Conclusion
Les relations du Maroc avec les puissances européennes n’avaient jamais été durables. Elles furent nouées ou dénouées en fonction des guerres que se livraient ces mêmes puissances entre elles-mêmes. Les sultans tenaient à rester dans un isolement avec les autres Etats de l’Afrique-du-nord et de l’Europe. Ils craignaient, comme nous l’avions évoqué plus haut, une ouverture sur le monde, qui selon leur perception des choses, aliénerait leur indépendance et saperait leur autorité. De plus, ils refusaient l’émancipation de leurs populations, qui acterait leur libération de l’esclavage dans lequel elles étaient soumises depuis des siècles de cet empire. A propos d’empire, des voix marocaines se targuent que leur pays en fût un. Il en était non pour son importance et sa grande superficie qui était de de 300.000km2, mais pour les quatre ou cinq petits Etats qui le formaient, chacun de la taille d’une province.
Sa capitale avait été successivement Marrakech et Fez. Cette dernière avait été choisie par les chérifiens Alaouites. Ils refusaient l’implantation des Légations et leurs représentants dans leur capitale qu’ils préféraient activer à Tanger. C’était certainement une aberration. Pire, les sultans avaient toujours cette phobie de l’élément étranger qui introduirait sans coup férie de nouvelles idées de bien-être, de libération des échanges commerciaux, de diffusion de l’instruction publique etc…
Le premier sultan qui commençait à s’intéresser à cette civilisation européenne était le jeune sultan Abdelaziz au début du vingtième siècle, en tenant la compagnie de quelques initiateurs des puissances étrangères. Il faillit perdre son empire et fut, de ce fait, obligé de les renvoyer. Sa capitale, Fez, était sur le point de fomenter une rébellion contre sa monarchie.
A l’intérieur du pays, c’est le perpétuel recommencement des guerres pour le pouvoir entre les prétendants, le pillage et le brigandage à large échelle et de grande nuisance. C’était l’insécurité pour tous, souverains comme sujets. Pourtant, le pays ne manquait pas d’intérêt pour les puissances européennes. L’Espagne et la France en étaient des pays frontaliers ; l’Allemagne et la Grande-Bretagne commerçaient avec lui et bien d’autres encore. Le détroit de Gibraltar lui donnait toute cette sollicitude. Il était le plus fréquenté au monde et de ce fait, les nations se surveillaient les unes les autres.
Cependant, la France, plus que les autres puissances, portait un intérêt majeur pour le Maroc. L’Algérie, colonie française, était aussi une destination favorite pour le Maroc. En effet, elle était représentait pour ce royaume un gros marché de travail. Chaque année, trente mille travailleurs marocains y venaient pour moissonner et vendanger. En cas de luttes intérieures, cette main-d’œuvre ne pourrait pas venir travailler. De ce fait, la question de la pénétration du Maroc était posée et il avait fallu négocier avec toutes ces puissances qui y avaient de gros intérêts. Il fallait aux négociateurs français de dissuader chacune d’elles de s’y installer. Le cas échéant, la France algérienne serait en péril et pour la défendre contre quatre millions d’indigènes algériens, il aurait fallu y déployer des troupes de deux-cent-mille hommes, ce qui serait un péril national, selon l’auteur de ce texte, M Peyreigne. Dans ce sens, M Delcassé déclarait le 12 avril 1904 :
« Le Maroc placé sous notre influence, c’est notre empire du Nord de l’Afrique fortifié ; soumis à une influence étrangère, c’est pour le même empire, la menace permanente et la paralysie ».
L’anarchie croissante dans le sultanat avait influé négativement sur les échanges franco-marocains dont le montant avait régressé sur quatre années consécutives : seize millions en 1901, onze millions en 1902, dix millions en 1903, sept millions en 1904.[1]
En conclusion, la France jugea urgent de s’engager dans une voie pour instaurer un protectorat au Maroc, pays arriéré dont les populations vivaient quasiment à l’état barbare et dont les sultans se préoccupaient essentiellement de préserver leur trône, en mettant toujours en avant leur statut de chérifs, détendeur du pouvoir spirituel que craignaient leurs sujets. Moulay Ismail, qui gouverna en tyran pendant, cinquante ans, disait à ses victimes qu’il tuait ou dépouillait, qu’elles iraient au paradis et cela fonctionnait dans l’esprit de cette communauté archaïque, élevée dans la haine du chrétien, l’impie.
C’est le dernier article de cette série ‘les influences européennes’. Nous allons entamer la conquête du Maroc et sa soumission au protectorat par la France.
[1] Peyreigne’Les influences européennes page 171’