier et frappaient d’amendes collectives les tribus, responsables de feux de brousse dans leur espace forestier. Ils qualifiaient cet acte comme hautement insurrectionnel. Ils provoquèrent parfois de véritables insurrections. En 1858, la région de Djijel et Elmilia se souleva contre la colonne du général Gatsu venu percevoir les amendes collectives infligées à la suite d’incendies de forets. 1859 nouvelles applications d’amendes collectives ; le ministre de l’Algérie interdit cette pratique et ordonna de faire l’éducation forestière aux indigènes ; dans sa circulaire du 5 juin 1860 il est stipulé : « Il importe d’éviter avec soin de froisser les indigènes par des sévérités dont ils ont peine à s’expliquer le but. On ne déracine pas en un jour des habitudes séculaires… Il faut s’efforcer de prévenir les délits en donnant satisfaction aux besoins réels, se montrer aussi large que possible dans les délivrances d’autorisation. ( il fallait une autorisation même pour couper le bois de charrue ou de cuisson)
Le maréchal Pélissier gouverneur général alla contre ces prescriptions. Le 24 juillet 1861, il prescrivit des amendes égales à 4 fois la zekkat aux tribus coupables de feux de brousse ou passives aux feux involontaires.il prescrivit aussi une mise en défens dans ces zones touchées par ces incendies et mena aussi des représailles contre leurs djemaa. Il céda aux demandes des tout puissants concessionnaires de forets de chêne-liège. Ceux-ci étaient au nombre de 34 et exploitaient à ferme 202.000 ha de chêne-liège dont 149.793 dans le seul constantinois. Ces grands seigneurs obtenaient toujours satisfaction malgré l’opposition déclarée des hauts fonctionnaires voire de l’empereur Napoléon lui-même.
Incendies été 1873 :
Eté très sec sirocco ; de gigantesques incendies ravageurs 75.313 ha déclarés attribués directement à la malveillance au complot insurrectionnel ;
Le préfet d’Alger à gouvernement général : « vous supplie d’obtenir du maréchal (Chanzy) mise immédiate de l’Algérie en état de siège »
Préfet de Constantine : « nombreux incendies, sirocco très intense ; nous croyons à une entente des Arabes.
Chanzy répondit : arrêter les coupables partout où la malveillance aura été constatée
Bilan opération : 144 arrestations, 92 non-lieux, 26 condamnations en correctionnelle, 3 en cours d’assises. Deux furent condamnés à mort le troisième à prison perpétuité
Le service des forets est devenu peu à peu une puissance autonome avec un budget très important :
- 900.000 f en 1876
- 2.661250 f en 1892
Animé d’un esprit de corps, il se croyait investi d’une haute mission civilisatrice ; il est en guerre contre la vie pastorale qui selon lui est incompatible avec la civilisation qui finirait ou par chasser les européens d’Algérie ou les assimiler.
Ils sont 758 agents organisés militairement : 3 conservateurs, 28 inspecteurs, 34 gardes généraux, 137 brigadiers, 556 gardes.
- le président de la ligue du reboisement, Trolard, écrivit dans les incendies forestiers en 1892 : « Les trois quarts des incendies sont dus au besoin de pâturage ; On défend à l’Arabe de brûler les broussailles. Comme il ne peut pas laisser ses bestiaux crever de faim et ensuite subir le même sort, il viole cette défense.
Les amendes forestières versées par les indigènes sont faramineuses : 2.833.495 f de 1882 à 1884 ;
Le charbon qui valait 6 à 7 f le quintal leur valait (indigènes producteurs) des amendes 5 à 10 fois supérieures.
Le délit de pacage était de 2 f par mouton, 4 f par chèvre ; les amendes cumulaient et quand elles atteignaient 48.000 francs les gardes proposaient d’y renoncer si les fellahs abandonnaient leurs terres. En plus des sommes comptabilisées, les contrevenants payaient en nature en x journées de travail obligatoire. Un fellah atteignit 5000 francs d’amendes et ne pouvant payer il fut mis en prison où il mourut.
