Halte ! Il faut penser. Trop de fatuité nuit.
La page est tournée, la romance mourut,
Le discrédit blesse, la hargne se poursuit,
Rien n’a plus d’intérêt, c’est l’heure de la mue.
L’artiste dessina de belles images
Figurées clairement avec talent et art ;
Le mage dispensa de probants adages
Avérés dans la vie, sans bruit, ni fanfare.
Le poète chanta l’idylle sibylline ;
Le courtisan se crut proche de son dessein
Par la voix, les regards, les traits et les signes.
Ivre de passion qui prenait son chemin.
Le Seigneur exhorte les humains à aimer.
Ceux-ci sont des frères par le sang ou le culte.
La mue peut s’opérer si l’ardeur est calmée.
L’amitié et l’amour mèneront leur lutte.
Le cerveau abrite notre intelligence ;
Le cœur est l’unique foyer des sentiments ;
Dans l’âme, la vertu élit sa résidence ;
Leur conflit est toujours constant et violent.
Ne me bouscule pas, garde ta patience.
Le temps ferme les plaies, du moins je l’espère.
Conserve ton sang froid et ton indulgence.
Qui aime préserve, qui aime tolère.
Ta prose coulante m’accrédite noblement,
M’octroie un prestige illustre sans égal,
M’augure le succès acquis subtilement
Me hisse dans un rang presque phénoménal.
C’est un pacte moral, voulu par le destin,
Qui défie les années, une fois mis au jour.
Il requiert dignité et les honneurs sans fin
Et, à tous les instants, attentions et amour.
Paix ! Mot doux, sublime, gage de l’harmonie.
Penseurs et poètes l’évertuèrent sans fin.
Il fascine l’esprit, conte les mélodies,
Assure pour tous de meilleurs lendemains,
Répudie les conflits entre les bonnes gens,
Se place en arbitre entre tous les mauvais,
Instaure le bonheur en exclusif agent,
Bannit les compromis, condamne le laid.
Elle vint, nous dicta à faire la trêve,
De bonne réflexion pour voir clair en nous-mêmes,
Abandonner ou bien poursuivre le rêve,
Ou garder l’amitié. Voilà le dilemme
Gouvernement
L’administration tue : les âmes périssent,
Le cœur bat faiblement, le cerveau hiverne,
Les ans languissent et de spleen finissent
Visage livide, cheveux gris, peau terne.
Elle terrorise, l’on ressent la phobie
Que l’on traîne jusque dans notre sommeil.
Par un malin plaisir, elle beugle et châtie.
Elle tue le rêve, ternit les merveilles.
Elle est abrutie, inculque l’idiotie,
En fin pédagogue, sombre dans le chaos,
Se complait tendrement dans l’erreur et l’inertie,
Recule sans envie, aime tourner le dos.
C’est l’épouvantable et perpétuel bagne.
C’est un corps sans vie, qui mange les justes,
Brutalise les bons, sans répit condamne
Les hommes vertueux, aux gourbis vétustes.
Le poltron se soumet pour un sou, pour un pain,
Mue en caméléon, fuit comme la fourmi.
Il est fataliste, croit fort au lendemain,
S’accroche sans espoir aux prétendus amis.
Le preux se révolte : plus de sou, plus de pain.
Il renoue le lien, sa fureur visible,
Prêt à recommencer, à rebrousser chemin,
A la moindre bévue, bête et blâmable.
La rigueur et probité qui étaient les miennes
Me faisaient barrières à toute promotion
Pour grimper l’échelle et assumer les rennes
De commandement, remplir de hautes missions.
J’attendis des années le sourire du sort,
Dans l’espoir qu’un commis de l’Etat investi
De souveraineté, de haut rang puisse alors
Me confier ce poste dont j’avais les outils.
Mon dossier me plaidait comme un bâtonnier,
Sur le plan compétence et sur la moralité
Attestées et sans que puisse les renier
Un habile enquêteur connu et redouté.
Passa l’an dans l’espoir, puis d’autres sans espoir,
Sans jamais recevoir l’avis de nomination
D’agent de la nation, récompense notoire
De mes valeurs partout tenues en adulation,
Partout ailleurs à l’échelle planétaire sauf chez moi,
Dans mon grand pays où de petits hommes corrompus
Jusqu’à l’âme écrasent de leurs pieds notre droit,
Gèrent la société comme leur propre du,
Ecartent les agents aptes et vertueux
Pour faire entendre leurs ordres, prétendus
Louables pour servir la nation au mieux.
Ils sont là, ils étaient là, ils seront là aussi ;
Ils se souviennent de notre jeune Etat,
Ils l’ont blessé, brisé en plusieurs organes,
Ils le mettent en brancard, le portent à trépas,
Ils l’ont dépouillé à fond de sa grande manne.
Ils se paient nos têtes, achètent le silence,
Vont en campagne de l’intox très savant,
Mûrement réfléchie avec trop de brillance,
Menée à bras de fer et toujours à l’avant.
extrait Odyssée
La femme inconnue
Je l’ai vue, le temps d’un bref regard d’approche
Entre des inconnus au milieu de foules anonymes,
Dans un bel espace familial pudique et calme,
De grand art culinaire où rien ne cloche.
Elle était le type de femme que j’aime :
Taille haute et bien en chair, ni grosse, ni svelte,
Poitrine couronnée d’opulentes cimes,
Des hanches évasées, des mouvements lestes.
Elle n’était pas trop blanche, mais un peu brune,
Au beau visage rond avec joues épanouies,
Des yeux noirs langoureux, un front rectiligne,
Des lèvres discrètes et des sourcils enfouis.
