Ahmed Bencherif
Ecrivain chercheur
Conférence à la maison de la Culture
Abdelkader Alloula Tlemcen
Samedi 27 mai 2023 à 14 heures
Thème : la grande bataille de la Macta
La société algérienne au premier quart du XIX ème siècle
Le caractère tribal de la société algérienne persiste et le domaine agricole privé très limité n’a pas permis la fondation d’une bourgeoisie nationale encore moins des propriétaires féodaux. Cet état économique laissait le pouvoir entre les mains du divan de la république militaire algérienne.
Les communautés sont Kabyles Zouaouwa, Kabyles, Arabes, Maures d’Andalousie, Coulougli, Turcs. Mais il existe une excellente cohabitation entres ces groupes ethniques, cimentée par la religion commune, l’islam.
Au niveau sociologique, il existe deux genres de tribus :
-. Les tribus Makhzen. Elles sont puissantes, guerrières, riches. Elles occupent les plaines. En période de paix, elles perçoivent l’impôt sur les autres tribus qui leur sont attachées, qu’on appelle : Raya ( sujets). Elles-mêmes ne paient pas d’impôt. En temps de guerre elles sont mobilisées contre l’ennemi extérieur ou pour réprimer une rébellion intérieure, ou encore soumettre une tribu non soumise. Elles sont les auxiliaires de la petite armée turque. En fait, elles forment le gros de l’armée. Elles sont parfaitement connues par le divan. On peut citer un exemple les Douers et les Smélas.
-. Les tribus Raya. Ce sont des sujets soumis à l’impôt. Elles sont pauvres et non armée en général, très peu nombreuses. Elles ne possèdent pas de cavaliers ni d’armes à feu. En cas de danger, elles sont protégées par le pouvoir ou les tribus Makhzen.
La puissance d’Alger réside dans sa marine de guerre redoutable, invincible. Elle possède plus de 35 vaisseaux et généralement ce chiffre baisse rarement.
L’effectif de l’armée turque est de 12.000 hommes et parfois, en temps de paix, ce chiffre descend jusqu’à 3.500 hommes. Elle est réservée aux Turcs d’origine, après qu’elle eût incorporé dans ses rangs des Maures et des Coulougli, par crainte de perdre le pouvoir.
Le pouvoir turc s’appuyait aussi sur les confréries religieuses ou les familles maraboutiques. Sans les tribus Malhzen, le Pouvoir turc n’aurait pas duré cette longue période, d’autant que les révolutions du peuple étaient courantes.
Le corps expéditionnaire se compose :
1. l’armée de terre se chiffrait à 37.551 hommes et 4.008 chevaux. Le parc de siège est composé de 82 pièces de gros calibre, 9 mortiers.
2. La flotte de guerre se composait de 20 vaisseaux, 24 frégates et 70 bâtiments ; la flotte de transport est formée de 500 navires pour le transport des troupes et du matériel, des munitions et des vivres pour deux mois.
Le corps expéditionnaire est réparti en 3 divisions :
1. La première division sous les ordres du général Berthezène, elle-même fractionnée en 3 brigades sous les ordres des généraux Poret de Morvan, baron Achard, baron Clouet ; colonel Brossard, chef d’état-major de la division.
2. La deuxième division sous les ordres du lieutenant général du comte de Loverdo, elle-même fractionnée en 3 brigades ; la première sous les ordres Danrémont, Munck d’User, Colomb d’Arcines ; colonel Jacobi, chef d’état-major de la division.
3. La troisième division sous les ordres du lieutenant général duc Des Cars, elle-même fractionnée en 3 brigades, sous les ordres des généraux vicomte de Berthier, baron Hurel, comte De Montlivaut ; colonel Pétiet , chef d’état-major.
Le 14 juin 1830, cruelle mémoire
Le 14 juin 1830, c’est l’agression contre Alger par le corps expéditionnaire sous le commandement du général de Bourmont. Alger, la citadelle hier encore imprenable, tombe aux mains des Français. C’est la chute du pouvoir des Turcs. Le dey Hocine capitule le 5 juillet et il lui est permis par le commandement militaire français de regagner la Turquie en emportant sa fortune estimée à quatre millions de francs.
Soucieux de préserver son pouvoir et ses intérêts, le bey d’Oran, Hassan, sollicite l’appui de Mahiedien qui va à Guetna tenir un conseil de tribu pour étudier la proposition du bey. Les membres sont unanimes pour aider le bey à préserver son pouvoir. Mais Abdelkader s’insurge et dit qu’il n’y avait pour sa famille aucune certitude pour protéger le bey Hassan contre le ressentiment général de la population dont il faisait l’objet. Il ajoute qu’un autre motif s’oppose à donner l’asile au bey Hassan : donner l’asile au représentant d’un gouvernement tyrannique méprisé et exécré serait considéré par les Arabes comme une approbation de sa conduite passée. Aussitôt mieux éclairés les membres du Conseil se rangèrent de l’avis d’Abdelkader.
Oran
Le 4 janvier 1831, le général Danrémont entre à Oran et le dey Hassan s’embarque pour Alexandrie. L’anarchie règne alors sur fond de brigandages les haines et les rancunes ravivent les passions
Le cheikh Mahiedine, père d’Abdelkader, organise la défense
Abdelkader se distingue sous les ordres de son père dans les confrontations du 3 et 7 mai, 16 et 23 octobre, 10 et 11 novembre de l’année 1831, sous les murs d’Oran. Abdelkader pieux, élégant, intrépide cavalier, habile dans les exercices du corps. Dans la rencontre du 7 octobre, chargeant jusqu’au milieu des lignes ennemies, il faillit être prisonnier et son cheval avait reçu sept coups de baïonnette. Sous le feu terrible, il réussit à ramasser son neveu si Tayeb blessé.
Mahiedine est sollicité pour son investiture de sultan, il refuse. Sollicité encore une fois le 22 novembre 1832, il concède et consulte son fils Abdelkader qui répond : « le livre de la foi à la main et si la loi me l’ordonnait, je ferais moi-même une saignée derrière le coup de mon frère ». « Voici le sultan annoncé par le prophète. C’est le fils de Zohra. Obéissez-lui comme vous obéissez à moi, dit le pieux Mahiedine ».
La puissance d’Abdelkader est précaire. Il est nommé par trois tribus seulement, et il ne possède pas d’argent, qui est le nerf de la guerre. Il avait seulement trois pièces de 3 boudjous (3,50 francs) qu’il gardait dans un pan de son burnous. Pourtant, Il allait faire face aux dépenses d’un gouvernement régulier et à triompher de la résistance des chefs rivaux qui se disputaient la province d’Oran. Mascara lui fait allégeance et il en fait sa capitale.
Du côté français et sur la courte période 1831-1832, il y eut un mouvement des généraux de la division d’Oran, tous incapables de sortir des murs de la ville et dont les troupes rationnaient les vivres par le fait des difficultés de ravitaillement par terre. Car les tribus enveloppaient en permanence la ville. Quant au ravitaillement par mer, il durait plus de deux mois. Au général Damrémont avait succédé, en avril 1831, le général Faudois. Celui-ci est remplacé par le général Boyer surnommé le cruel.il est à son tour remplacé par le général Desmichels le 23 avril 1833. Celui-ci passe à l’action et lance des offensives sur Arzew et Mostaganem qu’il occupe.
L’année 1833 vit une série d’attaques de l’émir dont celle de Mostaganem. Les soldats de l’émir dépourvus de canons munis de pioches et à découvert défoncent les murs de la ville. Dans le courant de la même année, l’émir s’empare de la ville de Tlemcen triomphant et chassant le khalifa ben Nouna du sultan Moulay Abderahmane. Désormais, il a deux points d’appui : Mascara et Tlemcen.
Le général Desmichels est maitre de la ville d’Oran à l’intérieur des murs de celle-ci, qui est de plus constamment sous les attaques d’Abdelkader. Il est presque prisonnier dans sa propre garnison, privé de ravitaillement et le risque de sortir razzier les tribus limitrophes n’est pas sans danger. Il doit en priorité faire nourrir ses hommes de troupe. Pour atteindre cet il a un besoin pressant de paix. Aussi, il tente une négociation avec l’émir. Ce sera le traité Desmichels.
Le traité Desmichels
« Traité de paix (Traité Desmichels). Le Général commandant les troupes françaises
dans la province d’Oran et l’Émir Abdel Kader ont arrêté les conditions suivantes :
ARTICLE PREMIER. — A dater de ce jour, les hostilités entre les Français et les Arabes cesseront. Le Général commandant les troupes françaises et l’Émir ne négligeront rien pour faire régner l’union et l’ami lié qui doivent exister entre les deux peuples que Dieu a destinés à vivre sous la môme domination. A cet effet, des représentants de l’Émir résideront à Oran, Mostaganem et Arzew ; de même que, pour prévenir toute collision entre les Français et les Arabes, des officiers français résideront à Mascara.
ART. 2. — La religion et les usages musulmans seront respectés et protégés.
ART. 3. — Les prisonniers seront rendus immédiatement de part et d’autre.
ART. 4. — La liberté du commerce sera pleine et entière.