D’imprécision à une autre, l’auteur Christian Phéline, semble jouer sur les mots et nous entraîner dans leur danse, dans sa construction des éléments linguistiques, comme on le voit ci-après.
Doug, le village
Au sud du royaume des Maures, dans l’atlas saharien, le Mons Malethubalus (le mont des ksour), forme la frontière entre les terres fertiles du nord et les immensités désertiques du Sahara. Il est puissant et généreux, densément boisé sur ses hauteurs, gorgé de sources dont les eaux pures vont se perdre dans les lits des oueds qui traversent de nombreuses vallées ou encore échouer dans les marécages disséminés çà et là, sur des centaines de lieues au sud-est. Son altitude dépasse deux-mille-deux-cents mètres et Il est d’accès difficile. Il représente un retranchement idéal, en cas de danger imminent. C’est aussi la frontière entre les terres fertiles du nord et le Sahara, de nombreuses tribus Gétules vivaient. Les chasseurs cueilleurs étaient leurs ancêtres. Ils avaient évolué au fil des âges, depuis la préhistoire, environ quatre à cinq-mille ans, avant notre ère, dans un environnement hostile au milieu de grands fauves et de pachydermes avec lesquels ils se disputaient la vie. Ils avaient en outre laissé à la postérité de mémorables témoignages sur leur existence, qu’ils avaient sculptés sur les roches, au moyen d’outils primitifs, dont l’inventaire exhaustif n’a pas été établi entièrement.
Au nord du bassin-versant, la montagne bleue se dressait majestueuse et imposante, avec des parois raides, favorable à l’ascension, marquée de dépressions abruptes où tombaient, de façon torrentielle, les eaux pluviales de saison. Son sommet, qui dépassait les deux mille mètres, semblait toucher le ciel. Ses bois étaient étagés et plus on montait, plus ils étaient épais et denses, parfois inextricables, par un tapis broussailleux de romarin, d’alfa, de palmiers nains. Le chêne vert, le genévrier et le pin les peuplaient essentiellement et en faible partie le châtaignier, le caroubier et même le pommier sauvage. Son gibier était composé de mouflons, insuffisant cependant pour nourrir tous les grands prédateurs en grand nombre et dont la mobilité rendait la chasse aléatoire.
Sur plusieurs éminences, étaient construits des groupes de tumuli, en dalles, les unes posées sur les autres, qui faisaient huit mètres de diamètre et un mètre et demi de relief. C’étaient des sépultures familiales, comme il y en avait partout dans toute la région ou encore sur les Hauts plateaux et plus au sud. Malgré, ces grandes dimensions, la hauteur des chambres funéraires n’atteignait pas un mètre. Au fil de l’évolution des mœurs du peuple Gétule, elles avaient succédé aux Basina que l’on retrouve dans certains endroits dans le Nord du pays. Les premiers tumuli remontent au troisième millénaire et leur développement avait été réalisé à deux-mille ans avant notre ère, en rapport avec l’accroissement de ces populations et de leur niveau d’émancipation. En effet, il y a vingt-deux-mille ans, toutes ces tribus s’étaient notablement. Elles parlaient leur langue berbère dotée de son alphabet propre et qu’elles partageaient avec l’ensemble des populations de l’Afrique du nord. Néanmoins, l’écriture n’était pas vulgarisée et restait du domaine de quelques érudits ou des rois. C’était le cas, des tribus du Mons Malethubalus dont celle de Doug. Elles sont semi-nomades, semi-sédentaires.
Sur les contreforts de la montagne, sillonnés de talwegs, situés à mille-trois-cent mètres d’altitude, le village Gétule, Doug, s’étendait sur un immense site, d’Ouest en Est. Il comptait plus d’une cinquantaine d’habitations, distantes les unes des autres, alignées sur plusieurs rangées, comme si les concepteurs avaient voulu tracer des boulevards infinis. Leurs matériaux étaient faits de troncs d’arbres, de branches, de roseaux, de terre glaise, de peaux d’animaux sauvages ou domestiques.
