ahmed bencherif écrivain et poète

Bienvenue sur le blog de ahmed bencherif blog de culture et Littérature

Le débarquement

Le maréchal de Bourmont fut chargé du commandement du corps expéditionnaire, s’appuyant du plan d’attaque conçu par le capitaine Boutin en 1808. Aussitôt, la flotte s’était mise en mer, en navigation continue pendant plusieurs jours. Le débarquement eut lieu au port de sidi Freidj le 14 juin 1830. Le motif avancé de l’agression consistait à venger l’affront subi par le consul Duval frappé par le dey avec son éventail. À deux heures du matin, les troupes de la première division, à bord de leurs navires, attendaient sur le pont les chaloupes pour les mener en terre ferme. Chaque homme était muni de ses armes et munitions et il emportait en outre cinq jours de vivres. L’artillerie est chargée sur des chalands, puis poussée sur le rivage par des soldats. À cinq heures, le général Berthezene dirigea ses deux brigades vers la gorge de la presqu’ile. Des Arabes embusqués tirèrent des coups de feu puis ils disparurent. Les canons des Turcs, positionnés sur un mamelon, bombardaient ces troupes en marche. Une corvette et deux bricks avaient riposté et pilonné l’artillerie algérienne. La colonne en marche fut surprise par l’attaque de cinq-cents cavaliers arabes. Les artilleurs français les pilonnèrent à leur tour, faisant des victimes, non dénombrées. Alors cette cavalerie s’était repliée et disparut. Les brigades escaladèrent le mamelon obligèrent, au moyen de leur canonnade, les Turcs à battre en retraite, dans le désordre, abandonnant douze canons en fonte et deux mortiers en bronze, encore opérationnel et vite récupéré par la brigade.

Les combats  

Le 15 du même mois, il fut procédé au déchargement du matériel de guerre, sans discontinuité : des voitures pour les batteries de campagne et d’autres équipements nécessaires pour détruire le château de l’Empereur. Quatre jours plus tard, au point du jour, des fantassins arabes ouvrirent le feu sur toute la ligne des avant-postes français. Derrière ces combattants, il y avait deux colonnes d’infanterie et de cavalerie : la colonne de gauche se composait de mille janissaires, six-mille Kabyles, vingt-mille hommes du contingent de Constantine et d’Oran, sous les ordres du bey de Constantine ; la colonne de droite était sous le commandement de l’agha Ibrahim, composée du contingent du Titteri, de Maures, de janissaires et de Coulouglis. Du côté français, deux divisions estimées à vingt-mille hommes, appuyées par l’artillerie, étaient en formation de combat. Sur la baie du côté est, les bricks pilonnaient les positions adverses avec leur artillerie. Les Algériens furent battus à Staoueli. Le 23 juin, les Algériens qui avaient attaqué à partir de Staoueli, devaient, pour libérer Alger, traverser plusieurs collines, distinctes, étagées, telle une fortification régulière, commandées par les hauteurs de Bouzareah. Le lendemain, les forces algériennes envahirent le plateau de Staouali. Elles furent repoussées par l’artillerie française. Désormais, la défaite de la Régence était actée et les forces françaises prirent possession de la ville. Battu et sans espoir de retourner la situation, le dey Hussein négocia son avenir et il capitula le 5 juillet à midi. Il déclara les portes ouvertes d’Alger.

Un combat très court dans le temps, d’une violence relative, selon les pertes humaines avancées par les uns et les autres, qui actait une défaite jamais imaginée par les janissaires ou leurs propres ennemis, un combat infaillible qui consacrait pour longtemps la domination d’un peuple trahi par ses gouvernants qui avaient tous les moyens pour continuer la lute. L’histoire est restée hélas muette sur cette victoire française trop rapide dont les artisans rendaient vaines toutes les tentatives de conciliation, tentée par l’amiral turc du sultan Mahmoud ou le pacha Mehemet Ali. La Guerre urbaine fortement envisagée par le haut commandement militaire et crainte par les autorités politiques n’eut finalement pas lieu. Les Arabes et les Kabyles regagnèrent tout simplement leurs plaines, leurs montagnes ou leurs villes, les poches vides et sans butin, déçus encore par le peu de gloire du dey Husseine.

Les janissaires avaient montré au peuple qu’ils étaient tout simplement une force d’occupation, coupé de tout lien avec la patrie. Ils avaient prouvé qu’ils étaient simplement des mercenaires qui amassaient leurs trésors dans la Casbah dont ils puisaient en cas de besoin urgent pour payer la solde des janissaires en mutinerie, comme il s’en produisait souvent.

Un combat s’achevait sans gloire avec la rapidité de l’éclair. Mais un autre commençait, plus âpre et plus long, plus violent et dramatique, authentique assumé par les fils de cette terre trop irriguée par le sang des martyrs depuis la nuit des temps.

23
déc 2021
     Ces travaux de recherche historique sur cheikh Bouamama ont été menés en 1981, à la demande du ministre de la Culture de l’époque Bessaieh Boualem. Je les ai menés personnellement en puisant dans la bibliothèque familale et d’autres de mes amis me dépassant d’une génération ou plus. J’avais pris également en charge l’élaboration de ce fascicule. Ce travail a été réalisé par une équipe les défunts Mansouri Kaddour, Bouchetata Achour, le regretté père François Cominardi, Achour Ahmed, Bouchetata Abdelkader. Le travail intellectuel a été réaisé par nous, Ahmed Bencherif et François Cominardi. Qaunt aux cartes, dessins, levés topographiques, ils ont été exécutés par les autres membres de ce panel formidable. Ce travail envoyé au ministère de la Culture aavit servie de base à l’élaboration du scénario du film Bouamama par le ministre  Bessaiyeh. Hélas ! Nos noms n’ont pas été cités dans le générique.
  Il est certain que ces travaux répondent à un esprit de recherche exclusive, à l’urgence du moment et au souci de mémoire collective. C’est dire que nous n’avions pas fait un travail d’historien et donc ces batailles et leurs dates que nous avions recensées doivent faire l’objet d’études pour préciser si leur initiative revenait au cheikh Bouamama. Car, les tribus livraient des comabts elles-mêmes pour repousser l’agression dès le mois de mai 1847 et refuser de se soumettre.
C’est dans ce contexte que j’avais remis solennellement mes documents au Centre d ‘études et de recherches historiques des résistances populaires et du 1er Novembre qui avait organisé à Naama le 11 et le 12 décembre 2021 un colloque national sur cheikh Bouamama.
Les documents sont de deux ordres : le fascicule que nous avions réalisé en 1981 à Ainsefra et la photocopie d’un manuscrit intitulé journal de marche d’un légionnaire pour servir à la compréhension de l’insurrection de 1881.
Donc, je vais les publier sur mes sites et j’espère que mes lecteurs pourront enrichir cette mémoire et contribuer à l’écrire dans le but de respecter et d’honorer le combat de chacun.
 Ahmed Bencherif
15
déc 2021

FB_IMG_1639481627560                                          La problématique du lieu de naissance  

                                                    De cheikh Bouamama  

 

                 Cheikh Bouamama, de son nom complet Mohammed Ibn Larbi Ibn Cheikh Ibn Mohammed Ibn Brahim Ibn Attaj Ibn Sidi Cheikh Abdelkader, né en 1833 ou 1840 à Figuig au Maroc. Est-ce pour autant vrai de le détacher de ses origines purement algériennes qui remontent au 14ème siècle et de prétendre toute autre chose qui relève de la tyrannie de l’histoire et de l’indigence culturelle des princes ?  La même problématique se pose avec son décès le 7 octobre 1908 à  Ayoun sidi Mellouk, dans la région d’Oujda. Elle découle en particulier des accidents de l’histoire comme il s’en produit dans d’autres nations.

Ce résistant irréductible avait mené le plus long combat de la résistance algérienne estimé par les historiens à vingt-cinq ans. Il descend de la grande tribu maraboutique de sidi Cheikh  du Sud ouest de l’Algérie. Leur ancêtre sidi Maamar Bellalia[1] était un homme politique qui s’était distingué en Egypte et en Tunisie pour ses idées réformatrices qui déplaisaient aux souverains. Cette tribu était riche et puissante. Elle était de plus maraboutique très influente ; ses ramifications s’étendaient au nord et au sud du pays, au Mali, au Niger, au Maroc.