ART. 5. — Les militaires de l’armée française qui abandonneraient leurs drapeaux seront ramenés par les Arabes. De même, les malfaiteurs arabes qui, pour se soustraire à un châtiment mérité, fuiraient leurs tribus et viendraient chercher un refuge auprès des Français, seront immédiatement remis aux représentants de l’Émir, résidant dans les trois villes maritimes occupées par les Français.
ART. 6. — Tout Européen qui serait dans le cas de voyager dans l’intérieur sera muni d’un passeport visé par le représentant de l’Émir à Oran et approuvé par le Général commandant. ».
Le 26 février 1834
Incidences du traité Desmichels
Cependant le général crut à un succès et rendit compte avec un orgueil distingué à son gouvernement. Il se met en valeur dans les lignes suivantes :
« Je vous annonce la soumission de la province d’Oran, la plus considérable et la plus belliqueuse de la Régence. Ce grand événement est la conséquence des avantages qui ont été remportés par les troupes de la division. »
Le traité envoyé à Paris reçut un accueil froid. Sa validation n’a pas suivi la ratification habituelle parla voie parlementaire. Le gouvernement autorisa le général à signifier par écrit à Abdelkader que le roi avait approuvé le traité.
En clair, Abdelkader est libre d’agrandir son royaume et d’y intégrer les tribus de gré ou de force afin de détruire leur sentiment d’indépendance et leur donner en échange le sentiment national nécessaire à la résurrection de la nation algérienne. Il est conscient de cette mission noble et ardue et il entreprend de la réaliser en organisant son administration naissante. Il n’a pas non plus l’intention de se confiner dans les limites territoriales de la province d’Oran. La sécurité de la province d’Oran donnait à réfléchir aux tribus qui n’y dépendaient pas et qui étaient exposées aux raids des coupeurs de route ou de razzias de l’armée d’Afrique (française). C’est ainsi qu’une délégation des tribus du Titteri vint à Mascara voir l’émir et lui proposer de dépendre de son commandement. Il va en effet annexer de nouvelles tribus, de nouveaux territoires. Donc, Abdelkader a un projet national à mettre en œuvre. Toutes les tribus d’Algérie apprécient l’ordre et la sécurité que l’émir Abdelkader a instaurée.
Abdelkader combat aussi les tribus le long du Chélif dont il triomphe et crée deux khalifats Mohamed El Berkani à Médéah et El HADJ Mahi Esseghir à Meliana après avoir battu si El Aribi et hadj Moussa un marabout du désert qui s’était emparé de Médéah. Le traité Desmichels ne lui imposait aucune limite territoriale.
Violation unilatérale du traité de paix
L’émir Abdelkader envoie une copie du traité Desmichels au gouverneur général, le général Drouet d’Erlon. Celui-ci prend connaissance pour la première fois de la dite convention, quand il constate que le souverain arabe ne reconnait pas l’autorité de la France. Il prend une colère vive et requiert instamment le rappel du général Desmichels qui est remplacé par le général Trézel qui prend le commandement de la division d’Oran en février 1835. Le gouverneur général et le général Trézel sont tous d’avis pour modifier le traité Desmichels et obliger l’émir Abdelkader à reconnaitre l’autorité de la France et en être le vassal.
Trézel avait violé le traité Desmichels en commettant une razzia sur la tribu Hachem Ghraba, à laquelle appartient l’émir Abdelkader. Le général n’ignorait pas ce lien de parenté. Il avait fait faucher leurs moissons, piller leurs tentes. Abdelkader avait été mis au courant. C’est en clair une violation flagrante du traité de paix. C’est l’affrontement que recherchait aussi l’émir Abdelkader. C’est la grande bataille de la Macta.
La bataille de la Macta
Position géographique, indication approximative
Les marais de la Macta sont situés à 15 km au nord-ouest de Mostaganem et débouchent sur la plaine de l’Habra. Ils sont gardés par les monts Beni Chougrane au nord-est et les monts Tessala au sud-est. Le bassin versant fait une superficie de 14.390 km2. L’oued Sig est dans leur voisinage.
Les forces
L’émir déploie sur les rives de la rivière Sig, dans sa direction, 2.000 cavaliers, 800 fantassins. Mais des renforts étaient arrivés de Tlemcen dont on n’a pas les chiffres hélas.
2. Le général Trézel sort le 26 juin 1835, à la tête d’une colonne de 5.000 fantassins, un régiment de Chasseurs d‘Afrique, quatre pièces de montagne, vingt voitures de ravitaillement, un grand nombre d’ambulances.
II. Relation
Les Douers et les Smélas veulent commercer avec la garnison d’Oran, en échange de leur protection et du coup échapper aux exigences de l’émir qui leur avait enjoint de quitter les environs d’Oran pour s’installer du côté de Messerguine et chargea son agha Al Mazari d’exécuter cet ordre. Les deux tribus refusent et obtiennent la protection du général Trézel qui les reçut le lendemain au camp du Figuier et conclut avec eux une convention de protection en échange de leur vassalité et de ravitailler la garnison en denrées alimentaires et en bœufs. Le général vient camper sur les bords du ruisseau Tlelat et envoie une sommation à l’émir pour cesser d’inquiéter ces deux tribus vassales. L’émir répond qu’il reprendrait les deux tribus passées sous le drapeau français et il les réintégrerait à son commandement. Il appela des contingents à se réunir au Sig. La guerre éclatait de nouveau le traité Desmichels était rompu.
Le général Trézel sortit le 26 juin 1835 à la rencontre des contingents de l’émir. Il disposait d’un régiment de cavalerie qu’il morcela en trois parties :
-. Deux escadrons forment l’avant-garde.
-. Deux escadrons aux flancs du convoi.
-. Deux escadrons ferment l’arrière-garde.
L’infanterie est aussi morcelée et le général Trézel n’en plaça pas assez pour soutenir la tête de sa colonne.
Au matin du même jour, la colonne est à peine sortie du taillis de Mouley Ismail, qu’est elle prise d’assaut par des combattants de l’émir, fantassins et cavaliers. La colonne du général Trézel panique sous l’effet de la surprise et la violente charge armée. Son avant-garde se rabat sur la colonne. Les Modjahidine poussent la colonne, attaquent le convoi, isolent un bataillon. Trézel réagit, enlève une partie de son arrière-garde et la déploie à l’avant du convoi. Les combats sont durs, furieux, rapides. Les Moudjahidine marquent un temps d’arrêt pour mieux continuer la bataille. L’ennemi en profite pour ramasser ses blessés et ses morts dont le colonel Oudinot.
Un dilemme se pose au général : continuer la lutte, ou battre en retraite dans de bonnes conditions. Le général accorde un repos à ses soldats, qui dégénère en récréation.
Le général marche vers le Sig, y arrive vers la fin de l’après-midi. Des Moudjahidine campent à proximité. Le général se leurre et essaie de leurrer l’émir qu’il somme à reconnaitre l’autorité de France. L’émir sait qu’il est victorieux, sinon en position de force. Il refuse fièrement. Il sait que la garnison d’Oran est à sa merci pour son ravitaillement et que la ville elle-même est enveloppée par ses contingents. Le général est en perte de confiance avec ses soldats. Sa colonne marche toute la journée du 27 sur le Sig et le lendemain, elle marche vers Arzew.
Les troupes de l’émir la pourchassent sur une plaine qui finit à l’intersection de deux routes, l’une, les collines de Hamyan et, l’autre, les gorges de l’Habra. La première est plus facile à traverser, en ce sens qu’elle est découverte. La seconde est abrupte.
Trézel opte pour les gorges de l’Habra. L’émir envoie un millier de cavaliers, portant les fantassins en croupe, qui se déploient sur le défilé au moment où la colonne française s’y présente à l’endroit où l’Habra quittant les marais, prend le nom de la Macta.
Le général Trézel ne veut pas dégarnir son ordre de retraite pour contenir les Moudjahidine sur les hauteurs. Cette faute stratégique lui coûte très cher. Il envoie seulement deux compagnies pour balayer les collines. Mais les Moudjahidine les repoussent et les obligent à rester dans la vallée. Ils attendent le passage du convoi qui s’engage dans les gorges. Ils le prennent d’assaut. L’arrière-garde de la colonne française ne cherche pas à défendre le convoi, mais elle court à droite pour se réunir à la tête de la colonne.
Plusieurs voitures sont dépouillées de leurs charges et leurs blessés sont achevés, alors que d’autres sont entrainées dans les marais par leurs conducteurs épouvantés. Ces derniers arrêtent leur fuite sous la menace armée du maréchal de logis Fournier qui parvient à sauver 20 blessés seulement. Le désordre de la colonne française est entier, le nombre de victimes entre morts et blessés est incalculable.
Le champ de bataille est désolant par ses cris, ses râles, ses corps défigurés, gisant partout, telle une vision apocalyptique. Une partie des soldats français escalade difficilement et pêle-mêle sur un mamelon autour d’une pièce d’artillerie qui tonne désespérément sans effet. Elle est aussitôt attaquée par les Moudjahidine. Elle est isolée du reste de la colonne et tente de résister à mort. Quelques-uns de leurs chefs les convainquent à descendre du mamelon et à rejoindre la seconde partie qui a pu s’échapper et cherche la route d’Arzew au milieu du désordre général et elle ne parvient pas à la trouver.