Le village se réveillait aux premières aurores, comme à son accoutumée et toute la vie renaissait avec un beau sourire et une promesse de bonheur et de paix. Le soleil sortait lentement de son disque jaunâtre. Ses rayons, sans grande fluorescence, éclairaient à peine l’horizon. Déjà, les chaumières dégageaient les fumées qui s’élevaient vers le ciel en spirales, sans cesse tourmentées par le souffle d’une légère brise. Les sanglots d’un bébé martyrisaient le silence auroral, alors que sa mère dormait du sommeil du juste. Un mari grondait sa femme qui tardait à lui servir son petit-déjeuner. Un vieillard appelait de toutes ses forces sa bru pour l’aider à sortir de la hutte. Les gens se levaient par un grand bruit, toujours pressés à vaquer à leurs occupations.
Le monde animalier, qui apportait ses lots de bienfaits, ne manquait pas à cette grande chorale du petit matin. Les cris troublaient le silence pastoral. Ils se mêlaient, fusionnaient, se confondaient, interprétaient une partition musicale des bêtes : des bœufs beuglaient lugubrement, des brebis bêlaient sourdement, des chèvres chevrotaient tendrement, des chiens aboyaient furieusement, des ânes brayaient à en perdre haleine, des poules caquetaient de façon aigue et prolongée et de temps en temps, des barrissements d’éléphants donnaient l’effroi ou encore des rugissements rauques et craintifs des lions.
Le martyr Sadok El Hadj
Le jeune combattant Sadok El Hadj est né le 5 octobre 1931 à Ain-Sefra, fils de Mohamed Sadok et de Bencherif Zahra. Il n’avait pas eu la chance de fréquenter l’école et dès son adolescence, il était appelé à subvenir aux besoins vitaux de sa famille. Dans sa jeunesse, il était conscrit à faire son service militaire sous les couleurs françaises dans la guerre d’Indochine, comme de centaines de jeunes algériens. Il avait alors 20 ou 22 ans. Il s’était illustré par sa bravoure, son sens de la tactique et de la stratégie. Cependant, lui et ses frères combattaient sans le savoir un ennemi qui luttait pour sa liberté et son indépendance. Avec les combattants, l’occasion était offerte de se poser des questionnements sur cette guerre injuste et beaucoup d’Algériens et de Marocains s’étaient ralliés aux rangs des combattants vietnamiens qui faisaient la guerre pour une cause juste, tandis que les Français faisaient une guerre impérialiste. La défaite de l’armée française à Dien-Bien Phu le 7 mai 1954 sonna le glas au colonisateur français en Indochine qui accéda à son indépendance. C’était une grande humiliation de la France dont les contingents rentrèrent à partir de l’année 1956.
Le jeune appelé Sadok El Hadj rentre alors à Ain-Sefra. Mais sa ville natale est déjà révoltée contre le colonisateur français. Il apprend que beaucoup de ses amis et de cousins ont regagné les rangs de l’armée de libération nationale et sont au Djebel. Son oncle paternel, pour qui il avait une grande admiration, était lui aussi un maquisard. Il rejoint alors les rangs des Moujahidine la même année 1956. Il est alors affecté à la zone 8 Wilaya V dans le mont des Ksour. L’année 1957 se distingue par une importante évolution stratégique. La zone 8 est scindée en deux zones : Huit et Trois. La zone 3 est alors renforcée par deux cents combattants qui la rejoignent aussitôt dont notre glorieux martyr Sadok El Hadj dont votre lycée s’honore d’en porter le nom. La nouvelle zone est alors placée sous le commandement du capitaine Abdelwahab, tandis que la 8 est sous les ordres du capitaine Ben Ahmed Abdelghani. La même année, l’état-major de l’armée de libération nationale crée des commandos.