Si nous savons que Bouamama était né à Figuig, nous ne savons pas par contre avec précision quand était-il venu s’installer à Moghrar Tahtani . Il commençait à se distinguer dans cette dernière localité déjà en 1878. C’est à partir de cette date que l’idée de la résistance contre l’envahisseur que s’incarna en lui. Des données orales nous disent qu’il donna une nouvelle impulsion à la zaouïa de Moghrar Tahtani en 1875. Cependant, la zaouïa existait déjà. Car elle avait été créée par le saint sidi Cheikh en son temps qui l’avait transférée à AlBiodh sidi Cheikh pour des raisons hagiographiques. En effet, le fondateur de la zaouïa d’El Biodh était attribué à sidi Boutkhil au 16ème siècle, un saint descendant du prophète dont les fils émigrèrent à Ain-Sefra après sa mort. Des sources monographiques avancent cette thèse.

Le combattant Bouamama avait suivi la voie du Djihad tracée par ses aïeux et tous ces héros de la résistance algérienne en commençant par l’émir Abdelkader. Il commença la lutte en 1881. Le Maroc avait servi de base de repli aux troupes de l’émir Abdelkader et quand ce territoire leur était interdit, elles se repliaient dans le Mont des ksour.[2] Cette stratégie guerrière de l’émir Abdelkader et cette solidarité du royaume chérifien avaient amené le gouvernement français à conclure des traités avec le Roi du Maroc.

             La bataille d’Isly 11 aout 1844

Pour aboutir à cet objectif, l’armée française avait mené une expédition contre le royaume. C’était la bataille d’Isly. Elle opposa les forces marocaines estimées à 30.000 hommes et aux forces françaises évaluées à 11.500 soldats le 11 aout 1844[3]. La victoire était aux Français. Le bilan en pertes humaines ne dépassait pas 800 morts et 1500 blessés du côté marocain et 32 tués et 72 blessés du côté français. La bataille n’était pas violente, selon le maréchal Bugeaud qui estimait que les pertes marocaines étaient beaucoup plus importantes. Charles-André Julien nous livre son constat sur cette bataille :

            « La cavalerie marocaine ressemblait plus à une cohue inexpérimentée qu’à une armée aguerrie et que la tactique adoptée par le  maréchal avait réussi  pleinement ».

Toujours est-il qu’une paix avait été conclue entre les deux belligérants. Dès cet instant, le sultanat marocain ne put imposer ni sa vision ni exercer pleinement sa  souveraineté sur son royaume.

              La convention du 10 septembre 1844 à Tanger.

L’article 4 du dit traité qualifia l’émir Abdelkader de hors la loi et le plaça en situation de poursuite armée en Algérie et au Maroc.  Il stipule :

« Article 4 : Hadj Abdelkader est mis hors la loi dans toute l’étendue du Maroc et en Algérie. Il sera en conséquence poursuivi à main armée par les Français en Algérie et par les Marocains au Maroc ».

               Désormais, l’émir Abdelkader était traqué aussi bien en Algérie qu’au Maroc. Il était pourchassé de part et d’autre. En effet, l’étau se resserrait autour de lui-même et de ses troupes. Cependant, la question des frontières entre le Maroc et l’Algérie n’avait pas été discutée. Elle reconnaissait que les frontières entre le Maroc et l’Algérie restaient fixées et reconnues conformément à l’état des choses à l’époque de la « domination turque ». L’article 5 de la dite convention stipule :

      « Article 5 : la délimitation des frontières entre les possessions de S.M l’Empereur des Français et S.M l’Empereur des Marocains reste fixée et reconnue  conformément à l’état des choses reconnu par le Maroc à l’époque de la domination des Turcs en Algérie ».      

Les dispositions de cet article démontrent à l’évidence que la frontière algéro-marocaine était perméable. En effet, les liens sociologiques régissaient les populations frontalières, au plan commercial, culturel et même au niveau des liens de mariage.  D’autre part, l’Empire islamique (le Khalifa) délimitait ses frontières seulement avec le monde non musulman. Ajoutons que l’Etat nation est un phénomène du 19ème siècle. La  France avait emporté aussi les archives de la Régence d’Alger qu’elle sauvegarde à Marseille. Elle y accorde un grand intérêt pour des raisons stratégiques. Cette question des frontières internationales allait naturellement aboutir à d’autres discussions entre les deux parties.

Le traité de Lalla Maghhnia du 18 mars 1845.

Cette convention allait établir le tracé des frontières et répartir les tribus et les ksour concernés par cette perméabilité frontalière. Elle avait été discutée par une commission mixte franco-marocaine. Le général de La Rue représentait le gouvernement  français d’une part et de l’autre le caïd d’Oujda si Hmida et le représentant du sultan Ahmed El KHADIR Selaoui. Le général de division Ange Auguste de Martimprey avait dessiné un an plus tôt une carte fixant les limites du Tell, selon le tracé frontalier de la Régence d’Alger. La commission mixte répartit entre la France et le Maroc les tribus et les ksour entre Teniet Sassi, à 70 km au Sud est d’Oujda et considéra le Sahara comme un no man’s land. Il s’agissait des puissantes tribus confédérées des Ouled sidi Cheikh et des Hamyan. Il en résultait que les Gheraba dépendaient de Fez et les Cheraga relevaient d’Alger. Ce n’était pas un simple tracé géographique frontalier qui entrait en application, mais une atteinte flagrante aux droits fondamentaux de ces tribus morcelées.  Les autorités colonisatrices avaient procédé délibérément à la dislocation de leurs liens traditionnels au double plan économique et social. Pourtant, ces deux grandes confédérations avaient toujours dépendu de la Régence d’Alger.[4]  Dans l’immédiat, le traité consacrait l’isolement de l’émir Abdelkader.

Le général Ange Auguste de Martimprey[5] regrettait lui-même  qu’il avait fait la grave erreur de détacher de l’Algérie les Ouled sidi Cheikh Gheraba, en se basant sur des informations erronées selon lesquelles les Gheraba voulaient dépendre du Maroc. En clair, il reconnaissait avoir coupé un seul et même corps entre deux entités sociologiques. Il nous faut préciser que des familles des Ouled sidi Cheikh Gheraba  vivaient à Figuig et une grande fraction vivait à Qalaat Bouamama (Moghrar Tahtania). La grande confédération des Hamyan n’échappait pas à ce démembrement arbitraire.

Le tracé de ces nouvelles frontières échappait à toute logique. Le biographe de Lyautey donne un verdict contemporain glaçant :

« La géographie et le bon sens montraient que jusqu’à la Moulouya, le pays était un pays algérien »[6].

Une autre remarque s’impose. Elle réside dans le fait de la volonté du gouvernement français de laisser le Sahara sans limites frontalières. Cette issue était profitable à la France dans sa politique de pénétration. Néanmoins, le sultan du Maroc avait accepté cette condition sans formuler une quelconque opposition. En clair le sultanat marocain reconnaissait de facto qu’il n’exerçait aucune souveraineté sur la partie Nord ouest du Sahara.   Le royaume ne devait en aucun cas revendiquer aucune parcelle de territoire dans les années à venir, pour la simple raison qu’au moment des discussions frontalières il n’avait opposé aucune réserve. l

Le traité de Lalla Maghnia du 18 mars 1845 stipule :

 

Cette convention répartit les tribus et les ksour selon les articles suivants :

             L’article 4 stipule :

« Dans le Sahara il n’y a pas de limites territoriales :

         Ceux des Arabes qui dépendent du Maroc sont les tribus Mebeia, les Beni Guil, les Hamian Djenba, les Eumour Sahara et les Ouled sidi Cheikh Gheraba ;

         Ceux des Arabes qui dépendent de l’Algérie sont : les Ouled sidi Cheikh Cheraga, les Hamian, excepté les Hamian-Djenba ».

          L’article 5 dispose :

            « Les Kessours qui appartiennent au Maroc sont Ich et Figfuig.

               Les Kessours qui appartiennent à l Algérie sont AinSafra, Assela, Sfissifa , Tiout, Al Abiad Boussemghoun ». 