Trois ou quatre officiers, Bernard, Allaud, Pastoret, Maussion, ont formé une petite arrière-garde composée de 40 chasseurs, 50 soldats de toute arme, soutenue par l’artillerie. Elle tente désespérément de contenir les assauts des moudjahidine. Mais elle est décimée. La colonne rentre à Arzew, après avoir marché 16 heures et combattu 14. Le général Trézel trouve un renfort sous les ordres du commandant Lamoricière, secondé par les capitaines Cavaignac et Montauban. Il rentre à Oran avec une petite troupe par mer.
Le bilan
-. Du côté français :
Les pertes françaises sont : 280 tués, 500 blessés, 17 prisonniers ; perte d’un canon, des caissons à munitions, des voitures d’ambulance. Comme il est traditionnellement connu aux armées en guerre, le chiffre réel des pertes est gardé secret. Elles donnent un chiffre 4 à 5 fois moins que le véritable chiffre. Nous pouvons avancer, sous toute réserve, que selon ce désastre militaire français à la Macta, le chiffre de 1.000 morts n’est pas à écarter.
-. Du côté des Moudjahidine :
Nos longues recherches n’ont pas aboutit à donner un résultat des pertes. Certains auteurs français disent « Bezzaf », soit beaucoup. Mais ce beaucoup est indéchiffrable.
Le choc
Ce fut le désastre militaire, une défaite cuisante dont le choc est terrible pour la France réputée de grande nation guerrière dont les généraux sont formés dans les académies militaires, dont l’industrie de l’armement est à la pointe du génie industriel universel. L’opinion publique, la classe politique, le parlement en sont scandalisés. Tous réclament des sanctions vigoureuses, des enquêtes, la vengeance. Le premier à en souffrir est le général Trézel. Il fut immédiatement relevé et remplacé par le général d’Arlanges. Au gouverneur Drouet D’Erlon, succède le maréchal Clauzel, secondé par le fils du roi.
Au parlement, les débats sont houleux et le député M Thiers hurle vigoureusement :
« Ce n’est pas de la colonisation, ce n’est pas de l’occupation à une large échelle, ce n’est pas de l’occupation à une petite échelle, ce n’est pas la paix, ce n’est pas la guerre. C’est de la guerre mal faite ».
Le maréchal Clauzel arrive le 10 aout 1835 avec deux grands desseins : l’extension de la puissance, la destruction de Mascara. Il a pour mission de détruire Mascara, pour assouvir les soifs de vengeance des états-majors et de l’opinion publique.
Cette grande bataille aboutit à deux évènements majeurs :
-. Le premier est dramatique. C’est l’agression de Mascara par la colonne du maréchal Clauzel et du prince héritier, qui l’avait pillé et détruit de fond en comble et que l’énergique émir Abdelkader rebâtit entièrement.
-. Le second est heureux. Il conduit à la conclusion du traité de la Tafna du 30 mai 1837, qui reconnait la souveraineté de l’émir Abdelkader sur la province d’Oran et la province du centre, à l’exception des grandes villes, soit à peine deux ans après le désastre français à la Macta.
Bibliographie
Charles Henry-Chrchil ‘la vie d’Abdelkader’
Boualem Bessaih ‘L’émir Abdelkader
Alfred Nettement ‘ histoire de la conquête d’Alger
Henri De Grammont ‘histoire d’Alger sous la domination turque
Tlemcen le 27 mai 2023
Ahmed Bencherif
Ecrivain chercheur
République Algérienne Démocratique Populaire
Ahmed Bencherif
Ecrivain conférencier
président section union
des écrivains algériens
Président du Colloque
International Isabelle Eberhardt
A
Monsieur le Président de la République
Direction du Cabinet
El Mouradia Alger
Mémorandum / Isabelle Eberhardt
Il était logique et naturel de m’intéresser tôt à une Ecrivaine qui avait abandonné les douceurs du climat, le luxe et toutes les commodités de la vie dans son pays natal, la Suisse, la religion de ses aïeux, les titres de noblesse de la Russie tsariste pour venir au début du vingtième siècle en Algérie, subir les rigueurs du climat, connaitre la misère, côtoyer les maladies épidémiques, se travestir en homme, tenue en suspicion par les colons et les autorités coloniales, vivre parmi le peuple algérien, dit indigène, dont elle plaidait la misère, l’ignorance, les oppressions du colonisateur français. Elle avait abandonné tant de choses qui sont de nos jours tant convoitées par les pays en voie de développement. Et quelles en étaient ses raisons ? Elle avait déjà aimé dans son jeune âge l’Algérie, elle avait appris la langue arabe et la religion musulmane en correspondant avec Abou Nadhara, un exégète islamique égyptien qui vivait à Paris. Elle avait suivi sa mère Nathalie de Moeder qui était convertie à l’islam et vivait à Annaba où elle est enterrée dans le cimetière musulman de Zaghouwana de cette même ville.
Il était aussi logique et naturel que je m’intéressais tôt à une écrivaine noyée dans les crues violentes et gigantesques de l’oued Breij à Ainsefra le 21 octobre 1904, à l’âge de vingt-sept ans seulement et pour laquelle mon grand-père, si Mostefa, avait officié la prière du mort au cimetière musulman de sidi Boudgemaa. Qui était ce personnage ? Il était lui aussi un exégète, recteur de la zaouïa taybiya, imam de la mosquée antique de la ville. Donc c’était un soufi qui prônait la tolérance entre les religions, entre les ethnies. Cela n’empêchait pas la société de vivre dans un mode conservateur et humaniste, la main tendue au prochain. A la mort d’Isabelle Eberhardt, le général Lyautey, chef de la subdivision militaire d’Ainsefra, avait voulu enterré cette dernière dans le cimetière chrétien. Néanmoins, le recteur si Mostefa et des notables allèrent lui rappeler que cette femme était de confession musulmane et qu’à ce titre, elle devait être enterrée ,dans le cimetière musulman. Le général Lyautey qui avait beaucoup d’estime pour cette écrivaine à la plume engagée s’inclina et demanda à ses plaignants de créer un cimetière à sidi Boudfgemaa, au sommet des dunes, sur la rive nord de l’oued et de l’y ensevelir, d’autant que le cimetière du ksar ne disposait pas assez de carrés pour d’autres enterrements. C’est ce qui a été réalisé et Isabelle était le premier mort à y être enterré.
Toutes ces raisons m’avaient amené à aller sur les pas d’Isabelle Eberhardt pour lui rendre hommage et honorer sa mémoire et l’accepter à titre posthume parmi nous, comme l’avaient fait nos aïeux. Nous étions, des amis et moi-même, conscients de notre devoir d’abord humain, envers cette femme dont les restes sacrés reposaient parmi nous et qui n’avait ni parents, ni proches pour venir la bénir sur sa tombe. Cependant, nous étions loin d’imaginer que nous allions soulever la colère de l’Etat par la voie du parti unique en 1983, date où nous voulions organiser une rencontre littéraire autour de ses œuvres et lui rendre un ultime message. La réponse du Commissariat national du Parti était un refus catégorique, en alléguant que cette écrivaine était une espionne, ce qui était une aberration, puisque ces messieurs étaient les moins cultivés en culture générale et avaient opposé leur véto sur la base d’une rumeur qui trainait du vivant d’Isabelle Eberhardt. Or cette rumeur avait été diffusée par les colons qui la haïssaient et ne se lassaient pas d’interpeller les autorités coloniales pour l’expulser, en avançant qu’elle était espionne pour le compte de la Russie tsariste aux dépens de l’Etat français. Elle fut en effet expulsée en France et là son aimé, un Slimane Henni, ancien spahis, l’avait rejointe et l’avait épousée. Leur communion avait été officiée à la mairie de Marseille. Puisque son mari avait la nationalité française et de ce fait elle y avait accédé également ce qui lui avait permis de retourner en Algérie.
Ma vie professionnelle m’avait longtemps éloigné de ce projet citoyen de ma ville natale Ainsefra. Cependant, mon statut d’écrivain m’ouvrit grandes les portes pour activer sur le plan culturel, historique, littéraire dans les années deux-mille-dix et en 2015, je créais le bureau de wilaya des écrivains algériens dont je suis toujours président. Cette mission nouvelle me permit d’entreprendre le projet qui tient au cœur des citoyens cultivés d’Ainsefra ou tout simplement des gens lambda amoureux d’isabelle Eberhardt. En effet, il m’avait fallu trois années de lutte harassante pour convaincre les autorités gouvernementales et présidentielles pour obtenir le premier colloque international Isabelle Eberhardt, subventionné par le ministère de la Culture et sous le patronage de Monsieur le Ministre du secteur en question. Nous l’avions organisé le 9 octobre 2016 à la Bibliothèque nationale Hamma Alger. Des professeurs, des critiques et des historiens avaient donné des conférences de haut niveau. Monsieur le ministre de la Culture devait y assister, mais empêché il avait désigné Madame Akab, directrice de la coopération internationale au même ministère. Les ambassadrices de la Suisse et de l’Autriche nous avaient également honorés de leur présence. Ce grand évènement avait enregistré le succès de l’avis de Monsieur le ministre, venu en visite officielle à Naama dans les mois qui avaient suivi cet évènement. Il nous informa également que le colloque était institué et m’invita en ma qualité de président du colloque de faire une deuxième édition sous une autre thématique, tel que le soufisme d’Isabelle Eberhardt.