Le commando
Le commando est une unité légère et autonome, placé sous le commandement d’un aspirant. Il est très mobile et opère sur tout le territoire de la zone qui est très vaste. Cette spécificité requiert de l’endurance aux fatigues à toutes épreuves et un sacrifice à tous les instants. Partout où il opère, il crée la panique chez l’ennemi et lui occasionne d’importantes pertes en vie humaines, en équipements de guerre, tels que les avions. Il s’approprie un appréciable butin de guerre, tels que des fusils, des mitrailleuses, des mines anti-personnelles, des pistolets et des munitions qui sont affectés pour les compagnies de la zone. Il est composé en moyenne de 36 éléments aguerris et expérimentés dans la guerre révolutionnaire.
Le commando III.
Le martyr Saddok El Hadj affecté à la région 4, c’est-à-dire entre Aflou et Laghouat. Il est alors à la tète du commando 3 qui avait donné des craintes à l’ennemi et lui avait occasionné de grandes pertes en vies humaines et en matériel. Il était la terreur des régiments de l’armée française dans un vaste secteur opérationnel situé entre Messaad dans la Wilaya 6 et Aflou dans la zone 3 wilaya V. Ces hommes épais, hors du commun, parcouraient des dizaines de km par jour et accrochaient les troupes ennemies qui à chaque fois enregistraient de grandes pertes. Il forgea sa réputation parmi l’armée française qui lui donna le surnom de « commando fantôme » et à son chef le « commandant je m’en fous ». Sur cette tactique de combat, notre armée était en avance sur l’armée française qui créa finalement en 1959 les commandos dont celui de Georges. Cependant, les commandos français étaient composés de huit à dix éléments arabes. Ils n’étaient pas en outre autorisés à livrer combat à nos unités. Ils identifiaient les positions de nos troupes, télégraphiaient aux hélicoptères et aux avions qui rappliquaient et bombardaient nos combattants.
La dernière bataille du martyr Sadok
Au cours de l’année 1959, le commando III livra deux batailles :
-. Tounza ou Qabeq. Cette bataille est plus connue sous le nom de ksar El Hirane distant de 40 km de Laghouat, plus précisément à oued Mzi. Elle s’était déroulée le 24 mai au lendemain de la bataille de Messaad dans la Wilaya VI de Djelfa. Notre commando de 36 éléments avait accroché à plusieurs centaines de soldats soutenus par les bombardements de l’aviation qui avait largué des bidons de Napalm dont l’utilisation était interdite par les lois internationales de la guerre. La bataille avait duré toute la journée et au soir nos valeureux combattants s’étaient repliés vers une destination sécurisée. L’ennemi était carrément battu et dut appeler des renforts au secours. Notre commando s’était redéployé en deux groupes. Les bombardements aériens étaient intensifs et limitaient l’efficacité de nos Djounoud. Alors, l’un des deux groupes brandit le drapeau français pour tromper l’ennemi, c’est alors que les bombardements aériens cessèrent. En détail, c’était une bataille héroïque qui mériterait bien un film pour mettre en évidence la tactique de nos commandos, sa détermination et son sens élevé du sacrifice.
Le bilan était de 101 tués et plusieurs centaines de blessés parmi l’ennemi qui perdit également deux avions abattus et un hélicoptère endommagé. Nos frères perdirent 5 martyrs et eurent 3 blessés. Parmi eux, on relève le commandant Sadok El Hadj, dit si Benaissa, qui eut d’importantes blessures aux deux jambes, c’est ce qui explique que celles-ci sont nues en photo. Six de nos combattants furent faits prisonniers. Dans la mêlée, le cartable de si Benaissa avait été récupéré par l’ennemi.
- Chaabat Zawouch.