     

Cependant, cet article ne mentionne pas les ksour de Moghra Foukani et  principalement Moghrar Tahtani territoire par excellence des Ouled sidi Cheikh Gheraba. Ce vide résulte d’une méconnaissance géographique et anthropologique de la  région par les autorités françaises. En effet, la première exploration scientifique  de la région remonte au mois de mars et mai 1847 par le général Cavaignac qui avait mené une expédition militaire de 12.000 hommes pour soumettre le Mont des ksour, zone montagneuse qui servait également comme zone de repli aux combattants de l’émir Abdelkader[7].  C’est au cours de cette expédition guerrière que les localités de Moghrar Tahtani et Moghrar Foukani étaient citées. Signalons également que le général Cavaignac avait donné l’ordre de bombarder le ksar de Moghrar Tahtani qui fut littéralement détruit.

Notons que ce problème des frontières avec le royaume chérifien n’existait pas avant la conquête française de notre pays le 14 juin 1830. En effet, les gouvernements successifs de notre Etat en connaissaient le tracé précis et envoyaient leurs troupes chaque année lever l’impôt sur ces populations du Sud ouest. Pour rappel, le ksar de Chellala qui ne voulait pas s’en acquitter, a été contraint à payer par la force des armes au 18ème siècle.

Cheikh Bouamama allait lui aussi faire les frais de cette désagrégation sociologique de tribu. En effet, les habitants de Figuig contrecarraient son dessein de faire de cette localité une zone de repli. Il suivait lui aussi la stratégie de l’émir Abdelkader pour se replier en cas d’urgence vitale dans le royaume marocain. Cependant l’attaque du  cortège du gouverneur général Jonnart au col de Zenaga à Figuig le 2 juin 1903 allait changer la donne. Le gouvernement français était amené à opérer directement  dans la région de Figuig, sur la demande expresse du caïd de cette remuante petite ville.

En juin 1904, Bouamama quitta les régions du sud qui étaient désormais défendues par les troupes françaises de plus en plus nombreuses et mieux équipées en armes meurtrières et rapides. Il remonta au Nord en plein Maroc avec un millier d’hommes bien armés. Le général Lyautey envoya une troupe, sous le commandement de son chef d’état-major Henry à Ras Ain de Berguent pour protéger « les tribus amies ». Le représentant du sultan exprima sa reconnaissance aux troupes françaises venues les défendre contre Bouamama et contre le Rogui. Lyautey occupa ce point important avec l’adhésion du Makhzen et fit installer des baraquements. Cependant, le Makhzen protestait à Fez. Paris demanda alors à Lyautey de rappeler ses hommes à Ain-Sefra. Le ministre de la Guerre André envoya un télégramme au gouverneur général pour évacuer Berguent, lequel fut transmis au général Lyautey. Mais le subdivisionnaire d’Ain-Sefra n’était pas prêt à obéir.  Il envoya un télégramme au ministre de la Guerre ainsi conçu :

« Présence seule de groupe d’observation Ras Ain peut contenir tribus qui faisaient précédemment cause commune avec Bouamama…Abandon actuel ne peut être interprété par populations que comme fuite devant Bouamama et prétendant…Oran 31 juillet 1904 »[8]          

Le prétendant au trône était désormais un allié de Bouamama. Il était hostile au sultan du Maroc et  avait une grande aversion pour les infidèles, les impies. C’était Bou Hmara, de son vrai nom Jilali Ben Driss Zerhouni el Youssefi né en 1860 au village des Ouled Youssef. Puissant, le Rogui son autre pseudonyme, s’était révolté contre les Alaouite et le sultan du Maroc, Moulay Abdelaziz en 1902. Il avait soulevé  les tribus en s’imposant comme le défenseur de l’islam et en dénonçant les pouvoirs dévolus à la France et à l’Angleterre. Dès 1902, il est proclamé sultan par les tribus révoltées. Selon Lyautey, les troupes de Bouamama et celles du Rogui étaient plus puissantes que c elles du Makhzen.  En juillet 1907, le général Lyautey, désormais divisionnaire d’Oran, reçut l’ordre d’occuper Oujda, exclusivement la ville. Comme à son habitude, il faisait tache d’huile. Le résistant algérien mourut en octobre 1908 sans avoir à aucun moment demander l’aman. Sur son lit de mort, Bouamama confirme son refus de demander l’aman :

« Lyautey est un grand maitre …Je ne puis me soumettre à lui … »[9]

Quant au Rogui, il fut vaincu en 1909 par le sultan Moulay Abdelhafid grâce à l’artillerie lourde fournie par la France. Il fut  exécuté le 2 septembre de la même année.

Le Maroc était alors en décomposition et vivait en pleine anarchie qui pouvait porter de graves préjudices à l’Algérie coloniale.  C’est ce qui explique l’occupation du Maroc ratifiée par le traité de Fez du 30 mars 1912 qui en fait un protectorat, soit un Etat protégé pour l’intégrer dans la modernité au plan économique administratif et militaire. Pourtant, le royaume chérifien avait les possibilités pour mener une résistance durable qualitative et quantitative. Le souci du roi était de préserver la monarchie, qualifiée de droit divin et de mater toutes les oppositions ou les révoltes. Cette même préoccupation était partagée par la France.

 

Ahmed Bencherif

Ecrivain chercheur

Auteur du procès des insurgés

De Margueritte cour d’assises

Montpellier 1902-1903

 

Naama le 12/12/2021


[1] Djillali Sari ‘L’insurrection de 181-1882 ; SNED p.28

[2] Félix Jackpot l’expédition du général  Cavaignac dans la steppe et les ksour.

[3] Charles-André Julien ‘Histoire de l’Algérie contemporaine Casbah éditions p.199

[4] Djillali Sari ‘L’insurrection de 181-1882 SNED p.33

[5] op.cit Charles-André Julien

[6] André Maurois ‘Lyautey’ Librairie Plon p117.

[7] Le général Cavaignac l’expédition du

[8] André Maurois ‘Lyautey’ p130 édition Plon 1931

[9] André Maurois Lyautey p 177

31
oct 2021
Posté dans Non classé par bencherif à 5:30 | Pas de réponses »

Le piémont

 

 

Au-delà, le plateau s’étendait à perte de vue, surplombé par le djebel Gountas qui se dressait, raide et imposant, dont le vert sombre contrastait avec l’indigo du ciel. Le sol était érodé, rasé par les eaux, raviné de talwegs. De grandes roches émergeaient un peu partout, des dunettes se formaient au hasard du vent. La végétation sauvage poussait abondamment : des coloquintes rampaient et conservaient leurs fruits, des champs de chardon fleurissaient, protégés par des épines drues, dont les bourgeons faisaient le régal des chardonnerets et des cigales. Une superficie de quarante has environ était cultivée, un remblai la protégeait au bas de la montagne, des montjoies la quadrillaient, cinq ou six rochers étaient disséminés. Le champ de blé, qui était truffé d’orties, ne dépassait pas un pied et avait de maigres épis, une infécondité qui découragerait les plus hardis moissonneurs. Les fèves n’étaient pas plus généreuses et poussaient de façon inégale, avec beaucoup de parcelles nues. Quatre puits secs et inachevés furent abandonnés, à un mètre de profondeur.

 

Trois hommes creusaient sans résultat un autre puits. Ils travaillaient d’arrache pied, cognaient avec des masses qui faisaient un bruit sonore et dégageaient des étincelles au contact des burins. Ils se pliaient et frappaient de toutes leurs forces, se redressaient et regardaient vers le ciel, continuaient à faire indéfiniment ces deux mouvements. La roche résistait, ne se brisait pas. Elle entamait leurs énergies, les fatiguait, mettait à rude épreuve leur persévérance et leur volonté. Ils suaient à grande eau, s’essoufflaient, perdaient leur calme, grinchaient, tempêtaient. Ils étaient au trentième jour de travaux et en avaient marre. Le piedmont restait indomptable et la volonté de le vaincre était aléatoire. Il ne produisait presque rien et n’entretenait même pas les bestiaux. Une prairie de pierrailles, voilà ce qu’il était.  Les vents, froids ou chauds, qui soufflaient puissamment de tous les côtés, le ravageaient ; les eaux de pluie, qui dégringolaient vertigineusement de la montagne, l’inondaient et emportaient ses matières organiques.