Au terme de deux années, j’avais déposé au ministère un dossier pour la réédition et j’avais sollicité le haut patronage de Monsieur le Président de la République en 2018. Le projet était en phase de finalisation. Quelle fut ma déception, quand Monsieur le Conseiller du ministre de l’Intérieur m’appela au téléphone pour me dire que cette Isabelle Eberhardt était une traitresse. Je lui avais répondu que nous avions déjà organisé un premier colloque sous le haut patronage de Monsieur le ministre de la Culture et avec la subvention de l’Etat algérien. Il exprima vertement sa surprise et pour sauver la face, il me dit que le patronage de Monsieur le Président de la République était d’une dimension politique. Puis vint le Hirak et j’étais entièrement investi en tant qu’écrivain engagé.
De nouveau, nous interpellons les autorités gouvernementales et la Magistrature Suprême sur le fait qu’il n’appartient pas aux Services de renseignement de fournir un avis ou une opinion sur la base d’une rumeur récoltée dans la rue pour dire que cette écrivaine était une espionne. En effet, ils n’ont ni la compétence ni les connaissances littéraires ou historiques pour faire valoir leur excès de zèle. Cette question échoit aux historiens, aux critiques littéraires à l’effet de formuler un avis autorisé sur la base de preuves irréfutables. C’est ce que j’avais plaidé en 2016 auprès de Monsieur le Président de la République qui avait instruit Monsieur le le ministère de la Culture pour adopter notre thèse et partant organiser ce colloque dont toute une ville ou presque le souhaite.
Messieurs les Hauts Responsables, vous n’êtes pas sans savoir que des dizaines d’Européens, Américains et Canadiens font un long voyage pour venir à Ainsefra se recueillir auprès de la tombe d’isabelle Eberhardt au cimetière musulman de sidi Boudgemaa. Ce sont des historiens, des critiques, des écrivains, des diplomates, des journalistes. Tous conviennent que la regrettée I. Eberhardt avait servi la cause du peuple algérien opprimé et un humanisme planétaire. Que pensent-ils alors de notre Etat, si ce n’est que certains de ses représentants fournissent des opinions sans en posséder les connaissances et de ce fait ils sont à la limité démunis en culture générale. N’est-ce pas là un affront que nous, en tant qu’élite intellectuelle, nous ressentons au plus profond de nous-mêmes. Ces agents sont-ils conscients du discrédit qu’ils portent à notre nation face aux autres nations de l’Occident.
Nous croyons fort, et nous soutenons notre thèse, qu’il n’appartient pas aux Services de renseignements quels que soient leurs organes de rattachement de donner une opinion sur un personnage historique éteint depuis plus de 120 ans. Car, nous n’avons à aucun moment sollicité l’octroi du Mérite National à cette écrivaine. En outre seuls ces types de colloque sont de nature à éclairer l’opinion publique et les pouvoirs publics sur toute question d’histoire équivoque.
Nous vous interpellons Messieurs qu’il est grand temps de sortir de la sphère des préjugés dommageables à la crédibilité de notre Etat et de la frustration qu’ils nourrissent au sein de l’élite intellectuelle, trop malade de ressasser depuis tant d’années les mêmes plaidoyers pour servir uniquement la vérité et la culture, qui sans elles, tout gouvernement, quel qu’il soit, ne peut avancer solidement sans en provoquer des remous çà ou là.
Aussi, nous avons l’insigne honneur et l’immense plaisir d’invoquer votre sens des réalités, votre sympathie pour une écrivaine morte, si jeune, à l’âge seulement de vingt-sept ans, votre amour de la patri, votre sens de l’équité et lever cette restriction qui nous est opposée à chaque fois que nous parlons d’Isabelle Eberhardt et que nous tentions d’organiser une évènement culturel pour lui rendre hommage et offrir un plaisir culturel aux citoyens de ma ville natale d’Ainsefra, dont le passé préhistorique et contemporain est prestigieux.
Naama le 22/06/2021
Le Président du Colloque
Ahmed Bencherif
Comptes rendus des séances de
l’Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres
Les « Ardjem» d’Aïn-Sefra, de Magrar-Tahtani et de Beni-Ounif
(Sud-Oranais)
Ernest-Théodore Hamy
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Hamy Ernest-Théodore. Les « Ardjem» d’Aïn-Sefra, de Magrar-Tahtani et de Beni-Ounif (Sud-Oranais). In: Comptes rendus
des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 49ᵉ année, N. 1, 1905. pp. 83-93;
doi : https://doi.org/10.3406/crai.1905.71548
https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1905_num_49_1_71548
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LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA 83
exposition des envois si nombreux et si intéressants d’antiquités
provenant de l’Asie Mineure, et adressés au Louvre depuis
plusieurs années par M. Paul Gaudin, directeur du chemin de fer
Smyrne-Cassaba et prolongements. Cette exposition est publique
et contient une série remarquable de monuments trouvés à
Smyrne, à Clazomène, à Philadelphie et dans diverses autres
localités.
COMMUNICATIONS
LES « ARDJEM » d’aÏN-SEFRA, DE MAGRAR-TAHTANI ET DE BENI-OUMF
( SUD-ORANAIS ) ,
PAR M. E.-T. HAMY, MEMBRE DE l’aCADÉMIE.
Une partie des documents à l’aide desquels j’ai rédigé
cette notice m’ont été adressés, pour être communiqués à
l’Académie, par M. E.-F. Gautier, l’un des voyageurs
subventionnés cette année par la fondation Garnier.
M. Gautier traverse en ce moment le Sud-Oranais pour
gagner des régions plus centrales. Parvenu à Aïn-Sefra, il
s’est décidé à entreprendre quelques recherches dans les
tumulus découverts récemment aux environs de cette
localité par M. le comte Jean de Kergorlay et par M. le capitaine
Dessigny, chef du bureau arabe subdivisionnaire. J’ai été
assez heureux pour pouvoir compléter les indications de
M. Gautier à l’aide des notes et des photographies de ces
deux observateurs et de la petite collection formée par le
dernier dans une fouille exécutée pour le compte de la
mission, il y a seulement quelques semaines.
84 LES ABDJÈM d’aÏN-SEFRA
I
M. Gautier avait commencé par visiter la source qui
donne son nom au village d’Aïn-Sefra et dans le voisinage
il avait découvert une de ces stations de l’âge de pierre
dont on trouve si fréquemment les restes à proximité des
points d’eau1.
La station préhistorique d’Aïn-Sefra est importante par
l’étendue qu’elle occupe, mais assez misérable par
l’industrie de ses vieux habitants. Le sol en est jonché de débris
de silex, mais un fort petit nombre de ces pierres ont des
formes bien définies. Près de la moitié de celles que j’ai
triées dans l’envoi de M. Gautier (14 sur une trentaine)
appartiennent à ce type particulier qu’on a quelquefois
distingué sous le nom de lames à dos rabattu, et dont on a
déjà rencontré des spécimens dans certaines stations du
Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et même du Çomal2. Ce
sont, comme on le sait, des lames choisies pour leur
épaisseur et dont le bord, opposé au tranchant, a été retaillé à
petits coups, de manière à offrir une surface rugueuse,
favorable à une emmanchure latérale.
Le reste des silex taillés d’Aïn-Sefra se compose de
couteaux simples, de flèches grossières, irrégulièrement
triangulaires ouamygdaloïdes. J’y ai trouvé enfin un de ces curieux
grattoirs à bois, dont la surface utile, taillée finement,
dessine un demi-cercle qui s’adapterait fort bien à la
convexité d’une tige dont ou voudrait faire un arc, par exemple.
Il existe dans le matériel de certains sauvages modernes
1. Cf. G. Richard, Sur la découverte du silex taillé dans le sud de V
Algérie (Comptes rendus Acad. des Se, t. LXVIII, p. 196. — Cf. Ibid.,
t. LXVI, p. 1057).
2. Coll. Buchet, Debruge, Foureau, Du Bourg de Bozas, etc. au Muséum
d’histoire naturelle et au Musée d’ethnographie.
LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA 85
des instruments assez analogues à ces deux types d’outils
de la station la plus antique d’Aïn-Sefra.
M. Gautier a recueilli avec ces ustensiles de pierre
plusieurs fragments de terre cuite, façonnés à la main, d’une
argile mêlée de gros grains de quartz d’un rouge jaunâtre et
noirâtre à la cassure. Un de ces récipients, sorte de marmite
à bords évasés, présente un diamètre de 18 centimètres au
moins à l’orifice, la base renflée est plus large encore.
L’entrée est décorée de petits alvéoles creusés à des intervalles
inégaux sur le bord même de la pièce, et la base du col porte
un autre rang de traits à peu près parallèles,
irrégulièrement espacés, à la fois plus longs, plus larges et plus
profonds l ; la couleur de la terre est plus rouge et la
direction générale du décor est légèrement oblique de bas en
haut et de gauche à droite.