Le commandant Sadok El Hadj reçut les soins nécessaires à ses deux jambes et avait repris les opérations militaires. La période de sa convalescence reste inconnue. Toujours est-il qu’il livra une bataille au mois de novembre. Son commando est alors à Ksar Hiran, au lieu dit Chaabat Zawouch. Il est rejoint par le moudjahed Tayeb Belmagherbi qui formait un commando depuis 6 mois à Aflou. Un agent double vint informer le commandant Sadok qu’une grande force était en route vers leurs positions. Or, Chaabat Zawouch était un terrain nu et plat qui n’offrait pas de rochers de remparts pour se positionner. Selon le même moujahed, l’ennemi avait déployé de très grandes forces, comme celles qui avaient été mobilisées depuis deux ans à Khenag Abderahmane. La bataille, nous dit-il, commença le matin du 11 novembre à 8 heures. Les troupes françaises avaient encerclé nos combattants et faisaient feu de tous les côtés. Les avions B26 bombardaient, les avions de reconnaissance mitraillaient, des bidons de napalm étaient largués. Sur terre, les canons et les chars pilonnaient nos positions. Une guerre aveugle était menée au commando, avec une rare violence et une vengeance inouïe. Ses pertes étaient de 15 martyrs dont Sadok El Hadj, de 10 prisonniers, plusieurs blessés, faits prisonniers, furent achevés. Selon le Moujahed Belmagherbi, seuls 4 commandos ont pu s’échapper à ce déluge de feu.
Oui la vengeance ! L’ennemi a emporté les morts et les blessés à Laghouat. Il les avait exposés sur des véhicules découverts qui faisaient un défilé macabre dans les rues de la ville pour donner un avis sinistre que toute rébellion s’exposait aux horreurs de ses crimes. Puis, il les a entreposés sur la place publique pendant plusieurs jours et Il avait jeté les dépouilles sacrées des martyrs en pleine nature.
Gloire à nos Martyrs ! Vive l’Algérie !
Naama le 17 février 2022
Ahmed Bencherif
Conférence journée du Chahid
Et du chahid Sadok Hadj
Présentée par Ahmed Bencherif
Ecrivain chercheur
Aux lycéens du lycée Sadok Hadj
Sous le haut patronage de Mr
Le directeur de l’Education
17 février à Naama
Notre guerre de libération nationale
Le 1er Novembre 1954 inscrit notre peuple dans l’histoire universelle. Des hommes déterminés et résolus d’arracher notre liberté à la France au mépris de la mort. Ils sacrifient leurs vies, leurs biens, leurs familles pour que revive notre Nation libre et indépendante. Ils sont quelques uns à déclencher la lutte malgré l’inégalité de la puissance de feu avec l’ennemi. L’action armée isolée des débuts est vite remplacée par une insurrection au cours de la grande offensive du 20 aout 1955 dans le Constantinois dont les succès provoquent de graves inquiétudes parmi les autorités civiles et militaires ainsi que la communauté européenne.
Le congrès de la Soummam, tenu le 20 aout 1956, opère une mutation décisive de la stratégie du commandement du FLN et de l’ALN. C’est la guerre révolutionnaire comme choix incontournable. De grands succès sont alors enregistrés sur les champs de bataille par no armée de libération nationale. Ils obligent le pouvoir français à faire une grande révolution dans ses institutions pour gagner la guerre et conserver « l’Algérie française ». Il opère une vaste organisation territoriale civile. En effet, le nombre de trois départements algériens qui existaient depuis 1830 passent en l’an 1957 à dix-sept. Sur le plan militaire, il crée des secteurs et des sous-secteurs qui couvrent toute le territoire national.