 

La fraction des Oulad Haidar essayait de survivre dans ce milieu hostile. Elle luttait âprement contre des forces naturelles violentes. Elle demeurait, rivée au sol, ne le quittait pas, se cramponnait à un fol espoir de récupérer ses terres confisquées, au loin dans la plaine, qu’elle regardait, contemplait tous les jours, avec une douloureuse nostalgie et une profonde tristesse. Elle payait lourdement le prix de sa participation à la grande guerre de 1871, acceptait avec fatalité son sort, ne regrettait rien, espérait un nouveau tonnerre qui secouerait le ciel et la terre, attendait avec impatience de reprendre les armes. Ses hommes n’étaient plus des paysans, heureux de travailler la terre, mais des forçats. Ils le préféraient cependant au misérable salariat que proposait le colon ou l’administration des routes. L’instinct de survie stimulait leur ingénuité, incitait leur imagination, et tuait dans le même temps leur sens du goût et des saveurs, sevrait leurs envies.

 

Malgré son caractère désolant, le piedmont gardait une chaleur spirituelle émouvante, offerte par mère nature : un arbre unique en son genre recevait des marques d’adulation de bonnes femmes, qui l’habillaient de lambeaux d’étoffe verte et blanche et le teintaient de henné à sa base. C’était un dragonnier qui apparaissait comme un gigantesque bouquet de fleurs. Ses branches solides et aérées montaient uniformément au ciel, couvertes aux extrémités par des feuilles minuscules. Ses racines émergeaient et formaient au dessous d’elles une voûte qui gardait des vestiges de cendres d’encensement. Sa taille énorme dépassait quatre mètres de diamètre et témoignait de sa longue longévité et s’il venait à parler il conterait une histoire millénaire. Il appartient à l’espèce équatoriale dont la mise en culture est le fait d’oiseaux migrateurs. Les femmes angoissées se recueillent dans ce havre de paix solitaire. Elles invoquent son pouvoir miraculeux, le prient, se plaignent, se lamentent, lui confessent leurs souffrances.

 

Dada Aicha, la grand-mère de Haidar, ramena le déjeuner pour les bouseux, qu’elle mit au pied de l’arbre. Ses petits rejetons, qui l’accompagnaient joyeusement sans l’ennuyer, coururent vers les champs appeler les hommes. Elle tourna sept fois autour du dragonnier, caressa et embrassa une racine, y attacha deux fanions vert et blanc, passa sa tête sous la voûte et implora pardon pour ses visites peu fréquentes, en se plaignant du poids de sa vieillesse qu’elle parvenait difficilement à supporter. Elle pratiquait ce rite, comme ses aïeules, sans l’associer à l’adoration divine unique et éprouvait la paix de l’âme. Elle était sexagénaire et y faisait le petit pèlerinage dès son enfance. Elle entra dans une sereine méditation et dans la réminiscence. Son passé prodigieux en sacrifices réapparaissait et elle atteignait le comble de la quiétude, souriait comme un enfant heureux, parlait avec des êtres invisibles qu’elle appelait par leurs noms et leur demandait de l’attendre au paradis.

 


 

28
oct 2021
Posté dans Non classé par bencherif à 7:17 | Pas de réponses »

La voix retentit de nouveau : « Affaire 285, Djillali Bou Kaddir ». Le nom était inconnu dans la contrée et le public s’interrogeait du regard. Il n’évoquait rien, sauf le nom d’une localité lointaine pour ceux qui la connaissaient. La rumeur en avait déjà fait la légende, le bandit de la brousse, dangereux et hardi, échappé de la Guyane contre toutes prétentions de ses geôliers. Traverser les océans dans un voilier exposé en permanence aux tempêtes, parcourir des milliers de km en Afrique, dans la jungle infestée de bêtes fauves, puis dans le désert brûlant, ce n’était pas une mince affaire. C’était un exploit extraordinaire et, lui, un surhomme. Malgré son banditisme certain ou prétendu, il forçait l’admiration des gens. Personne n’avait quitté le tribunal, tous voulaient le voir et connaître sa destinée.

 

Il parut au chambranle de la porte de service, soutenu par deux gardes : le temps se figea, la terre cessa de tourner, les regards furent suspendus à la forte vision, la mouche ne volait plus. L’homme traînait le pas, aussi léger qu’une feuille morte, ses jambes amorphes ne le portaient pas, son dos recourbé se déformait, ses bras retombaient mollement, le sang n’irriguait pas son visage, sa vue confondait les êtres et les choses, ses yeux embués de détresse clignaient, ses paupières se rabattaient lourdement par intermittence. Etait-il de la condition humaine ? Son état physique ne l’indiquait pas. C’était un corps décharné, aussi honteux que cela fût, une charpente osseuse cramoisie, un squelette vivant qui craquait à chaque mouvement et créait de l’épouvante.

 

« C’est toi, Djillali Bou Kaddir, s’enquit le juge, d’une voix anxieuse ».

 

L’homme semblait atteint de surdité. Ses oreilles vrombissaient, la suée inonda son front, son cœur battait imperceptiblement, ses entrailles se crispaient et se tordaient. Alors, seulement, il ressentit une atroce douleur au ventre ; sa peau changea de couleurs plusieurs fois, du bleu acier au jaune pâle. Il fit un effort surhumain pour comprimer ses geignements, sa bouche restait entrouverte et gardait prisonniers tous les sons plaintifs. Il se débattait entre l’inconscient et l’état d’éveil, vacillait  comme un voilier en naufrage, titubait comme s’il avait des pieds d’argile. Cependant, une force inconnue le maintenait debout, que lui-même ne connaissait pas, la force de l’opprimé qui végétait dans son subconscient et vivait dans sa chair amenuisée, coulait dans ses veines, plus consistante que son propre sang raréfié. Djillali luttait jusqu’à la dernière fibre de soi-même, contre son oppresseur qui voulait l’anéantir. C’était là un combat permanent entre deux volontés opposées dont triomphera celle qui refusa la tyrannie.

 

Djllali souffrait-il d’un cancer qui en provoquait la destruction lente, d’une maladie dont le remède n’était pas mis au point ? La providence l’en avait épargné, prolongeait indéfiniment ses jours insipides et son agonie pénible. Sa douleur restait profonde et les implorations, qu’il murmurait, montaient toujours plus haut dans le ciel. Un virus avait attaqué son père qui en mourut, désespéré. Ce même virus le rongeait à son tour, en dévorait les organes, l’un après l’autre, en accaparait la pensée. Djillali vivait l’enfer sur terre, dont les flammes le brûlaient et le calcinaient. Il subissait par la main de l’homme des châtiments terrifiants que la clémence divine ne puisse infliger à ses propres créatures, car Dieu ordonna de faire seulement le bien sur terre. Djillali aimait la vie et s’y cramponnait, adorait sa patrie meurtrie et en ressentait les gémissements. Le mal du colonialisme l’agressait sans fin et jusque dans son sommeil constamment troublé, lui ôta l’habit et le traînait impudemment nu, lui cousait la bouche, l’avait littéralement soudé au carcan. Il le transforma en être inconnu de la création, autre chose qu’un humain, autre chose qu’un animal, parce que ceux-ci mangent et boivent.

 

Djillali se démenait comme un forçat pour récolter du blé sur les piedmonts rocailleux, dépensait vainement ses énergies pour dépierrer et débroussailler, mais le semis ne connut pas d’éclosion. Le colonisateur lui confisqua ses terres fertiles, ses points d’eau et lui dit avec moquerie méprisante : « Indigène, la pierre produit du blé et de l’orge ; elle fera ta prospérité. » Il le chassa à la baïonnette et le pourchassa au canon, le refoula vers les terres incultes, toujours plus loin, là où la végétation vivace et la roche dure usent les efforts. Djillali peinait l’an entier dans la vallée du Chélif, mais la pierre ne produisait pas de blé, d’orge. Ce n’était qu’un mensonge parmi d’autres qu’inventait son agresseur. La sécheresse l’éprouvait et persistait, il s’obstinait à rendre cette pierre clémente. Alors, la terre se gerça, dégagea des pellicules poudreuses que balayait le sirocco brûlant. Les plants ne repoussaient plus, l’herbe se faisait rare, son petit troupeau fut décimé. La vallée du Chélif faisait désormais peur, les solos ne contenaient plus de grains et les réserves pour les années de disette furent épuisées.