Je trouve une ornementation comparable sur certains
fragments rapportés par M. Ph. Thomas de la station de
Hassi el M’ Kaddem, près Ouargla, et figurés dans les
Matériaux pour 1876 2.
II
A deux heures de cheval environ au N.-O. du village
d’Aïn-Sefra et sur une ligne dirigée vers le plus haut
sommet du Djebel-Morghad, M. le comte Jean de Kergorlay
découvrait au printemps de 1903 une série de monuments,
d’une époque encore ancienne, quoique sensiblement
postérieurs à la station de la source. C’étaient des tumulus
1. La plus allongée de ces empreintes mesure 12 à 13 mm., les plus
larges en atteignent 4 à 5 et la profondeur maxima n’est pas moindre de
3 à 4. Cette ornementation fort primitive semble avoir été faite avec un
bâtonnet ou un petit os.
2. Ph. Thomas, Notes sur V atelier préhistorique cT Hassi el AT Kaddem,
à 8 kilom. au N. de V oasis de Ouargla (Mat. pour Vhist. prim. et nat. de
Vhomme, t. XI, p. 268, fig. 127-128, 1876).
86 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
appelés ardjem par les indigènes1, disposés sans aucun
ordre apparent, dans la Faïdjet el Betoum et dont on
reconnaissait vaguement les bordures de pierres en partie
écroulées et les dalles centrales en désordre. M. le capitaine
Dessigny en trouvait bientôt d’autres à 5 ou 6 kilomètres
à l’Est d’Aïn-Sefra, sur le versant Nord et au pied du
Djebel Mekter. Ces derniers, au nombre d’une cinquantaine,
a. Tumolu»
Founassa» ,>i
Figjiig ../
^’♦’Beni-Ounif
M.roukanû »y
. MMbtani
mieux conservés que ceux du Faïdjet el Betoum, formaient
une sorte de cimetière, à proximité d’un point d’eau. Les
mieux conservés se présentent sous l’apparence d’un cube
de pierres de 0m 50 à 0m 60 de hauteur, plantées debout.
La circonférence ainsi limitée mesure de 3 m 50 à 4 mètres de
1. Redjem, sing. ; ardjem au plur. (Dessigny). — Certaines localités de
ces cantons portent le nom de Redjem ; Redjem el Gherib, par exemple,
au N.-O. de Duveyrier, signale probablement quelque monument
funéraire antique à fouiller dans l’avenir.
87
diamètre. Vers le centre, des dalles juxtaposées à plat,
quelquefois deux par deux, recouvrent une sépulture1.
Six de ces diverses éminences ont été entamées par
M.Gautier, M. Dessigny en a fouillé une quarantaine. La
plus remarquable de ces dernières était un véritable tumulus
déforme arrondie, composé de cailloux roulés et de dalles
en grès, très communes dansla région. « Une tranchée ouverte
de la périphérie au centre, écrit M. Dessigny, fit découvrir
au milieu du monument une chambre sépulcrale
parfaitement intacte. Cette chambre est de forme ovale et évasée
du fond vers le sommet. Les deux axes ont respectivement
0m 80 et 0m 60 de longueur au fond, et 1 mètre et
0m 80 au sommet. Les parois et la couverture sont en
dalles de grès ; le fond est formé par la roche naturelle : la
hauteur de la chambre est de 0 m 80. Elle est remplie à
mi-hauteur de sable fortement tassé, paraissant provenir des
dunes voisines. En enlevant ce sable horizontalement,
M. Dessigny amis à découvert des ossements qui tombaient
en poussière et a pu seulement reconnaître que le corps
avait dû être placé la tête tournée vers l’Ouest et appuyé
sur le côté droit, le dos contre la paroi ; les bras étaient
croisés sur la poitrine et les jambes repliées vers le tronc. »
Alahauteur du cou, M. Dessigny ramassait 81 petites
rondelles aplaties et percées au centre, mesurant environ
5 mm. de diamètre. Au milieu, de ces rondelles, assez
régulièrement arrondies et qui ont été façonnées en perçant
et en découpant l’écaillé des oeufs d’autruche 2, se détache
une perle de cornaline de forme sphérique, aplatie, large de
1. M. de Kergorlay vient de retrouver (1904) une sépulture exactement
semblable dans le Sahara tunisien.
2. On pourrait se demander, en rapprochant ces colliers formés de très
nombreuses pièces d’enfilage taillées dans l’oeuf d’autruche des colliers
similaires en rondelles des coquilles de l’Archipel de Californie, s’ils n’ont
pas été dans le Sud-Oranais une sorte de monnaie semblable à celle dont
se servaient les insulaires californiens.
88 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
8mm, haute de 5, deux autres grains lenticulaires en verre
irisé, enfin une dernière pièce profondément altérée, que
je prends pour un morceau de coquille, ayant en partieconservé
sa couverture nacrée.
Un autre collier, porté par le même personnage, était
fait d’une lamelle de cuivre très étroite ( 1 mm) , tordue
en spirale allongée ; la partie conservée mesure environ
0m 13 de longueur.
III
Tous les autres ardjem étudiés par M. E.-F. Gautier et par
le capitaine Dessigny étaient construits sur le même plan.
Ils contenaient de rares débris d’os qui s’effritaient sous les
doigts et quelques dents remarquables par l’usure de leur
fût. Tous les corps étaient sur le côté, les uns appuyés à
droite, les autres à gauche : les têtes étaient tournées dans
toutes les directions. Exceptionnellement le fond de
quelques chambres se trouvait formé de dalles semblables à
celles des parois.
Le plus grand nombre de ces ardjem ne contenaient que
quelques débris de squelettes. Parfois cependant, comme
dans le grand tumulus dont on vient de lire la description,
les fouilleurs ont pu se procurer de rares objets en métal,
en os, en coquille et en pierre.
Les pièces de métal sont en argent, en cuivre, en fer
intimement confondus : plaque de ceinture en cuivre, de
forme carrée, longue, ornée sur son pourtourd’un fin
pointillé repoussé, et fixée par deux clous en fer, dont l’un est
encore adhérent à son rivet de cuivre circulaire et aplati ;
bracelets d’argent, ouverts, formés d’une simple tige de
3 à 4mm d’épaisseur, courbée de façon à laisser 40 à
42 mm d’ouverture ; bracelet de cuivre de même forme et
de mêmes dimensions, mais plat à l’intérieur et orné sur les
89
bords de fines striations; bagues ouvertes, de cuivre et
d’argent, cylindriques et un peu renflées vers le milieu, ou en
forme de lame plate ou un peu convexe (une de ces bagues
se ferme à l’aide de deux petits crochets recourbés) ;
fragments de tiges et de douilles de fer profondément altérées,
restes de javelines ou de lances ; robuste outil aussi de
fer, beaucoup mieux conservé, long de près de 0m 18,
dilaté aux deux bouts en prismes à quatre plans et
terminés en pointes, de façon à rappeler la forme des carrelets
actuels.
L’os travaillé est représenté par un disque plat et poli
déforme ovale raccourcie, qui mesure 35mm sur 30 *. La
coquille d’oeuf d’autruche a servi à façonner, comme je l’ai
déjà dit, des pièces d’enfilage qui composent des colliers
parfois d’une grande longueur. L’un de ceux que m’a
envoyés M. le capitaine Dessigny se compose de 522 petits
disques, percés au centre d’un trou de 2 à 3 ram environ et
leur diamètre varie de 6 à 11 mm. Une fois le trou obtenu à
l’aide d’un foret à bout obtus, on a tout doucement ébréché
le bord de façon à obtenir un contour polygonal se
rapprochant de plus en plus de laforme circulaire, qu’un polissage
final s’efforçait d’obtenir aussi régulier que possible. Ce
travail a été plus ou moins poussé, d’un disque à l’autre, et
la surface générale qui résulte de la juxtaposition des petits
disques est le plus souvent rugueuse et parfois fort
irrégulière.
J’ai dit que le principal collier d’Aïn-Sefra comptait
*522 pièces d’enfilage, il mesure plus de 0m 90 ; un autre en
a 475 et dépasse 0m72; un troisième, beaucoup plus petit,
n’atteint plus que 0m 15 avec 85 disques.
1. Ce disque est indiqué spécialement par M. Gautier comme trouvé
dans un tumulus n° 3 de Teniet R’zla. Si ce nom est le même queTeniet et
Ghzalla de la carte d’État-Major, ce tumulus appartiendrait au groupe du
Taïdjet el Betoum découvert par M, J. de Kergorlay.
90 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
Les objets en pierre sont aussi des grains de colliers ;j’ai
déjà parlé de cornalines polies, en voici de nouveaux quatre
grains globuleux aplatis, qui composent avec un gros
cabochon irrégulièrement cylindrique et une perle lenticulée de
pâte de verre, une autre perle en pierre verte, et deux petits
disques de coquilles, un grossier collier d’enfant. La tête
du sujet est la seule pièce osseuse qui me soit parvenue,
engagée dans sa gangue d’argile rouge1. C’est un enfant de
trois ans environ d’un type dolicho-pentagonal
extrêmement accusé et qui rappelle beaucoup par ses formes les
pièces analogues que l’on connaît du littoral barbaresque
ou de l’ancienne Egypte.