Notre guerre de libération est solide, dirigée par un état-major général et un haut commandement des frontières. La France en l’an 1958 est obligée d’augmenter ses effectifs militaires. Elle passe de 106.000 hommes vers 1950 à 800.000 soldats en 1958, augmentés des harkis au nombre de 100.000 et des milices européennes qui étaient de 10.000 éléments en moyenne. De plus, elle construit des barrages électrifiés sur nos frontières : le tracé avec le Maroc faisait 730 km celui de la Tunisie s’étendait sur 350km. Les deux barrages, Morice et Challe, noms des deux généraux concepteurs de ces barrages de la mort qui étaient infestés en millions de mines anti personnelles et antichars. Cette stratégie visait à isoler les maquis de l’intérieur et les priver d’armement, de soins aux blessés, de ravitaillement. Notre état-major va doter nos frontières en armement lourd, soit des canons de longue portée. Il engage donc la bataille des frontières dont le prix était hélas lourd en sacrifices, mais à fort crédit pour notre Révolution qui est désormais doté d’un gouvernement provisoire et qui est représentée dans la majeure partie des pays dans le monde. Donc, c’est la victoire de notre diplomatie sur celle de la France, soutenue par l’OTAN, organisation militaire d’entraide entre les Etats unis d’Amérique et l’Europe de l’Ouest.
Nos soldats étaient appelés des moudjahidines, terme qui dérive du Coran. Cependant, les Français les appelaient les « Fellagas » durant les premières années de la guerre de libération, puis ils les appelaient les Djounoud. Le mot de Fellaga est péjoratif. C’est un mot arabe classique qui veut dire bandit et violeur. Mais à partir de l’insurrection des Ouled sidi Cheikh, les Français qualifiaient ces moudjahidines de « Fellaga ». Ce terme désignait les insurgés des trois pays du Maghreb : Maroc, Algérie, Tunisie. Cette dépréciation du combattant poussa Mohamed Belkheir à la dénoncer dans ses vers. Il dit : « Nous sommes des moudjahidines et cette qualification n’est pas légère ».
Notre peuple a payé le prix lourd en sacrifices pour arracher sa liberté : un million 500.000 de martyrs, des milliers de veuves, de pupilles de la nation, des milliers d’invalides de guerre. Il accède à son indépendance le 5 juillet 1962, après la signature conjointe avec le Gouvernement français et algérien, du le cessez-le-feu du 19 mars 1962, qui est la fête de la Victoire. Notre Etat s’engageait alors dans la bataille du développement et de pérenniser la mémoire de notre combat libérateur. Il était dans l’ordre des choses que l’Etat algérien instituât une journée commémorative pour le symbole de la Nation qui est le Martyr
Le martyr : définition
Le martyr est défini dans toutes les langues selon le lexique propre à chaque nation qui le commémore selon ses traditions ou ses idéologies, pour le fait unique qu’il en fait un symbole apparent. C’est un homme ou une femme de grande conviction mort ou morte pour sa cause ou son idéal. Il écrit l’histoire avec son sang. C’est un témoin de cette idée pour laquelle il ou elle est morte. Son origine est lointaine et remonte d’abord au christianisme qui apparut il y a plus de deux mille ans. A cette époque, la civilisation romaine régnait sur le monde et elle n’accordait pas de place aux religions juive ou chrétienne. Ses empereurs interdisaient aux chrétiens de pratiquer leur religion dont un grand nombre mourut ou fut persécuté pour sa foi. Nous trouvons ici la dimension de la persécution que subissait l’homme de religion. C’étaient des atrocités physiques exercées sur son corps, qui étaient de véritables tortures qui engendrent des mutilations ou la mort. Il aura fallu attendre l’an 307 de notre ère, date à laquelle les trois empereurs romains décrétèrent un Edit par lequel les chrétiens étaient autorisés à pratiquer librement leur religion.
L’islam qui apparut en l’an 606 reprit aussi ce sacrifice. En effet, le Coran donne un rang élevé au martyr qui meurt pour sa religion. La nouvelle religion va donner un sens concret et courant au martyr qui est recherché en masse par les croyants. En effet, tous sont subjugués par la félicité supérieure d’accéder au paradis en espérant sacrifiant leur vie pour les intérêts supérieurs de l’islam. Cette nouvelle religion a pour vocation l’universalité et elle fait de l’homme le vicaire de Dieu. C’est ce qui explique sa diffusion rapide à travers l’Asie et l’Afrique du Nord en premier lieu, puis en Europe, notamment en Espagne. L’islam était véhiculé par la langue arabe et il ne tarda pas à rayonner sur le monde par ses propres apports à la civilisation. Il développa les sciences et les arts. Cette avancée créait des remous au sein du monde chrétien très arriéré qui entreprit alors de combattre l’islam par des guerres de religion, notamment la guerre des Croisades au XI siècle.