 

Le désastre était violent à la veille du vingtième siècle, à l’heure de l’évolution positive de la pensée humaine. Djillali connut un sort tragique, sa tribu et d’autres, innombrables, n’y échappèrent pas. Les celliers se vidèrent et chacun luttait pour sa propre survie, comma au jour de la résurrection, la solidarité du groupe ne se manifestait pas, parce qu’il n’y avait rien à partager ; l’aumône avait perdu sa raison d’être, parce qu’il n y avait plus rien à donner. La vallée du Chélif fut déshumanisée, ravagée de fond en comble par la famine. Des hommes, des femmes et des enfants faméliques abandonnaient leurs logis, marchaient le long des routes et des sentiers, à la recherche d’un bout de pain ; ils se nourrissaient d’herbes et de baies, ne terminaient pas leur voyage, ils succombaient aux affres de la faim et mouraient, leurs dépouilles, exposées aux charognards. Les malheureux perdirent même leur droit sacré aux funérailles et des milliers de cadavres isolés ou groupés jonchaient la nature, la mère de tous les hommes.

 

Dans la région du Chélif, les maires du gouvernement civil, télégraphiaient au gouverneur général et lui signifiaient les mesures d’urgence prises : ils n’ouvraient pas de soupes populaires, interdisaient l’accès aux villes et villages aux légions d’affamés qui circulaient comme des ombres, afin de préserver la beauté des places et des jardins publics. L’Algérie entière entendait les lamentations des infortunés et le peuple, considéré barbare par le conquérant, découvrait, dans l’effroi, la vraie nature de ses geôliers, prétendus émancipateurs. Le gouverneur général, quant à lui, ne trouva pas mieux que d’allouer des crédits de semence, alors que des gens mouraient et ne verraient jamais la prochaine récolte. Ah ! Quelle tragique ironie ! Nos prétendus bienfaiteurs, venus nous délivrer du joug des Turcs, ne prirent point de mesures pour apaiser les affamés. Ils cherchaient au contraire à nous exterminer et la famine leur rendait ce précieux concours, qu’ils espéraient durer le plus longtemps possible.

 

         -  C’est toi, Djillali Bou Kaddir, dit le juge,

25
oct 2021
Posté dans Non classé par bencherif à 2:48 | Pas de réponses »

Extrait

 

 

Chapitre 4

Au marché

 

Le surlendemain, le village était ébranlé, dès les premières aurores, par une activité sourde et pittoresque, qui revenait chaque semaine et apportait son lot de prospérité et de joie. Des troupeaux de bestiaux arrivaient de toutes parts, s’avançaient dans un chemin poudreux qui contournait l’agglomération, allaient se parquer, les uns serrés aux autres, au marché dont les murs d’enceinte en pisé étaient lézardés. De petits tourbillons de poussière suivaient interminablement leur sillage et leurs cris rauques ou aigus, accentués par le bruit de leurs pattes qui frottaient les herbes sèches, se propageaient très loin et faisaient une symphonie synchronisée de bêlements, de chevrotements et de beuglements, où se faisaient entendre par moments des blatèrements qui secouaient l’environnement. Les pasteurs les conduisaient, sifflaient ou criaient par intermittence ; certains couraient et lançaient leurs bâtons sur des bêtes qui fuyaient les processions.

 

Des marchands forains, qui transportaient à dos d’âne ou de mulet leurs marchandises, défilaient les uns après les autres, choisissaient l’aire de stationnement, déchargeaient leurs faix et allaient attacher leurs montures dans un proche bosquet et revenaient. Certains enfonçaient des pitons, dressaient des tentes et y déballaient leurs colis, d’autres le faisaient en plein air, à la merci des fluctuations climatiques : ou bien  le siroco, ou bien la pluie.

 

C’était un mercredi, jour du souk hebdomadaire qui se distinguait par une ambiance exotique et drainait de nombreuses foules exubérantes. C’était une opportunité pour tous, qui prenait le caractère d’un petit pèlerinage ; c’était le carrefour des fortunes et des misères, de spectacles poignants que d’aucuns ne voulaient manquer. Des gens s’y rendaient avec bonhomie, ayant parcouru plusieurs bornes par delà les plaines et les coteaux. Les transactions se faisaient de bonne foi, exemptes de dols et de spéculations ; on était assurément au meilleur du monde où la valeur marchande n’était pas manipulée par de vilains spéculateurs et les produits disponibles étaient achalandés, à la portée de chaque bourse. Le riche ou le pauvre s’y rendaient, le premier ne se  sentait pas humilié, le second ne se vantait pas.

 

Les foules grossissaient, à mesure que pointait le jour, et faisaient un brouhaha énorme dont l’audibilité était inintelligible. Elles se mouvaient lentement, encombrées dans l’espace qui se réduisait de plus en plus : une épaule cognait une autre, un pied marchait sur un autre et les excuses concises se faisaient souvent du bout des lèvres, par un sourire écarlate et l’on passait son chemin, sans façon. Rien ne différenciait les individus dont les accoutrements se ressemblaient : gros turbans jaunes ou blancs, gandouras ou encore des burnous légers, des cannes ou des bâtons. C’était une forme compacte, comparable à une petite montagne mobile et il fallait être assez costaud pour s’y joindre. Tous avaient à faire : acheter ou vendre, telle était la devise. Mais le souk offrait aussi des spectacles où se rabattaient un bon nombre de gens qui venaient faire leurs achats ou satisfaire leur curiosité. On y passait du bon temps, on tuait son spleen, on se remontait le moral, comme si on se saoulait.

La grande bourse était au souk des bestiaux, aux mains des éleveurs et des marchands de bétail qui portaient, en bandoulière, leurs sacoches gonflées d’argent. Ils étaient foncièrement orgueilleux, vifs et alertes, prédisposés aux échauffourées, rusés comme des chacals, patients comme des chasseurs. Ils se connaissaient et ne comptaient que sur leurs propres talents pour conclure affaire, tous intermédiaires inexistants : les seconds prospectaient les troupeaux, tâtaient et soupesaient un mouton, une brebis, proposaient un prix rapproché par harde ; les premiers attendaient stoïquement la montée des prix et disaient simplement que le coût de revient n’y était  pas. Les négociations étaient âpres, renouvelées dans la matinée, confrontées aux mêmes attitudes  mais, les uns et les autres ne perdaient pas espoir, finissaient par s’entendre et concluaient leurs transactions.  Là, une masse volumineuse d’argent circulait en toute sécurité et les paiements se faisaient à l’air libre, en retrait au pied d’un arbre.

 

Les moutons, rasés dès le mois de mai, supportaient ainsi plus aisément la chaleur et mettaient en évidence leur état d’engraissement. Ils étaient des milliers qui stationnaient debout, des heures durant, immobiles et doux, dociles et paresseux. Ils étaient, hélas, moins nombreux que par le passé. Le cheptel régressait depuis quelques années et des légions d’éleveurs se convertissaient dans une grande humiliation en ouvriers agricoles. Les prix avaient chuté de moitié et l’économie les populations rurales en souffraient atrocement : le bœuf atteignait au meilleur des cas soixante quinze francs, le mouton, quinze francs, la chèvre, six à sept francs. Le dromadaire gardait difficilement la barre de cent francs. Bête de monture ou de somme, il sut s’acclimater dans le désert et remplaça l’éléphant dès le troisième siècle de notre ère et devint célèbre dans la cavalerie d’Hannibal. Fait pour le désert, il peut rester jusqu’à un mois sans boire, son unique bosse constituant une réserve d’eau importante.