IV
H me reste à dire quelques mots des deux autres groupes
de tumulus, analogues aux précédents, découverts l’un dans
la vallée de l’Oued-Namous par M. le comte J. de Kergorlay,
l’autre à Beni-Ounif par M. Gautier. La première de ces
nécropoles est à proximité de l’oasis de Magrar-Tahtâni, à un
peu plus de 30 kilomètres au sud d’Aïn-Sefra. « Lorsqu’on
quitte la fraîche et verdoyante oasis de Magrar-Tâhtani,
écrit M. de Kergorlay, à la limite où l’irrigation devient
impossible, le désert commence. La vallée de
l’Oued-Namous (rivière des Moustiques) court sensiblement du N.-E.
au S.-O. et, après un étranglement formé par le Djebel
Taouzamt au Tenaïa et Tamer, elle va se perdre dans la
hammada. La haute vallée est limitée au N.-O. par le
Djebel-Zarif dont les cîmes rocheuses, déchiquetées et
dénudées par les pluies peuvent s’élever à 12 et 1.500
mètres. C’est la limite des Hauts-Plateaux.
1. Je n’ai pu conserver que le moulage intracranien, formé de l’argile
dur qui remplissait le crâne et qui a été dessolidé avec du blanc de
baleine.
LES ARDJEM D A1N-SEFRA 91
« Le fond de la vallée est plat, coupé de dallages et de
zones de sable, ou de petites pierres noires. La végétation
se réduit à quelques bétoums [pistacia atlantica), quelques
épines, des jujubes et un peu d’alfa.
« En quittant Magrar-Tâhtani, dans la direction du S.-O.,
à environ une heure et demie de marche, on trouve un
premier tumulus. C’est le plus important de tous ceux que
nous allons rencontrer : il affecte la forme d’une ellipse
dont le grand axe aurait environ 18 mètres et le petit, à peu
près moitié moins. La hauteur varie de 3m 50 à 4 mètres, et
Tumulus de l’Oued-Namous.
on ne peut mieux comparer l’ensemble qu’à une gigantesque
carapace de tortue. Les pierres qui forment ces tumulus
sont souvent très grosses et ont cette patine d’un brun noir
particulier aux roches désertiques. »
M. de Kergorlay a photographié ce remarquable
monument (fig. 00) et levé le plan de cinq autres tumulus, aussi
de grande taille, isolés à des distances variables, et dirigés
comme les premiers dans le sens de la vallée. Tous sont
situés un peu au-dessous du fond et assez souvent auprès
de quelque ravin creusé par les affluents de l’Oued.
92 LES ARDJEM d’aÏN-SEFRA
La situation du pays était extrêmement troublée au
moment où le voyageur parcourait ainsi ce canton presque
inexploré; c’était quelques semaines avant le
bombardement de Figuig, et ce lui fut impossible d’entreprendre une
fouille méthodique dans des conditions aussi difficiles,
M. E.-F. Gautier a été plus heureux à Beni-Ounif, un peu
au sud de Figuig. Il a pu ouvrir deux tumulus dans cette
localité et y recueillir, avec des ossements effrités, les débris
d’un bracelet de fer et deux colliers de coquilles d’oeuf
d’autruche identiques à ceux dont il était question un peu
plus haut.
Tous ces groupes funéraires se présentent, en somme,
avec des caractères fort homogènes. Quelle que soit son
orientation, le corps replié est toujours couché sur le côté.
Les pièces de colliers en coquille d’oeuf d’autruche,
communes dans un certain nombre de stations de l’âge de
pierre saharien1, notamment vers Ouarglaet vers El-Goléa,
s’associent aux ornements d’argent déjà connus des
constructeurs de Roknia2. Le cuivre, qui affleure dans la région au
voisinage de Founassa, se joint au fer signalé depuis
longtemps à Tilghemt par le général Pothier3. Et tout cela
constitue un petit ensemble qui caractérise nettement une
phase de l’évolution des tribus du Sud.
Les indigènes actuels n’ont conservé que de vagues
traditions relatives à ce vieux peuple ; l’un d’eux contait
à M. Dessigny que les redjem avait bien 900 ans, sans
donner d’ailleurs aucune raison à l’appui de cette
assurance.
Il est intéressant de constater, en terminant, que ces
monuments, comme leurs similaires du Sud- Algérien ou du
1. Mat. pour Vhist. prim. et nat. de Vhomme, t. XI, p. 72, 1876, etc., etc.
2. Bourguignat, Histoire des monuments mégalithiques de Roknia, près
d’Hamman-Maskoutine (Paris, 1868, in-4), p. 34 et pi. IV.
3. Ed. Pothier, Les tumulus de la daïa de Tilghemt(Rev. d’Ethnogr.,t.V,
p. 311, 1876).
UNE INSCRIPTION GRÉCO-ARAMÉENNE d’aSIE MINEURE 93
Maroc * , sont semés tout le long d’anciennes voies de
communication et reproduisent ainsi dans la topographie
préhistorique africaine des dispositions comparables à celles que
M. Sophus Mûller signalait pour les pays septentrionaux
dans une magistrale étude présentée récemment à la Société
des Antiquaires du Nord 2.
UNE INSCRIPTION GRÉCO-ARAMÉENNE d’aSIE MINEURE,
PAR M. FRANZ CUMONT, CORRESPONDANT DE l’ ACADÉMIE.
En 1900, M. Grenard, alors consul de France à Si vas,
l’ancienne Sébastée du Pont, découvrit environ à mi-chemin
entre cette ville et Divrighi (Tephrice),au village d’Aghatcha-
Kalé3, une inscription rupestre dont il soupçonna
immédiatement l’importance. Il en prit une copie qu’il eut
l’obligeance de me faire parvenir : au-dessous de six lignes d’un
texte grec , gravé cttoi^yjSov , on distinguait encore quelques
mots en caractères qui semblaient être araméens. Je
communiquai ce document énigmatique à M. Clermont-Ganneau,
qui se mit en rapport avec M. Grenard et obtint de celui-ci
non seulement une photographie du rocher d’Aghatcha-
Kalé mais un excellent estampage de l’inscription. Cet
estampage ne fit guère que confirmer le déchiffrement que
1. Tissot, Sur les monuments mégalithiques du Maroc, etc. (Rev. d’Anthrop.,
t. V, p. 387, pi. IV, 1865).
2. Sophus Mûller, Routes et lieux habités à Vâge de la pierre et à Vàge
du bronze (Mém. de la Soc. des Antiq. du Nord, Nouv. Sér., 1903, p. 60-
140).
3. Exactement à 41 kil. au S.-O. de Divrighi. D’après les indications
topographiques que nous fournit M. Grenard, l’inscription est gravée sur
la surface aplanie d’un rocher faisant partie d’une longue arête de
montagne qui domine le village. Il n’y a dans ce rocher aucune trace d’un
tombeau ou de sculptures, mais la cime voisine a probablement porté autrefois
une construction.
DÉCOUVERTE D’UNE NOUVELLE STATION DE GRAVURES RUPESTRES A THYOUT (Sud oranais) PAR H. LHOTE et M. LIHOREAU La localité de Thyout fut la première qui, en 1847, nous révéla l’existence de gravures rupestres en Afrique du Nord et au Sahara. La découverte fut due au capitaine Koch et au Dr Jacquot qui participaient alors à la colonne de pacification dirigée par le général Cavaignac et qui, pour la première fois, pénétrait dans les oasis de Thyout, de Moghar Tahatani et d’Aïn-Sefra. Les gravures sont au nord du village, à mi-pente de la falaise au pied de laquelle passe aujourd’hui la route qui va d’Aïn-Sefra à Géryville. Elles ont été visitées par de nombreux chercheurs dont les principaux sont G. B. M. Flamand, H. Kiihn, L. Frobenius, H. Breuil, M. Reygasse et R. Vaufrey. Quant à l’un des signataires de cet article, Henri Lhote, il s’est rendu au moins six fois sur le site, la dernière en compagnie du lt-colonel Lihoreau. A ces diverses occasions, une enquête avait été menée auprès des habitants afin de savoir s’il n’existait pas d’autres gravures dans les environs, car des renseignements très imprécis laissaient entendre qu’il devait y en avoir d’autres dans les rochers derrière la station déjà connue. Mais toutes ces enquêtes furent vaines, y compris auprès des notables qui, pourtant, nous accompagnèrent devant les gravures de la station anciennement connue. Le lt-colonel Lihoreau, qui travaillait en liaison avec Henri Lhote et qui avait l’avantage de résider pratiquement sur place, s’enquit à son tour et, sur un renseignement du Père Becquart, des Pères blancs d’Aïn-Sefra, il reconnut une station nouvelle, située non pas au nord, mais au sud de celle déjà inventoriée. Pour s’y rendre, en partant de la station principale, il faut prendre la route qui rejoint Thyout- village par l’est, mais au moment où elle fait un coude pour rejoindre l’agglomération, il faut la quitter et traverser l’oued ; une piste apparaît sur la rive sud, qu’il faut alors suivre et qui longe la falaise parallèle à l’oued ; à 5 km environ du point de départ, la piste devient sablonneuse et l’on aperçoit un premier groupe de rochers, à gauche. Il faut continuer jusqu’au deuxième groupe de rochers qui se trouve à 150 m à gauche de la piste. Les gravures sont au pied de la falaise et à mi-pente. La roche est formée de grès identiques à ceux de la station principale de Thyout. SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES Description des gravures. — Des photographies furent prises par le lt-colonel Lihoreau et les dimensions relevées par le PèreBecquart. La station comprend trois panneaux principaux et un quatrième ensemble figurant deux ânes, situé sur un rocher détaché, à 30-40 m des autres. Le premier panneau montre un grand éléphant (fig. 1), qui devait mesurer, du sommet de l’oreille à la base de la patte, près de 1,80 m de haut et approximativement autant de large. Le trait en est poli, le profil en U surbaissé et la patine identique à celle de la roche. Une partie de l’oreille n’est plus visible, mais elle dépassait notablement le sommet de la ligne frontale et devait être du type bilobé. L’animal est sexué ; c’est un mâle. La défense, placée anormalement haut, semble avoir été rajoutée, car le trait est simple et la patine apparaît plus claire. Sur le corps, ont ^COUVERTE D’UNE NOUVELLE STATION DE GRAVURES RUPESTKES 9 été gravés deux poignards. Celui de gauche (fig. 2) est à trait poli, à profil en U surbaissé, avec traces de piquetage, et sa patine est pratiquement aussi foncée que celle de l’éléphant. Celui de droite (fig. 3) a été obtenu par piquetage et sa patine est plus claire. Il apparaît comme une mauvaise copie du précédent. En dessous de la pointe, on aperçoit un piquetage qui est peut-être la figuration d’un liquide coulant, peut-être l’évocation du sang d’une blessure symbolique pratiquée sur l’éléphant. Enfin, entre la trompe et la patte de ce dernier, un petit mammifère (fig. 4), peut-être un canidé, a été réalisé par un piquetage irrégulier et sa patine est très claire.