Ses noirs cheveux étaient lisses et brillants
Courts et coiffés à l’arrière par un foulard
Qui filait aux hanches, abondant et épars,
Gris cendre, à chaque mouvement fuyant
Elle avait ce prodige du ciel de charmer
Et les yeux s’y fixaient d’aubaine longuement,
Admiratifs, sereins, de façon sublimée,
Presque adulateurs, comme fée du firmament.
Elle était moulue dans un habit truculent :
Un pantalon noir coulant, un tricot gris ample
Qui lui donnaient de l’aisance dans son pas lent
Un bel air qui seyait à sa grâce humble.
Elle marchait avec grâce au pas de paon,
Comblée d’orgueil pour ses attraits féeriques
Et ses seins, sans écrin, hauts et de tétons
Bien en vue, bougeaient de façon impudique
.
Ses copines blanches, belles et séduisantes
La cadraient d’un décor subtil et admirable,
Conçu pour elle seule, en finesse adorable
Comme une légende très attendrissante.
Voisine de table au douillet restaurant,
La femme inconnue se tenait à l’opposé.
Pourtant, je sentais sa présence, mais n’osais
Me retourner, quoique, d’envie forte, souffrant.
Mirage
Au désert brulé par le soleil de midi,
L’infini se jette aux lointains rivages,
Le chant mugissant du vent en psalmodie,
L’air lourd et desséché ne permet ancrage,
Partout l’horizon plat à perte de vue,
Ciel et terre en jonction, pas âme qui vive,
Champignons en pierre, des ombres en revue,
Lumière aveuglante, des couleurs vives,
Chaleur torride, dard d’aplomb, tourbillons,
Havre nulle part, arbrisseaux squelettiques,
Marche dans le doute sans moindre trait d’union,
Espérance de vie courte et chimérique,
au couchant affirmé, le ciel était ponctué de lumière rougeâtre très timide, d’un noir argenté en étages, lumière couronnée par un petit filet jaune, au plus haut de la voute céleste qui épousait la mer un bleu indigo donnait une merveilleuse sensation d’évasion; l’eau océanique, bleue azur, était calme, endormie et brillait aux derniers rayons du soleil qui s’engloutissait là-bas, au-delà de l’horizon attrayant par ses aventures et sur la jetée était édifiée le palais vitré de la belle océanide, reine des fonds marins, reine de la terre solitaire que peuple seul le poète désemparé, passé si près de la foudre, provoquée par les forces des communions d’un soir ou d’été ou de printemps, ou d’automne ou d’hiver. la belle océanide apparut dans toutes ses splendeurs, toute sa beauté, tout son pouvoir ensorceleur et cacha le soleil éclatant, alors gronda le ciel et la foudre frappa la terre et les arbres. la foudre de l’océanide me frappa de plein fouet au coeur, ah combien il avait palpité, ah combien il avait battu à la vitesse du son, alors mon esprit fut émerveillé au lieu de fuir cette foudre; mais qui peut etre le rescapé d’un coup de foudre de la belle océanide. toi Carrine, reine du palais vitré, avec se colonnes d’acajou, ses meubles de hêtres, j’y vois la propreté méticuleuse transparente comme ton âme; j’aimerais y etre, y vivre l’éternité, toi et moi, ensemble, unis par les serments des dieux, toi reine, moi, ton chevalier, te protégeant contre tous; ah ce parquet reluisant que tes pieds foulent sans moi, j’en suis jaloux; ah cette mer où tu te baignes en petit maillot, j’en suis jaloux; ah ce soleil qui te voit, j’en suis jaloux; ah ce blé dans ta bouche, j’en suis jaloux.
Impôt
L’impôt nous frappe sans merci l’an entier
Pressure le pauvre et ruine le riche.
Vends et paies la taxe ou attends l’huissier
Vends bijoux ou tamis, trophée ou fétiche.
L’enchère menace et la terre tremble
Le fellah préserve tant qu’il peut et combat
Le colon le guette, sa joie à son comble
Tenté par un crédit espère le rachat
L’impôt ravit le blé, abandonne le son
Le fellah crie furieux, sème toujours le blé
Attend revenir dans la nuit le croissant
Trop fier trop digne et toujours révolté.
La nuit coloniale était trop violente,
Et dépouillait l’impôt de ses caractères
De vertu pratiquée à l’égard des gentes
Depuis l’émergence prouvée du numéraire,
Acte volontaire de l’élan solidaire,
Basé en équité pour le bien commun,
Sans laisser sur ses pas l’émoi réfractaire,
De redevables brimés sans des égards humains.
fille de l’océan, soleil aux aurores,
à ses tièdes rousseurs et ses éclats dorés
fée des baies, du sable ocre poudreux
fleur exotique aux couleurs bigarrées
parfum aphrodisiaque, ballet d’amour
Clair de lune
C’est un clair de lune propice à ma langueur
Dont les ondes s’élèvent au ciel constellé,
Faisant geindre les pulsations de mon cœur
Pris au carrefour des adieux hélas scellés.
Tristement, il y pleut d’abondantes larmes,
Comme les embruns d’un soir d’hiver en mer,
Qui noient la barque en péril par les lames
Qui s’y brisent sous la furie des flots amers.
Ainsi la barque de nos amours naufragée
Aura pour destinée les noires abysses,
Sans rivage d’issue pour enfin abréger
A rien la romance sans voir les prémices.
Pourtant cet horizon assemblait les deux bleus :
L’indigo de la mer et l’azur du ciel
Baignés par le soleil sans filet nuageux,
Comme une merveilleuse aquarelle.
Dans nos jardins d’amour, sans cesse cultivés
Par l’art poétique, arrosés de douceur,
S’exhalaient les senteurs par la brise levée
Aux primes aurores, au couchant en rousseur.