 

Dans le voisinage des troupeaux, des stands présentaient des variétés de produits tissés en laine, abondante dans le pays et travaillée dans chaque logis nanti ou indigent : tapis, couvertures, burnous. Leurs chatoyantes couleurs, à base de plantes diverses, brillaient au soleil et suscitaient de l’admiration : la garance donnait le rouge profond, l’écorce de grenade, le rouge clair, la gaude, un jaune très vif et l’indigotier, du bleu ciel. L’on s’imaginait sans peine ces belles tisserandes, aux yeux tracés de kohol, les lèvres empourprées de carmin, les sourcils réunis par un trait noir, les cheveux tressés, ingénieuses et hardies, accroupies et besogneuses au métier à tisser, maniant habilement le peigne de fer et nouant les points.

 

16
oct 2021

République Algérienne démocratique populaire

 

Ahmed Bencherif

Ecrivain chercheur

Tel : 0659451368

Email : haida.bencherif@yahoo.fr

Site : http://bencherif.unblog.fr

Adresse : Boite postale 9 Naama

                                                                       A

Monsieur le Président de la République

Direction du Cabinet Alger

 

                                                                Mémorandum

 

A l’heure où Monsieur le Président de la République procède dans sa politique globale d’actions pour apporter les remèdes au cas par cas, des acteurs agissant dans la sphère politique opèrent à contre courant involontairement ou sciemment, encore dépendant des anciennes traditions qui ont été à l’origine du recul de notre Nation dans tous les domaines de la vie socio-économique, politique et diplomatique et stratégique. Et sur ces multiples registres, nous assistons à un retour significatif de notre Etat sur la scène international en acteur agissant.    

Ces pratiques sont connues, Monsieur le Président. Cependant, nous étions convaincus qu’après deux ans de protestations populaires ( le Hirak) dont je suis un acteur agissant, nous étions convaincus qu’elles disparaitraient de notre société ou elles connaitraient un immense recul pour s’anéantir en très peu de temps. Hélas, elles sont encore puissantes et très nocives. En effet, ces traditions viennent de me porter un coup fatal à une nouvelle carrière politique pour laquelle j’ai été encouragé par les différentes lois  modificatives constitutionnelles, électorales que vous avez promulguées et aussi les multiples mesures que vous aviez initiées pour permettre à notre Etat de revenir à la rigueur de gestion, à notre jeunesse de réaliser ses ambitions.

Après une riche carrière littéraire dont je suis comblé, j’ai ambitionné dans la foulée de cette nouvelle dynamique que vous avez insufflée à notre Société de me présenter aux élections de l’assemblée populaire de Wilaya de Naama sur la Liste du Front de libération nationale. Mon dossier a été déposé, validé et sélectionné au double niveau de la Kasma et de la Mouhafadha, néanmoins rejeté par les instances centrales de sélection du Parti, dit-on, pour un motif qui trouble les consciences.

La décision de mon exclusion de la liste de candidature de l’assemblée populaire de Wilaya m’a été notifiée verbalement par Monsieur le Mouhafedh du FLN. Elle est justifiée par le fait que je n’appartiens pas biologiquement à la commune de Naama, alors que j’y réside depuis vingt-sept ans dans la ville de Naama dont je suis un électeur. Cette thèse est validée malheureusement par Monsieur Hadi Mohamed, membre du Comité Central et membre de la Mouhafadha. Cette mesure raciale est encore plus grave. Car, elle touche des centaines de cadres, venus d’autres villes du pays, qui résident depuis trente ans ou plus. Sont-ils alors des coopérants techniques ou des citoyens à part entière et qu’ils peuvent se présenter comme candidats aux assemblées élues loc ales ou législatives.

L’autre raison concomitante est que je ne peux pas me présenter aux élections à Ain-Sefra pour le fait que je n’y réside pas, alors que je suis son fils biologique. Monsieur Zeghdane Mohamed, membre du Comité central et membre de la Mouhafadha, a opposé son veto à ma probable candidature à Ain-Sefra.

Permettez-moi, Monsieur le Président, d’analyser cette fin-de-non-recevoir afin de mieux vous présenter le dommage que je subis. Ces instances ont tout simplement occulté la loi qui ouvre droit à la résidence permettant la suppression et au rattachement des noms et prénom du citoyen sur les lites électorales. Cette éviction de la liste de candidature est d’une portée très grave, car elle est de nature  raciale. Oui très grave. Car elle touche l’un des fondements de notre Constitution qui bannit le racisme et que toutes les lois du monde proscrivent, car il porte atteinte aux droits humains. Elle me dépouille de mon statut de citoyen algérien et me classe dans la catégorie des apatrides, ma nationalité algérienne juridique ne m’ayant pas prémuni contre cet abus d’autorité et cette aberration raciale. Se peut-il que des hommes politiques, qui se disent des politiques, pratiquent en toute impunité la discrimination raciale entre les citoyens de la même Nation et ne possèdent pas suffisamment de discernement pour faire de bons choix pour les candidatures pour mieux servir l’intérêt de la collectivité ?    

Le refus de ma candidature par les instances du Parti d’Ain-Sefra sur leur liste constitue l’arche qui cache la forêt. En effet, j’appartiens à l’entité sociologique du ksar de Sidi Boutkhil, une minorité qui n’a jamais eu la chance d’être représentée, dans l’Algérie indépendante, aux assemblées élues locales ou législatives, depuis la création des premières en 1967 et depuis l’érection des secondes en 1977. Cette exclusion n’est pas propre à l’entité sociologique du ksar de Sidi Boutkhil. En effet, elle frappe toutes les minorités de notre pays qui sont dans la grande majorité des ksour berbères. Il est certain que le législateur, qui raisonnait dans la philosophie démocratique, avait priorisé la règle du jeu démocratique de la majorité et de la minorité. Cependant, s’il avait pris soin de faire une étude démographique sur nos ksour disséminés à travers tout le territoire national, il aurait évalué cette importante masse démographique exclue sans volonté politique. Selon nos estimations approximatives, elle dépasserait deux millions d’âmes, donc voilà une moins-value certaine pour le développement de notre Nation.

Les deux cas de figure sont blâmables et n’honorent pas notre Etat qui lutte pour éradiquer les discriminations de tous genres. Aussi, il est impérieux de réparer ces torts pour chaque cas d’espèce. Les pouvoirs publics sont requis d’interdire cette pratique extralégale de discrimination raciale. D’autre part, le législateur est interpellé pour modifier la loi électorale et prévoir un pourcentage de représentativité pour ces minorités dont les ressentiments ne font qu’accroitre et les blessures ne font que s’approfondir.

Ce préjudice est tellement sévère et handicapant que ses auteurs doivent en subir les sanctions de Droit qui s’appliquent en la matière par les instances compétentes et dans cette optique, j’accuse les sieurs Hadi Mohamed et Zeghdane Mohamed, tous deux membres du Comité central et de la Mouhafadha du FLN. J’accuse, sans haine aucune, leur manière de servir qui est préjudiciable à la Nation, laquelle se retrouve piégée entre des cadres de parti dont l’indigence culturelle et intellectuelle est manifeste.

Au terme de ce mémorandum, J’ai l’insigne honneur et l’immense plaisir de vous apprendre que Je me fais une fierté d’être un écrivain nationaliste qui a décortiqué le colonialisme dans ses œuvres. En effet, mon roman historique en deux tomes Margueritte en est le révélateur. Il a donné jour à un ouvrage académique ‘le procès des insurgés de Margueritte cour d’assises de Montpelier 1902-1903’, édité par l’Harmattan en France en 2021, et qui est entré dans la recherche scientifique dans les laboratoires d’histoire des universités de Tlemcen, de Cambridge en Grande Bretagne, de Virginie aux états unis d’Amérique.