Jusqu’ici, le sacrifice était consenti pour la religion. Néanmoins, la cause allait être changée au dix-neuvième siècle avec l’apparition de l’Etat nation et de façon générale le phénomène des nationalités. Après la démocratisation de la société, l’homme devient citoyen et son allégeance est proclamée pour sa patrie. Enfin, l’homme pouvait mourir pour sa patrie et non pas pour son souverain. L’Algérie n’était pas restée en dehors de ce processus. En effet, elle devait recouvrer de nouveau sa souveraineté nationale, spoliée par le colonisateur français le 14 juin 1830. Au terme d’immenses sacrifices consentis par le peuple algérien au cours de ses longues années de résistance armée, puis de lutte politique, la guerre de libération nationale s’était imposée le 1er Novembre 1954. Donc le combattant se sacrifie pour sa patrie. Il est qualifié à la forme originelle de Moujahed et pour la félicité supérieure de Chahid. Ces deux termes ne sont pas distants de la définition religieuse, en ce sens que l’islam se l’approprie.
Si tôt la victoire obtenue pour une cause donnée, le peuple devait nécessairement se souvenir et honorer ses martyrs. Cette manière est célébrée différemment d’une nation à une autre. Pour les pays occidentaux qui avaient fait des guerres impérialistes, les Etats en question érigeaient des monuments aux morts appelés monuments du soldat inconnu. Pour notre pays, une autre manière était conçue pour glorifier nos martyrs.
Glorification de nos martyrs
Dès l’indépendance le 5 juillet 1962, le pouvoir algérien ou plus précisément les chefs de la Révolution algérienne avaient conçu de glorifier nos martyrs dans un carré des martyrs sis au cimetière d’El Aliya à Alger. C’est là que reposent les cendres d’un nombre limité de grands martyrs ou de leaders algériens. Une cérémonie de recueillement est faite lors des fêtes nationales du 1er Novembre et du 5 Juillet, le 20 Aout et depuis 1992, du 18 février. Le chef de l’Etat et une délégation du Gouvernement, du FLN, des autorités supérieures militaires et du Mufti y déposent une gerbe de fleurs, dans l’air de l’hymne national de Qassamen et de récitation du verset qui félicite les martyrs. Ce recueillement n’est pas exclusif à la capitale. Il est généralisé à travers tout le pays, dans chaque chef lieu de commune, de daïra, de wilaya.
Ce rituel dura jusqu’en 1982, date inaugurale du Monument aux martyrs Maqam Chahid sis à riyad El Feth sur les hauteurs d’Alger. C’est un grandiose édifice intégré et composé de : musée de l’armée populaire nationale au sous-sol, du musée du Moujahed, d’un centre commercial, d’une esplanade de loisirs pour les visiteurs. Le monument est constitué de trois palmes qui se rejoignent à mi-hauteur et fait 92 m de hauteur. Sur son esplanade, trois statues sont édifiées : le résistant populaire contre l’agression française, le Moujahed avec son costume civil, le soldat de l’armée de libération nationale, le soldat de l’armée nationale populaire. Les chefs d’Etat étrangers en visite en Algérie y sont conduits pour un recueillement et visitent les musées du Moujahed et de l’ANP. C’est une fierté nationale que véhicule le serment fait aux martyrs. Cependant, elle n’est pas exclusive à l’Algérie, mais elle est ressentie par toutes les nations du monde. Elle conserve un caractère universel, du fait de la mondialisation de la mémoire. C’est ce qui explique aussi l’existence de cimetière aux martyrs dans toutes les villes du pays.