DÉCOUVERTE D’UNE NOUVELLE STATION
DE GRAVURES RUPESTRES A THYOUT
(Sud oranais)
PAR
H. LHOTE et M. LIHOREAU
La localité de Thyout fut la première qui, en 1847, nous révéla l’existence de
gravures rupestres en Afrique du Nord et au Sahara. La découverte fut due au
capitaine Koch et au Dr Jacquot qui participaient alors à la colonne de pacification
dirigée par le général Cavaignac et qui, pour la première fois, pénétrait dans les
oasis de Thyout, de Moghar Tahatani et d’Aïn-Sefra. Les gravures sont au nord du
village, à mi-pente de la falaise au pied de laquelle passe aujourd’hui la route qui
va d’Aïn-Sefra à Géryville. Elles ont été visitées par de nombreux chercheurs dont
les principaux sont G. B. M. Flamand, H. Kiihn, L. Frobenius, H. Breuil, M. Reygasse
et R. Vaufrey. Quant à l’un des signataires de cet article, Henri Lhote, il s’est
rendu au moins six fois sur le site, la dernière en compagnie du lt-colonel Lihoreau.
A ces diverses occasions, une enquête avait été menée auprès des habitants afin
de savoir s’il n’existait pas d’autres gravures dans les environs, car des
renseignements très imprécis laissaient entendre qu’il devait y en avoir d’autres dans les
rochers derrière la station déjà connue. Mais toutes ces enquêtes furent vaines,
y compris auprès des notables qui, pourtant, nous accompagnèrent devant les
gravures de la station anciennement connue.
Le lt-colonel Lihoreau, qui travaillait en liaison avec Henri Lhote et qui avait
l’avantage de résider pratiquement sur place, s’enquit à son tour et, sur un
renseignement du Père Becquart, des Pères blancs d’Aïn-Sefra, il reconnut une station
nouvelle, située non pas au nord, mais au sud de celle déjà inventoriée.
Pour s’y rendre, en partant de la station principale, il faut prendre la route qui
rejoint Thyout- village par l’est, mais au moment où elle fait un coude pour rejoindre
l’agglomération, il faut la quitter et traverser l’oued ; une piste apparaît sur la rive
sud, qu’il faut alors suivre et qui longe la falaise parallèle à l’oued ; à 5 km environ
du point de départ, la piste devient sablonneuse et l’on aperçoit un premier groupe
de rochers, à gauche. Il faut continuer jusqu’au deuxième groupe de rochers qui se
trouve à 150 m à gauche de la piste. Les gravures sont au pied de la falaise et à
mi-pente. La roche est formée de grès identiques à ceux de la station principale
de Thyout.
SOCIÉTÉ DES AFRICANISTES
Description des gravures. — Des photographies furent prises par le lt-colonel Lihoreau
et les dimensions relevées par le PèreBecquart. La station comprend trois
panneaux principaux et un quatrième ensemble figurant deux ânes, situé sur un rocher
détaché, à 30-40 m des autres.
Le premier panneau montre un grand éléphant (fig. 1), qui devait mesurer, du
sommet de l’oreille à la base de la patte, près de 1,80 m de haut et
approximativement autant de large. Le trait en est poli, le profil en U surbaissé et la patine
identique à celle de la roche. Une partie de l’oreille n’est plus visible, mais elle dépassait
notablement le sommet de la ligne frontale et devait être du type bilobé. L’animal
est sexué ; c’est un mâle. La défense, placée anormalement haut, semble avoir été
rajoutée, car le trait est simple et la patine apparaît plus claire. Sur le corps, ont
^COUVERTE D’UNE NOUVELLE STATION DE GRAVURES RUPESTKES 9
été gravés deux poignards. Celui de gauche (fig. 2) est à trait poli, à profil en U
surbaissé, avec traces de piquetage, et sa patine est pratiquement aussi foncée que
celle de l’éléphant. Celui de droite (fig. 3) a été obtenu par piquetage et sa patine
est plus claire. Il apparaît comme une mauvaise copie du précédent. En dessous
de la pointe, on aperçoit un piquetage qui est peut-être la figuration d’un liquide
coulant, peut-être l’évocation du sang d’une blessure symbolique pratiquée sur
l’éléphant. Enfin, entre la trompe et la patte de ce dernier, un petit mammifère
(fig. 4), peut-être un canidé, a été réalisé par un piquetage irrégulier et sa patine
est très claire.
Biographie Ahmed Bencherif écrivain poète
Ahmed Bencherif est né le 4 mai 1946 à Ain-Sefra. Il y fit ses études primaires, puis secondaires au Lycée Lavigerie des Pères Blancs, puis il poursuivit des études de droit public à l’école d’administration supérieure de Bechar. Ses vocations littéraires étaient certaines, il fit des essais de 2 romans et un recueil de poésie, non publiés cependant dans les années soixante dix, tombés hélas en déperdition par suites de circonstances exceptionnelles. Instituteur, puis administrateur. En 1983, il élabora une courte biographie du résistant Bouamama, 1881-1908, à la demande du ministère de la Culture. . Il est aussi amené à connaître deux figures emblématiques qui avaient marqué Ain-Sefra : le maréchal Lyautey et Isabelle Eberhardt. Enfant de la guerre, il a connu l’exil et ses privations pour fuir les représailles de l’armée française. Adolescent et loin de son pays, il écrivait des nouvelles sur le drame de la guerre. Comme tout enfant de la guerre, il en st marqué durablement.
A- Ouvrages publiés :
1. Marguerite tome 1 roman historique
Juin 2008 Editions Publibook Paris
2 La grande ode livre poésie
Décembre 2008 Editions Publibook Paris
3 Marguerite tome 2 roman historique
Octobre 2009 Editions Edilivre Paris
4 Odyssée livre poésie thèmes universels
Avril 2010 Editions Edilivre Paris
5 hé hé hé c’est moi qui l’ai tué roman psychologie sociale-
Mars 2013 Editions Dar Rouh Constantine
6 Gétuliya et le voyage de la mort Dar Rouh Constantine
7 Regard critique sur l’aube d’une révolution Margueritte de C. Pheline
8 Margueritte revisitée le 26 avril 1901 tome 1Amoutaqaf Batna
9 Margueritte revisitée le 26 avril 1901 tome 2 Almoutaqaf Batna
10 Les vagues poétiques Almoutaqaf Batna
Activités scientifiques :
1 Conférence colloque international université d’Oran
la poésie populaire et les perspectives de développement ( Margueritte) 2011
. 2 Conférence colloque international université Oran
la symbolique de la condition humaine Djilali B oukadir (Margueritte)
3 Conférence colloque international littérature maghrébine université Batna 2013
la littérature maghrébine francophone
4 Conférence université Tlemcen 2015
Marguerite revisitée
5 Conférence université London Ontario Canada 2016
Marguerite revisitée
6 Conférence colloque international Isabelle Eberhardt bibliothèque nationale 2016
Perception de l’engagement politique d’Isabelle Eberhardt dont j’étais le président.