Copie à Monsieur

Le Ministre de la Justice

Cabinet Alger

Naama le 09/10/2021

 

Bencherif Ahmed écrivain chercheur

Président de la section locale

Union des écrivains algériens

25
sept 2021
Posté dans Non classé par bencherif à 9:40 | Pas de réponses »

La foule vivait ce moment avec intensité pour échapper, quelques fois, aux tristesses intarissables et empoignantes que provoquait l’emprise coloniale, de plus en plus sévère, qui les privait de tout et tendait à les anéantir. Hélas, ce divertissement fut vite perturbé par un chien qui aboya, puis un autre et enfin toute la meute se mêla aux cris rugissants, rauques ou aigus et gueulait à mesure que passaient trois silhouettes non loin de l’enceinte du douar. Les bêtes jappaient furieusement et persistaient, attachés aux piquets qu’elles essayaient désespérément d’arracher en s’élançant souvent, saisies d’une nervosité trouble et exceptionnelle. Trois ou quatre habitants se dressèrent promptement. Hamza fit agilement un grand saut, tel un fauve en chasse de sa proie et les suivit. Ils sortirent du petit bois et virent trois hommes s’avancer vers eux, s’approcher de mieux en mieux et se distinguer de plus en plus : c’étaient des étrangers à la peau blanche, coiffés de bérets de couleur terne par un long usage, vêtus de pantalons en gabardine rude, étriqués et très courts, tellement limés qu’ils donnaient une impression de transparence.

C’étaient des roulants de souche espagnole, qui venaient d’AliCante, la deuxième capitale d’Hannibal le carthaginois, redoutable ennemi de la Rome antique. Poussés par la misère, tentés par d’alléchants échos qui leur parvenaient d’Algérie, ils quittèrent leur petit pays, voyagèrent clandestinement par bateau, attirés par la terre promise qu’ils s’imaginaient une terre neuve sans populations. Ils ne connaissaient ni le Français, ni l’Arabe et dirent avec beaucoup d’humilité et d’espoir à leurs interlocuteurs : «Cherche Trabacho ». Ceux-ci comprirent les quelques mots ; car ce n’était pas la première fois que des roulants européens se présentaient pendant les moissons depuis quatre ou cinq années et, passée la saison, ils devenaient des propriétaires terriens, obtenaient des crédits bancaires, accédaient aux divers concours de l’Etat et devenaient des citoyens. Ils les emmenèrent aux notables sans les brusquer et avec une courtoisie élémentaire, bien sûr en leur vouant de l’animosité secrète. Car, ils voyaient en eux de futurs ennemis, s’ils devaient rester définitivement. Le moqadem convia les visiteurs à s’asseoir, par devoir d’hospitalité et leur demanda s’ils avaient faim. C’était un langage de sourd et il se fit comprendre en recourant au premier langage humain, celui des gestes. Ils observèrent un silence pesant, lequel était trop significatif. Leur hôte envoya donc son fils Hamza leur ramener le manger.

Raoul et ses amis vinrent de Margueritte où le garde champêtre, toujours en faction même aux moments creux, leur avait dit qu’ils trouveraient embauche dans la plaine. Ils avaient tellement marché sous les dards brûlants qu’ils étaient épuisés et déshydratés. Ils réclamèrent de l’eau et s’abreuvèrent littéralement dans un sceau en caoutchouc. Ils commencèrent ensuite à percevoir les choses autour d’eux, à leurs justes proportions. Ils dévorèrent de leurs yeux les champs de blé qui s’étendaient à perte de vue que le souffle du vent berçait, observèrent la terre avec avidité qu’ils pensèrent très généreuse, envièrent les habits chiques de leurs hôtes et regardèrent enfin avec une supériorité méprisante les moissonneurs qu’ils pourraient, se dirent-ils, employer la saison prochaine dans leurs exploitations, ce qui n’était pas un rêve, mais un projet facilement réalisable, tant ils étaient sûrs qu’ils ne couraient pas l’aventure en Algérie. Car, le sentier battu par leurs devanciers en drainerait autant d’hommes de la rive Nord de la Méditerranée qu’implantaient la baïonnette et un règlement fabriqué sur mesure, à coté de l’Arabe, à la place de l’Arabe, parce que la poudre indigène ne tonnait plus.

Les moissonneurs, roulants et autres, quant à eux, considéraient ces étrangers en vrais conquérants glorieux, plutôt que de pauvres malheureux qui méritaient charité. Ils ne manifestèrent à leur égard aucun sentiment de solidarité, les uns et les autres ne se sentant pas unis par un même destin. Cette Armée de roulants, qui inquiétait tant le pouvoir, n’était nullement révolutionnaire et portait en elle-même les germes de la contradiction interne, nuisible à son unité, dont une partie seulement, l’européenne, était prise en charge par tous ceux qui présidaient aux destinées du pays. La générosité du moqadem rendait tout le monde perplexe : les œuvres charitables de la zaouïa touchaient les indigènes assurément. Mais pouvaient-elles s’étendre aux étrangers et de surcroît de confession chrétienne ? Allait-il les embaucher ? Non ! Non ! Sa clairvoyance l’en empêchera malgré son altruisme naturel. C’était une sorte de vengeance dont ils se réclamaient : œil pour œil, dent pour dent. Les Roumi refusent de nous embaucher et nous préfèrent les Marocains qui travaillent pour un misérable salaire journalier de six francs avec une pitance, au lieu d’une réelle nourriture.

Hamza se pointa et déposa pour les quêteurs d’embauche un plat moyen assez consistant et largement suffisant pour trois moissonneurs de grand appétit. Ils regardèrent la nourriture abondante qui faisait vibrer leurs sens, se léchèrent leurs lèvres et semblèrent embarrassés par le choix. Alors, ils commencèrent par la fin, se partagèrent la viande qu’ils dévorèrent en un clin d’œil comme des loups, n’entendant rien, ne voyant rien. Puis ils croquèrent les ossements et avalèrent en quelques bouchées la petite montagne de légumes. Il n’en restait plus que le couscous qu’ils n’avaient jamais mangé et ils hésitèrent un moment. Mais, leurs estomacs crevaient de faim et ils sifflèrent les cuillerées de plus en plus vite. La saveur leur donna d’autres envies et Raoul demanda du Chrab, en pointant le pouce vers sa bouche, en faisant tanguer sa tête. L’expression, qui désignait le vin dans le jargon populaire, fut d’une insolence extrême et provoqua le mécontentement nerveux des notables. Quels effrontés, murmurèrent-ils. Il ne manquait plus que cela, gronda l’un d’entre eux. Très contrarié, le moqadem intervint pour calmer les esprits et répondit à Raoul que le Chrab était interdit par la religion musulmane. Raoul, qui n’en savait rien, comprit qu’il venait de faire une grosse bêtise et n’insista pas. Ils achevèrent le repas dans un silence ennuyeusement gênant et dirent : « Merci beaucoup ». Les notables, qui furent sollicités à se prononcer sur une éventuelle embauche, répondirent par la négative et le moqadem indiqua à Raoul les exploitations coloniales dans les profondeurs de la plaine qui pourraient les employer. Les trois roulants s’en allèrent par les sentiers à la rencontre de leurs coreligionnaires.

La pause s’acheva par un thé et les moissonneurs regagnèrent les champs, les jambes dégourdies, les bras plus vigoureux et une merveilleuse bonhomie. Vers le coup de quinze heures, le soleil demeurait immobile dans son point et projetait ses dards qui martelaient le crâne, serraient les tempes prêtes à imploser à chaque moment, chassaient l’air autour de l’individu dont le cerveau bouillonnait comme trempé dans un chaudron. Ni le chapeau, ni le turban ne permettaient d’échapper à cet enfer qui descendait du ciel en ce moment et que tous craignaient, si bien que l’on disait dans le langage coutumier que le soleil était debout, sous lequel des hommes saignaient du nez ou tombaient évanouis. L’astre du jour, tellement magnifié et loué, faisait des victimes au plus fort de son ardeur et ces hommes, qui y bossaient  sans arrêt, méritaient tout autant de l’admiration. N’avaient-ils point eux-mêmes une matière organique infernale ? Ils peinaient et suaient avec une endurance qui dépassait les limites de la résistance humaine. Ah ! Ils étaient laborieux et récoltaient ce que la terre donnait avec une générosité incommensurable. Chacun se faisait le devoir sacré de moissonner le tiers d’un ha environ par jour, sans geindre ni se plaindre. Ils faisaient les mêmes mouvements, battaient le même volume d’ouvrage à une même cadence, comme une mécanique, l’amour de la terre les incitant à déployer des efforts surnaturels.

Enfants et adolescents avaient déserté les champs en ce moment de fournaise, ainsi que quelques bénévoles. L’ombre était recherchée comme de l’élixir aussi bien par les êtres paresseux que par les dégourdis pour se prémunir contre cette nonchalance qui dope l’esprit et ramollit les muscles. On s’y affaissait, on essayait de roupiller, on se faisait l’illusion que l’air frais soufflait et l’on recevait de plein fouet une charge de moustiques qui piquaient un organe et en absorbait un peu de sang. Mais les roulants, ces hommes robotisés par le dénuement total, restaient là et battaient réellement besogne à la sueur de leur front, méritant plus que le salaire. Le moqadem fit sa troisième incursion du jour pour évaluer la récolte. Il marchait entre les bottes de blé en vrai pèlerin, prenait une gerbe, puis une autre et une autre. Les épis étaient pleins et chacune contenait une centaine de grains. Il remercia le Seigneur pour cette prospérité, les bras levés en haut, le regard lointain et implorant, comme s’il voulait voir le Clément et Miséricordieux. Mais il le sentait au fond de lui-même et dans sa chair. Alors il se prosterna, baisa par trois fois la terre et pria : « Seigneur tout puissant ! Fasse que cette prospérité dure et éclaire les hommes sur ta grandeur et ta générosité. Fasse que ta Justice règne dans le monde. Fraternise entre les gens des Ecritures Saintes. Délivre la terre de l’Islam des impies qui la souillent. Fasse que nous soyons ton épée pour la libérer.».  Hamza contemplait en silence l’humilité de son père dont il essayait de pénétrer les pieuses invocations. Cela lui insuffla de l’ardeur et il reprit la faux, tandis que le moqadem s’éloignait d’une démarche humble et dans un état de dévotion sublime.

16
sept 2021

I Le nationalisme

  1. 1.      L’émigration algérienne politique         

A ses origines, elle était essentiellement religieuse et elle remontait à l’année 1830, dans les jours qui suivirent la défaite du dey Houcine. Elle était motivée par le fait qu’un musulman ne devait pas demeurer dans un pays dont le gouvernement était impie, selon un verset du Coran et des commentaires du Prophète Mohamed. Les candidats à ce mode ‘émigration étaient surtout des notables qui appliquaient les prescriptions religieuses à leur corps défendant. Ils n’étaient pas nombreux. Néanmoins, quatre années plus tard, les groupes prenaient le chemin de l’exil, puis des fractions de tribus, dans le Sud Ouest du pays, de Tlemcen, de Mascara. Les gens de la Grande Kabylie et du Constantinois n’étaient pas épargnés par ce phénomène qui prenait de plus en plus d’importance, non sans provoquer les inquiétudes du gouvernement général. Ils se réfugiaient naturellement en Tunisie. Les pays voisins leur servaient à tous de transit pour aller en Syrie.

L’émigration s’accentuait à mesure que la colonisation exerçait sa tyrannie et imposait sa vision coloniale, au lendemain de la création du gouvernement civil qui n’avait d’existence propre que par l’existence même du colon. L’Algérien était régi par le code de l’indigénat qui avait été adopté le 28 juin 1881 par le gouvernement français, étendu ensuite aux autres colonies françaises. Il n’était ni citoyen ni sujet, mais un individu corvéable à merci, écrasé par l’impôt, dépossédé et refoulé de ses terres agricoles, rabaissé de sa condition humaine, privé d’instruction et de couverture sanitaire, en quête de son pain,  confronté épisodiquement aux famines et aux épidémies, sans soutien des autorités coloniales, interdit de circuler d’un douar à un autre sauf muni d’un permis de voyage, interdit d’aller à al Mecque.

Au début du vingtième siècle, le phénomène avait pris une ampleur manifeste, précisément à partir de l’année 1907. La loi sur la laïcité promulguée en 1905 s’appliquait uniquement aux religions chrétienne et juive. Quant au clergé musulman, il percevait toujours ses rémunérations et donc soumis au statut sous contrôle de l’administration coloniale. Cette situation était aggravée par le fait que les biens immobiliers incessibles des mosquées étaient gérés directement par les services du Domaine. Vers 1911, l’émigration algérienne devenait massive et soulevait de vives inquiétudes des autorités coloniales. Les destinations privilégiées étaient la Syrie, l’Egypte, l’Anatolie, la Palestine, la péninsule arabique. Cette même année, 800 habitants avaient quitté Tlemcen, d’autres avaient fui leurs régions de Meliana et de Bordj BouAreridj pour s’établir en Syrie qui drainera d’ailleurs  d’autres personnes des villes de Sabra, de Nedroma, de Remchi et de Sebdou.  Mais pour la ville médiévale de Tlemcen, ancienne capitale du Maghreb Central subira cette même épreuve. Mille- deux-cent familles avaient pris le chemin de l’exil et regagnèrent le Proche Orient. L’administration coloniale en fut très inquiétée par cet exode et instruisit l’armée et les services de police de l’arrêter et de fermer les frontières. En effet, les chiffres sont éloquents de par leur grandeur :

-          20.000 à 30.000 émigrés algériens en Égypte.

-            10.000 à 15.000 émigrés en Péninsule arabique.

-            5.000 à 6.000 en Palestine autant en Cilicie et en Anatolie.[1]

-          35.420 en Syrie établis seulement dans les villes et un grand nombre dans les villages et les petites cités.

-          Istanbul était aussi la destination des exilés algériens, nous ne disposons pas hélas de statistiques.

Ces émigrés algériens étaient bien établis dans chacun de ces pays d’accueil. Ils recevaient des terres agricoles et bénéficiaient d’autres avantages. Ils accédaient à la citoyenneté et étaient exempts du service militaire.  Ils préservaient le contact avec leur propre pays et échangeaient des lettres avec leurs proches et leur disaient le bien-être et la quiétude dans lesquelles ils vivaient. Dans le même temps, ils faisaient l’apologie de l’islam sous le règne du sultan Abdelhamid. Néanmoins, leur formation politique n’accompagnait pas leur destinée. Car ces pays étaient loin d’être démocratiques, malgré le fait qu’ils accordaient une grande marge de liberté à leurs citoyens. L’élite qui pouvait réveiller la nation algérienne n’y émergeait pas. Elle allait se former bien plus dans le propre pays du colonisateur.


[1] Abou Kassem Saadallah- La montée du nationalisme en Algérie

6
sept 2021
Posté dans Non classé par bencherif à 12:47 | Pas de réponses »

Le kif dans le Rif
Le Rif est une région montagneuse du Maroc,  situé au nord et longé par la Méditerranée et baigné à l ouest par l Atlantique. Le mot Rif signifie en Amazigh rivage ou bord. Sa superficie est de 34.631km carrés. Il est placé sous protectorat espagnol 1912-1956. En 1921,Abdelkrim Khatabi proclame la république qui sera réprimée dans le sang en 1926 par la monarchie.
C est une région pauvre habitée par un peuple rebelle. Sa culture première est le cannabis qui remonte au 16 ème siècle. En 1890, le sultan Hassen1er confirme l’autorisation de la culture du cannabis. La superficie cultivée est de 79.000ha pour le seul Rif qui compte une population de 1.000.000 d âmes. Une famille ne gagne que 500 euro par an. En effet en 1950, le kif est cultivé dans les plaines de Marrakech et de Kenitra.
La superficie totale cultivée est de 134.000ha.la production annuelle est de 47.000 tonnes de kif. Elle rapporte 200 millions de dollars pour les producteurs dont 1million d âmes y vivent. Ils sont excessivement exploitées à la limite de l esclavage et sous payes. En effet les trafiquants de narcotique en tirent un revenu annuel de 12 milliards de dollars. Le kif traité est écoulé vers l Espagne par la Méditerranée, par l’Atlantique  vers les Pays Bas, la Belgique,l Allemagne et par voie terrestre vers l Algérie. Ce trafic de hachich avec l Algérie est déjà l une des raisons de tension. En effet nos douanes interceptent au quotidien des quantités industrielles de kif et déférent les trafiquants aux tribunaux qui écopent des peines lourdes d emprisonnement qui atteignent parfois vingt ans.

1...34567...57

Yasume |
les poèmes de mistigri |
philantrope de mbarta |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | HAZA LANITRA
| beauty $pot
| lalarmedelephant