7. Conférence Margueritte revisitée le 26 avril 1901 donnée le mercredi 26 février 2020 université Tlemcen
Conférences locales et présentation d’ouvrages
Naama le 02/03/2020
Ahmed Bencherif
Ecrivain et poète
Ahmed Bencherif
Ecrivain poète,
A
Monseigneur John Mac William,
Evêque de Laghouat-Ghardaia
Monseigneur,
C’est tout à mon honneur cette opportunité de lire votre lettre, celle d’un pontife, en charge d’un diocèse immense, soucieux de l’harmonie de ses églises, humaniste, ouvert au dialogue, énergique. Vos visites ne me surprennent pas tant, car vous êtes sur le pas de Monseigneur Mercier, mort si jeune, qui parcourait vingt mille km par an. Il faut dire aussi que de son temps, le diocèse s’étendait au Mali, le Niger, le Soudan Français.
Vous saurez, Monseigneur, que je ne suis pas écrivain en chambre. En, effet je suis aussi actif dans le domaine culturel. J’anime aussi des conférences sur la mémoire de ma ville, Ainsefra. Aussi, j’ai été sollicité par des intellectuels pour donner une conférence sur l’odyssée d’une religieuse de Zaid Boufeldja. Leur argument de connaitre l’histoire de notre petit pays vint à out de mes hésitations.
J’avais lu cet ouvrage, dès les premiers temps de sa parution, en temps que lecteur, bien sûr. Maintenant je l’étudie pour le dessein suscité. Croyez-moi, Monseigneur, j’en suis déconcerté. L’auteur du livre ne me parait pas tellement innocent dans ce drame, comme dans le texte. il reproduit des lettres qui normalement doivent figurer en annexe. Alors on se pose la question sur leur authenticité. Il raconte des faits qui ne me paraissent pas plausibles. Pour lui, l’histoire s’arrête en 1949, soit à son enlèvement et à sa déportation au Congo, dans une léproserie, comme il l’écrit. Sœur Catherine me semble être vraiment une victime. C’était une Religieuse, monsieur Zaid lui devait estime et respect et non cultiver une ‘ amitié ‘ assidument.
J’ai été décontenancé en recevant de la mairie de Bolbec Havre l’extrait de naissance avec mention de son décès en décembre 1989 de Sœur Catherine, alors que le livre laisse penser qu’elle mourut en 1949 ou 1950. Qui survivrait dans une léproserie ! Cet élément biographique me donna une toute autre vision : rendre hommage à Sœur Catherine plus que de relater la saga dans la conférence ; pousser mes recherches et mes investigations pour établir la vérité.
Voilà, Monseigneur, ce dont je voulais vous entretenir et je vous prie de m’excuser pour exhumer cette affaire, quoiqu’elle le fût avant moi par messieurs Bruckberger et Zaid. Je solliciterai de votre éminence d’authentifier la lettre jointe, comme émanant de la congrégation des Sœurs Blanches de Birmandreis ALGER.
Soeur Catherine, de son vrai nom, André Lagrue, naquit le vingt-six décembre mille neuf cents six, à Bolbec, Havre, France. Par chagrin d’amour, elle entre au couvent des soeurs blanches de Paris, fait son noviciat pendant trois ans. Elle en sort consacrée, puis fut affectée à Alger Birmandreeis, Ensuite, elle reste trois ans à Lagouaht, sui est le diocèse du Sahara. Enfin elle fut affectée à Ainsefra. Elle vécut treize ans au couvent, soignait les malades comme infirmière à l »infirmerie militaire. Puis ce fut une amitié assidue avec un habitant musulman, Zaid Boufelda. Les circonstances dans lesquelles, ils se virent se rapprocher sont inconnues. Toujours est-il qu’ils sont amoureux l’un de l’autre. Il la reçoit pendant un mois chez lui deux fois par semaine., sans rapport sexuel, comme raconte Zaid dans son livre : l’odyssée d’une religieuse au Sahara. Ils décident de se marier, quittent Ainsefra le 19 juin 1949 et voyagent par train jusqu’à Oran, Soeur Catherine, habillée du voile musulman. le lendemain, ils prennent l’avion sur Paris. ils sont partis, selon l’auteur, solliciter l’autorisation parentale pour leur union. Le lendemain, elle est enlevée et emmenée. Il n’a pas de nouvelles d’elle. Il contacte un avocat. Celui-ci dépose une plainte auprès du procureur général, restée sans suite. Puis, il revient à Ainsefra. Il dit dans son livre toujours qu’elle ( Andrée Lagrue) a été affectée au Congo dans une léproserie, laissant penser qu’elle mourut cette année ou l’année suivante avec beaucoup de chance. Le livre m’a interpellé et pose plus de questionnements sur l’authenticité du récit , voulant faire une conférence à Ansefra, puisqu’il s’agit de l’histoire locale de ma ville. Donc j’ »ai entamé des recherches et inv investigations. ma stupeur était grande quand une préposée à la mairie de Bolbec a bien voulu faire des recherches et elle m’a envoyé l’extrait de naissance d’Andrée Lagrue, avec mention du décès le 6 décembre 1989. l’ »histoire de Soeur Catherine s’arrete en 1949 et elle a vécu pourtant elle a vécu quarante ans de plus.
Je remercie infiniment la dame préposée à la mairie de Bolbec
L’église était au cœur du village, comme l’était le Christ au cœur des Chrétiens. Son bel ensemble architectural gothique et musulman initiait aux méditations philosophiques sur le rapprochement des peuples. L’homme, cet éternel incompris, s’ingénie à assembler les matières et échoue à assembler les vertus. Sur un fond de mosaïque africaine, la Vierge Marie purifiée, la lalla Meriem (Marie) sanctifiée, était émouvante, son enfant dans ses bras. Le crucifix chagrinait les âmes dont quelques unes, prises d’attendrissement, versaient un ou deux pleurs. Les cierges étaient allumés et l’encens exhalait son parfum. L’atmosphère était chaudement pieuse et les fidèles prenaient un air d’innocence pour demander le Pardon. Elle rappelait, en outre, le perpétuel combat entre le tentateur et la sagesse. L’orgue, qui était une récente charité de la mère de Fernandez, émettait ses notes plaintives et fortes.
Vêtu de soutane blanche et auréolé d’un long chapelet qui retombait sur sa poitrine, le Père Nardi officiait la cérémonie. C’était un homme de grande piété qui suivait l’évolution de son temps et augurait même sur l’avenir. Par des paroles pondérées, sa verve intarissable abordait les différents maux de la société. Rien n’échappait à son esprit clairvoyant, ni l’adultère, ni une autre infamie. Il savait pourtant qu’il nageait à contre courant et que l’Etat moderne oeuvrait pour le progrès et son corollaire, l’émancipation des mœurs, comme si les deux dimensions, tenues pour indissociables par nature, formaient un seul rail, sans lequel le train déraillait infailliblement. L’homme moderne tendait de s’affranchir de la décence, de donner libre cours à ses instincts, moins pudiques que ceux des animaux qui, pour leurs accouplements, opèrent d’un charme recherché et persévérant.
Le son musical se tut, le père ouvrit l’Evangile et invita à la lecture de l’Epître de Paul aux Romains au paragraphe 26 :
« C’est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes ; car leurs femmes ont changé l’usage naturel en celui qui est contre nature ; et de même les hommes, abandonnant l’usage naturel de la femme, sont enflammés dans leurs désirs les uns pour les autres, commettant homme avec homme des choses infâmes, et recevant en eux-mêmes le salaire qui méritait leur égarement »
« Comme ils ne se sont pas souciés de connaître Dieu, Dieu les a livrés à leur sens réprouvé pour commettre des choses indignes, étant remplis de toute espèce d’injustice, de méchanceté, de cupidité, de malice ».
L’instant était à la repentance. Chacun se jurait de ne plus commettre de mauvaises actions, de préserver vaille que vaille le serment indéniable à Jésus, de suivre l’exemple des Apôtres qui furent accablés de mille persécutions, d’être fidèles aux martyres, combien nombreux, hommes, femmes ou enfants, jetés aux bêtes féroces dans un amphithéâtre bondés de milliers de spectateurs et de courtisanes nues, ou encore décapités, nus, dans les places publiques, déchiquetés en lambeaux entre deux arbres, fouettés à mort aux verges. Le christianisme, qui fut combattu, à outrance par les idolâtres finit par triompher et donna l’espérance aux hommes qui modérèrent leurs mœurs et diffusèrent la vertu, la fraternité et l’amour du prochain. Avec un cœur lourd, le Père Nardi ferma l’Evangile, leva ses deux mains au ciel et récita à haute voix l’espérance de Paul pour réconforter les âmes :
« Que la grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous tous. Amen. Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de toute paix dans la foi, pour que vous abondiez en espérance, par la puissance du Saint Esprit ».
La messe terminée, on attendit patiemment un moment aussi solennel, le sacrement de deux époux. Ce serment, qui les liait dans la fidélité réciproque, pour la vie, pour la mort, dans le meilleur et dans le pire, était émouvant. Le Père Nardi louait toujours Dieu pour cette coutume qui défiait les ages et qu’il imputait à un sentiment de religiosité vif. Les deux époux étaient très heureux : Madeleine était ravissante dans sa robe blanche ; Gustave était élégant dans son costume bleu. Ils passèrent à l’autel. Là, le curé célébra la cérémonie d’usage et les déclara unis, selon les lois sacrées du mariage. Ils échangèrent leurs alliances et sortirent, suivis par l’assistance qui criait d’émotion : « vive la mariée ! »